Si d’aventure les gérants du label Oaken Shield cherchent à changer de nom, je veux bien me faire leur consultant exclusif et suggérer un patronyme rassembleur dans le goût de Second Zone Productions ou – plus poétique – Le Sanctuaire des Modestes… Surtout que personne n’y voie une quelconque connotation malveillante, ni même péjorative, le fait est seulement que la subdivision encore jeune du caïd de la distibution Adipocere semble faire son credo de groupes à la renommée inexistante (jusque là tout va bien) et pour lesquels il est bien laborieux d’entrevoir un lendemain à travers le brouillard qui enveloppe leurs repaires (là on touche déjà à un obstacle). Attention, je ne jetterai jamais la pierre à un groupe méritoire comme Astrofaes qui après tout sculpte son black metal puriste avec persévérance et sans visées para-artistiques douteuses, mais il s’avère bien trop tôt dans le disque que le trio ukrainien ne procure rien qui, aujourd’hui, justifie une production et une couverture médiatique – surtout si on le met en parallèle avec les innombrables jeunes troupes de tous horizons qui pédalent dans la choucroute sans signature avec du matériel X fois supérieur à celui de « The Eyes of the Beast ». Pourtant, Astrofaes se démènent autour d’un concept noble centré sur une loyauté indéfectible envers leurs racines et les épreuves parfois bien sanglantes traversées par leurs aïeuls pour la défense de leurs steppes glacées. Le cœur apporté à cet ouvrage se traduit par une combativité de tous les instants, matérialisée par une palette de riffs tous plus intraitables et coupants les uns que les autres. Au son d’une guitare rude comme de l’écorce de chêne, mais ployant trop souvent dans l’anonymat d’une production stérile, la charge est fréquemment conduite à grande vitesse. Comme il se doit, les galops sont ponctués par une batterie déchaînée dont, hélas, on ne distingue les claquements de caisse claire derrière le charleston que lors des roulements ou des parties mid-tempo. Le chant est complètement symptomatique du genre écorche-larynx, et on peut à moitié regretter qu’Astrofaes n’aient pas cherché à extrémiser son timbre ou à en moduler le rôle, ce qui eût peut-être rehaussé le niveau d'attention que l’on peut porter à ce type de vocaux qui ont au fil de l’habitude beaucoup perdu de leur pouvoir de terreur et de provocation. « The Eyes of the Beast » échappe à la médiocrité, mais ne suscite malheureusement qu’indifférence polie et désœuvrement à force de cavaler hors de vue de toute surprise, si ce n’est la présence vivifiante d’un instrument aux sonorités chaloupées proches de la cithare pour dynamiser le final épique de « Damnation of Silence ». Peut-être une lueur d'espérance pour l’avenir même si je vois mal Astrofaes virer black folklo… Alors voilà, on en est comme bien souvent réduits à regarder la lune, avec un album qui n’a rien à faire dans le wagon archi-saturé des sorties metal professionnelles, mais qui d’un autre côté ne mérite pas forcément d’être totalement occulté. A la réflexion, Astrofaes sont sans doute mieux à leur place chez Oaken Shield que n’importe où ailleurs…


Rédigé par : Uriel | 10,5/20 | Nb de lectures : 8101