Asmodée : démon des plaisirs impurs dans le livre de Tobie (extrait de l’ancien Testament). N’allez pas croire que je fais l’étalage de mon érudition relative, j’ai tout simplement sorti mon dico. Un peu de culture dans ce monde de brutes ça ne fait jamais de mal, pas vrai ?
Ce « Simulacres » est donc l’occasion de retrouver les charentais d’ASMODEE pour un second album deux ans après « Symptômes de ruine » qui avait suscité des avis divergents.
Si un disque projette toujours un sentiment plus ou moins fort, celui qui m’est apparu lors de chacune de mes écoutes de « Simulacres » est incontestablement l’hystérie.
Le chant névrosé de Thomas Chassaigne y est sans doute pour beaucoup, mais la structure même des titres a des airs de démence . ASMODEE fait partie de cette nouvelle vague de groupes black qui ont quelque peu délaissé les poncifs du genre, pour se façonner un style. Je ne sais pas si on pouvait parler de techno-black jusqu’à présent mais ASMODEE paraît définitivement collé à cette étiquette. Les titres peuvent sembler difficiles d’accès si l’on n’est pas habitué à une musique complexe et dense. Une écoute distraite peut donner l’impression que ça part dans tous les sens, or c’est loin d’être le cas. ASMODEE sait parfaitement où il nous emmène : un lieu de désolation, où règne une noirceur glaciale. Les riffs et les rythmiques copulent dans des arrangements extrêmes et hystériques avec des changements incessants d’une rapidité fulgurante.
Pour varier sa musique indéniablement compacte, ASMODEE ne rechigne pas à y inclure quelques passages plus progressifs où se posent parfois des notes de piano, des nappes de synthé évanescentes. Du côté des textes, ASMODEE s’inspire d’auteurs du XIX et du XX (pas les arrondissements, bande de crétins !) ainsi « Simulacres » nous présente des adaptations de textes par franchement hilarants de Lord Byron, Jean-Joseph Rabearivelo, Arthur Lundkvist. La décadence du « Spleen de Paris » de Charles Baudelaire trouverait un giron accueillant dans les méandres de « Simulacres »
Pour le choix de la production je serais moins enthousiaste. ASMODEE a voulu ce disque froid et dénué d’âme, sec comme le claquement d’un fouet et je dois dire qu’un meilleur mix aurait sans doute enrichi leur musique. Ainsi, le son des guitares manque un peu d’étoffe et ressort comme trop nasillard. « Simulacres » semble très axé sur les sons médiums et un peu plus de basse (je ne parle pas de l’instrument, on l’entend assez bien) n’aurait pas été un luxe. ASMODEE a voulu gardé un point d’attache indissociable du black avec un son brut de décoffrage et ce n’est pas forcément un bon choix.
« mais soudain me viendront les grandes faims mystiques
car vos ombres, mes morts, émigreront en moi,
et près de nos tombeaux aux murailles antiques
je courrai murmurer ces mots remplis d'émoi :
O mon vain cœur, c'est là, c'est là sous ces ruines,
Sur lesquelles s'abat un essaim de corbeau
C'est là qu'enveloppé d'un manteau de bruines,
Un jour tu pourriras, c'est là dans ces tombeaux »
JJ. Rabearivelo



Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 10044