Quand on balance un titre d’album tel que “We are the Nightmare”, il faut soit être d’une naïveté sans bornes, soit avoir une paire de cojones digne du plus beau toro camarguais. Comme ce titre odieux est celui du dernier ARSIS et n’est pas issu de l’un de ces skyblog dont la jeunesse coupable et inconsciente a le secret, il y a fort à parier que du côté des Américains, on ait les gonades plombées.
ARSIS, testiculaire dans l’attitude.

Il faut dire que les précédentes prestations du groupe ont hissé les Américains au rang d’acteur incontournable de la scène. “A Celebration of Guilt”, chroniqué par le Dabe et encensé sur le net, puis “United in Regret” tout aussi costaud, sont gravés dans le marbre d’un panthéon dédié au Death technique. Deux albums pour se forger un nom et une personnalité, le 3ème est généralement synonyme d’impatience et cristallise les opinions : soit le groupe s’enfonce plus loin dans son style, soit il prend le parti de se renouveler. Les superstitieux qui rompent après 6 ans de mariage n’ont qu’à passer leur chemin, ce nouveau cauchemar d’ARSIS mérite un passage sur le divan. Alors, quoi de neuf docteur?

Une fois encore et dès le première écoute, on ne peut qu’être impressionné par la technique combinée au sens de la mélodie des membres d’ARSIS. Tout coule de source, tout semble facile, logique. Une fois encore, ARSIS livre une musique personnelle et pourtant... familière. Comme si les riffs, les soli évoquaient des souvenirs ténus, sans réellement parvenir à les faire remonter à la surface. ARSIS est un ballon sonde musical chargé d’hélium qui exhume des sensations enfouies dans la mémoire de chacun. Celles du “Perpetual Burn” de James Becker, de “The Gallery” de DARK TRANQUILITY, de MAIDEN, de NECROPHAGIST voire même des derniers CARCASS. Une orgie d’émotions blendées pour obtenir des morceaux d’une totale cohérence, et d’une variété infinie. Les rythmiques virevoltent, blastent avant d’enchaîner sur des sections heavy pures et dures, entêtantes au possible. Les sweeps dissonants s’enchevêtrent pour former un noeud mélodique, un pont fédérateur. Tout semble pesé, calculé pour que “We Are the Nightmare” soit empreint d’une folie qui retombe toujours sur ses pieds. ARSIS, ambivalent dans le style.

James Malone, mentor d’ARSIS et maestro magnifique, malmène malgré tout sa muse, la menace en la menant sur un chemin moins extrême. Ce faisant, il prend un risque : celui de s’aliéner une partie du public. S’il est aujourd’hui de bon ton de conchier ses idoles un mois après leur avoir anonymement léché le postérieur confortablement installé derrière son écran, on ne peut nier que ce dernier album tranche avec les précédents. La production est très claire voire aseptisée, très loin de l’aspect craspec d’”A Celebration of Guilt”. Elle manque cependant de corps, de bide, de tripes, de couilles. D’épaisseur quoi! ARSIS gagne en précision mais son orientation Heavy Thrash, très sensible dans la composition, se fait plus évidente encore. Cet aspect de “We Are the Nightmare”, incarné par des lignes mélodiques qui pénètrent aisément l’oreille pour s’y installer définitivement, décevra peut-être les plus Deatheux de l’auditoire. Ceux-là pourront malgré tout se concentrer sur le travail de Daren Cesca, autrefois batteur de GORATORY. Le monstre officie discrètement mais efficacement pour mettre en valeur une composition essentiellement basée sur les guitares, sans négliger d’insuffler un peu de fièvre à l’ensemble. Enfin, si le bassiste est encore une fois le parent pauvre de cette production aérienne, les fans de shred devraient définitivement y trouver leur compte, à moins que les apprentis guitaristes ne se mutilent devant ce cauchemar incarné. ARSIS, du Heavy qui fait peur.
Pour peu que l’on aime la musique technique, construite et très mélodique, “We Are the Nightmare” est sûrement l’un des albums Metal (au sens large) de l’année. ARSIS fait-il un pas en avant ou un pas de côté dans sa quête de la perfection? Le grand-père-pomme-de-terre qui sommeille en toi, lecteur, jugera de l’impulsion à donner. ARSIS, transmogriphicateur accoustique.


Rédigé par : La Myxine | 16/20 | Nb de lectures : 12042