Celui-ci, on ne l’avait pas vu venir. Enfin, pas comme ça. Lorsqu’on croise quelques commentaires très exubérants sur la toile concernant un « nouveau » groupe de Black allemand tout ce qu’il y a de plus banal à première vue, il n’y a pas vraiment de raison de croire qu’on tient le nouveau messie. La première chose qu’on remarque à propos d’ASCENSION, c’est que le groupe semble appartenir à la mouvance quelque peu « Orthodoxe » du Black (visuels, thèmes abordés, choix de style musical, apparat mystique avec un line-up tenu secret, etc.), mouvance qui s’est fait assez discrète ces derniers temps. Les nouveaux groupes apparaissant ne semblent que pratiquer une resucée de ce qui a déjà été fait du côté du Necromorbous, et les groupes existants sortent des albums un peu décevants (MERRIMACK, FUNERAL MIST dans une moindre mesure) ou changent de direction (GLORIOR BELLI et son virage « southern », WATAIN qui plonge définitivement dans les eaux mélodiques de DISSECTION). Mais avec Consolamentum, ASCENSION n’a rien d’un sous-groupe ou d’une énième copie de WATAIN, bien au contraire…

ASCENSION est formé en 2007, quelque part en Saxe (en Allemagne, donc). Bien que des photos promo existent, le groupe ne souhaite pas révéler son line-up au public. Seules des rumeurs prétendant que des membres de KATHARSIS participent au projet ont circulé sur la toile, mais il est impossible de confirmer ou d’infirmer quoi que ce soit. Le groupe a tout d’abord sorti une démo en 2009 (With Burning Tongues), enfin parlons plutôt d’un premier album vu que cette démo dure 45 minutes, avec un style bien particulier qui va un peu évoluer par la suite. Sur With Burning Tongues, ASCENSION pratiquait un Black à tendance plutôt martiale et mystique, avec de longs morceaux lancinants et occultes, affirmant une liaison stylistique marquée avec SECRETS OF THE MOON, en un peu plus « true » cependant. Très convaincant, mais pas accrocheur et inoubliable pour autant.

Or dès la sortie de l’EP Fire And Faith en novembre 2010, tout va changer. ASCENSION évolue et bascule du côté « Orthodoxe » de la Force. Plus incisif, plus mélodique, plus direct et accrocheur, le groupe allemand va poser son style en prévision de Consolamentum. L’inspiration WATAIN va entrer dans la danse, notamment au niveau du chant très proche de celui d’E. Danielsson, mais aussi au niveau des ambiances et au niveau de la teneur principale des riffs et des leads. Le visuel va également évoluer, fini le papier K7 grisâtre de With Burning Tongues et place aux artworks très constrastés de Metastazis. Et le tout va nous exploser à la gueule dès la sortie de Consolamentum fin 2010. Le petit papa Noël aura amené le vinyle coloré en avant-première chez les amateurs de rondelles en cire, les autres auront dû attendre un peu pour le support physique du mange-disque. Quoi qu’il en soit, la musique est bien là et la satisfaction est au rendez-vous.

Et c’est la claque. Disons-le tout de suite, ASCENSION n’est pas le groupe de Black le plus original de la Terre. Le style a déjà été croisé maintes fois, mais alors l’exécution, l’ambiance… tout est ici à son firmament, quand bien même ce n’est qu’un premier album (et demi), même si on sent que les membres du projet ont déjà dû faire leurs armes dans d’autres formations. Consolamentum fait tout simplement preuve d’une maîtrise, d’une mise en place et d’un développement d’ambiances tout à fait saisissants. L’album est parfaitement varié, très bien équilibré entre morceaux rapides et agressifs ("Grey Light Sibling", "Fire and Faith"), les plages épiques et mélodiques à souhait ("Grant Me Light", "Amok") ou encore des passages noirs et mystiques très prenants ("Open Hearts", "Rebellion Flesh"). Alors bien sûr, ASCENSION pratique surtout sur cet album un mélange entre du WATAIN période Casus Luciferi, l’hommage à DISSECTION en moins (hormis sur les leads de "Fire and Faith" et "Amok"), et du SECRETS OF THE MOON période Antithesis en moins « propre » mais tout aussi sombre et occulte (notamment "Rebellion Flesh", d’autant que LSK fait une apparition au backing-vocals sur ce morceau), mais sans que je sache expliquer vraiment pourquoi, cet album est tout simplement irrésistible, il est impossible d’en démordre après quelques écoutes.

Consolamentum est un disque prenant et implacable du début à la fin, tous les morceaux sont bons. Les structures sont simples mais terriblement efficaces, bien amenées par une prod rocailleuse parfaitement adaptée au style, avec énormément de relief. Après une intro nommée "Open Hearts" mi-ambiante mi-mélodique avec un riff très entraînant, qui se termine avec un cri rauque annonciateur de la guerre, l’assaut commence avec "Grey Light Sibling", morceau rentre-dedans avec des riffs incisifs bien tranchants comme il faut, accompagné par quelques leads chaotiques et un chant agressif à souhait (porté par des cris déchirants en toile de fond). La messe noire de Consolamentum est initiée par "Rebellion Flesh", morceau incantatoire porté par un chant possédé, presque récité, et des guitares au ton sombre et lourd très appuyé. La pièce maîtresse de l’album se nomme "Grant Me Light" : les nombreuses montées épiques (le chant est génial), les breaks placés à la perfection, les blasts savamment dosés, le jeu de basse subtil et les quelques riffs terribles (jouissance garantie à 5:15) font de ce morceau de 7 minutes un chef-d’œuvre. Se suivent ensuite "Fire and Faith" pensé comme un tube avec son riffing qui décoiffe et ses breaks entraînants, "Amok" qui est une ode au headbang et qui recèle d’excellentes mélodies, "Angel of the Burning Sun" plus WATAINesque que jamais (Lucifer devrait apprécier), et le tout se termine par le morceau-titre atteignant quasiment les 10 minutes qui résume un peu tout ce qu’on trouve dans l’album : riffs accrocheurs terribles, breaks et mélodies subtiles, ambiance occulte à couper le souffle.

Classique certes, mais rudement efficace, accrocheur comme jamais et absolument prenant : Consolamentum est pour moi un must. Un album de Black tout simplement parfait, ASCENSION applique sa recette avec brio et sans aucune forme de faille ou de baisse de régime, au sein d’un album dosé comme il se doit au niveau des assauts instrumentaux et des atmosphères sombres. Un petit bijou de noirceur qui met en selle un « nouveau » groupe dans une scène en perte de vitesse, groupe qui je l’espère va compter à l’avenir avec un Consolamentum qui je l’espère deviendra un album majeur en son genre. L’album que MERRIMACK aurait dû sortir après Of Entropy And Life Denial, l’album que GLORIOR BELLI aurait dû sortir après Manifesting The Raging Beast, l’album que WATAIN aurait dû sortir après Casus Luciferi : c’est l’album que vient de sortir ASCENSION. Amen.


Rédigé par : ZeSnake | 18/20 | Nb de lectures : 16698