« Y a toute une faune qui sort la nuit. Putes, chattes en chaleur, enculés, folles, pédés, pourvoyeurs, camés, le vice et le fric. Ecoutez bien, bande de dépravés. Vous avez devant vous un homme qui en a marre, un homme qui n'en peut plus. Ecoutez bien, bande de dépravés, voilà l'homme pour qui la coupe est pleine. L'homme qui s'est dressé contre la racaille, le cul, le con, la crasse, la merde. Voilà quelqu'un qui a refusé. »
Ce monologue est signé Travis Bickle, chauffeur de taxi psychotique du chef-d’oeuvre Taxi Driver. A l’écoute de « Hail To The Sick Ones », on se dit que les gars d’AS WE BLEED partagent le même état d’esprit. L’état d’esprit d’un groupe qui en a marre de toute cette merde et qui le hurle à qui veut bien l’entendre. « Hail To The Sick Ones » est un album malade, vérolé, infecté par la crasse et la saleté de la société actuelle. AS WE BLEED, Travis Bickle même combat? You're talking to me? You're talking to me?

Donc non, « Hail To The Sick Ones » n’est pas un album qui fait du bien aux oreilles, qu’on écoute lors des barbecues en famille ou des goûters d’anniversaires de votre petit dernier. Tout débute par une intro bien glauque que l’on se passera en parcourant les pages, lyrics et autres illustrations primesautières du livret histoire de se mettre dans le bon état d’esprit. Suicide et dépression. Par bien des aspects, le petit dernier d’AS WE BLEED, se pose comme le frère jumeau du « No Surrender » de Kickback. Mêmes ambiances déliquescentes et poisseuses et même timbre de voix. Ceux qui sont allergiques à la voix de Stephen ou à la musique des sulfureux Parisiens peuvent d’ores et déjà arrêter les frais car « Hail To The Sick Ones » arpentent les mêmes ruelles sales. Si l’influence de Kickback est forte, AWB ne se contente pas de décalquer la formule magique et balance avant tout sa propre musique en se reposant sur la base, déjà très solide, de leur précédent album. On retrouve donc ce mélange de métal incandescent ultra grinçant, de edgemetal « made in H8000 » et de hardcore plus basique mais avec cette fois une touche « filthy » plus marquée que par le passé. Un titre comme "The Die Hard Manifest" met directement les choses au(x) poin(gs)t : AS WE BLEED en a après le monde entier et va en découdre à grands coups de canifs et de lattes dans la gueule.

L’urgence et la violence aigre des compositions suintent de chaque note et accord balancé par une gratte à la fois tranchante mais usée et rouillée ce qui donne un grain et une épaisseur nouvelle au son des natifs d’Evreux. On ressent un vrai dégoût de tout à l’écoute de cet album et on perçoit une forme de nihilisme black adapté à un hardcore moderne et fortement metallisé. Par rapport à « Harsh means… » AS WE BLEED s’est ici délesté d’un peu de gras pour rendre sa musique plus incisive et directe. Au revoir donc les petits passages chaotiques à la Converge and co, bonjour agressivité primitive. Pour paraphraser sportivement, « Harsh means… » te mettait KO par une série de clés de bras et de soumissions alors que « Hail To The Sick Ones » te saute à la gorge et te racle la face sur le bitume bouillant. Le résultat est le même, tu repars vaincu, mais la manière et différente.

Les titres forment une belle pièce compacte et rugueuse mais en évitant la redondance, première ennemie du groupe de hardcore, via un sens du riffs qui fait mal et des variations bienvenues dans la compositions et le jeu de batterie, alternant passages presque blastés, two step et breaks nuancés. La musique majoritairement rapide et cinglante n’hésite pas, par moments, à ralentir le tempo pour partir vers d’autres horizons « postskevouvoulez » comme l’illustre à la perfection le titre « Nothing More To Say », longue plage finale tout en atmosphère étouffante et désespérée. Comme les gars ne sont pas des ingrats on a droit à ma reprise du « Wasting Away » de Nailbomb en titre bonus. Une reprise boostés au pot belge qui déboule plein pot pour clôturer de fort belle manière un album rageur et brutal. AS WE BLEED s’était fait remarquer avec « Harsh Means… » et confirme, tout en faisant évoluant sa musique et son univers, qu’il faudra compter avec eux sur la scène française. Putain et dire qu’en ce jour de sortie du premier single de Greg Le Millionaire ces mecs-là n’ont toujours pas de label… « I think someone should just take this city and just... just flush it down the fuckin' toilet. »


Rédigé par : Seb On Fire | 15/20 | Nb de lectures : 13729