Une décennie après "Aspera Hiems Symphonia", Arcturus nous gratifie enfin de son premier DVD live, fruit de sa collaboration avec Season of Mist. Depuis quelques années, le groupe s'est essayé à la mise en scène de son métal et de son univers atypiques, pour la plus grande joie des férus d'étrangetés sonores. Fans des premières œuvres et n'ayant jamais vu le groupe en live, c'était pour moi l'occasion rêvée de découvrir la bande en dehors du studio.

L'objet n'est pas déplaisant, quoique assez commun. Un simple boîtier très sobre et un livret 4 pages seront les seuls éléments tripotables pendant la lecture du DVD (en tout cas, seuls éléments vendus par SoM). Outre ma version avec un boîtier standard, il existe également une version "metalpak" dont les heureux acquéreurs pourront nous parler dans les commentaires.

Visuellement, les menus sont très réussis, jouant sur l'espace et les corps célestes. Bravo au graphiste qui a réussi là des visuels très beaux, à tous les niveaux du DVD. Une fois parvenu à l'écran principal, on a le choix entre les sempiternels mais indispensables chapitres, le concert en intégralité, les bonus et la galerie. Détaillons d'abord le concert avant les différents bonus. Monsieur le marquis, veuillez prendre place dans l'engin stratosphérique...

Le concert a été enregistré le 24 septembre 2005, sur les terres du groupe, dans un Rockefeller d'Oslo relativement bien rempli. Il s'agissait de la prestation en tête d'affiche du groupe pour le Sonic Solstice Festival 2005 (avec Confessor, Red Harvest et Tsjuder). Si le groupe joue la sécurité en enregistrant une prestation à la maison, il prend également le risque de se traîner le public norvégien, aussi actif que les Polonais des concerts Metal Mind. Après les deux concerts du festival Inferno 2005 (Londres et Oslo), il s'agit donc uniquement de la troisième apparition de Vortex en tant que frontman. Et "Sideshow Symphonies" n'apparaissant dans les bacs que quelques jours plus tard, le groupe ne va pas trop axer sa setlist sur ce dernier album, pour le plaisir des vieux cons comme moi qui n'ont pas aimé la progression du groupe.

Les images d'introduction du concert sont quelques plans d'Oslo (le truc très moche en brique rouge est l'hôtel de ville) et des habitants blonds comme les blés, puis suivent quelques rapides images des balances et de la ménagerie en backstage avant d'entrer dans le vif du sujet. Ca gâche presque la surprise de voir l'homme fort avoir des relations coupables avec l'ours polaire avant le concert, mais le tout est bien sympathique. Le spectateur est détendu, bière à la main et prêt à subir l'assaut.

Evidemment, Arcturus va débarquer sur les planches bariolé et maquillé. Hellhammer joue le set avec un masque de la Masquerade Infernale (bonjour la suée) et en New Rocks (bonjour la facilité), Vortex porte un masque vénitien dans ses cheveux et une ample chemise blanche qui le fait ressembler à un Gargantua version viking, Knut se trimballe avec une peau de lapin sur l'épaule et un chapeau rouge ridicule, le bassiste se cache sous une capuche et un masque vénitien et Sven arbore des lunettes d'aviateur des temps anciens. Il n'est pas évident d'animer sur scène l'univers haut en couleurs et déluré que s'est créé le groupe. Donc tout ce petit monde excentrique est accompagné par intermittence (du spectacle) de deux danseuses potelées et bariolées également, voire carrément d'un cirque de Freaks sur "Chaos Path" (mention spéciale à l'ours polaire qui slamme et la danseuse orientale à barbe qui ressemble à Shelly). Sans surprise, Arcturus donne dans la décadence bizarroïde et le dandysme outrancier. Mais bon, tout cela reste relativement sage, puisque la plupart du temps le groupe se contente de jouer sur scène. Et il sait très bien le faire. Ca tombe bien, c'est ce qu'on attend du DVD.

L'équipe de réalisation s'en sort très bien visuellement. Dans mon décompte des caméras (peut-être incorrect), j'ai repéré une caméra sur un grand bras qui se balade au-dessus des premiers rangs, une statique au niveau de la console en fond de salle pour le plan d'ensemble, au moins deux caméras à l'arrière de la scène faisant les plans batterie-clavier, au moins deux caméras à l'avant de la scène pour les plans guitares-basse-chant. Vous aurez compris que les moyens sont là pour nous "capter" de bonnes images. Les lumières et effets visuels sont sobrement utilisés, principalement des tons rouges légers et un tout petit pschuitt de fumée par-ci par-là, ce qui permet de parfaitement voir ce qui se trame sur scène.

Les prises de vues sont assez variées et les moins bien servis sont le claviériste et le bassiste. Les plans des guitares et de Hellhammer sont nombreux et, si tout cela est assez bref, cela permet d'appréhender la technicité des musiciens (s'il le fallait encore). Les moments entre les morceaux sont comblés par de superbes plans rétro d'images spatiales en noir et blanc, dont l'atmosphère oscille entre les archives de la NASA et les films lunaires de Georges Méliès. La coupure est assez franche avec les images de la scène et il m'a fallu un bon moment avant de percuter que la longue séquence vidéo après "Hufsa" camouflait l'attente avant le rappel. Ces images sont visuellement très réussies et collent particulièrement bien à Arcturus. Pour le reste, je regrette par moments que la sobriété des effets visuels du concert n'ait pas été conservée au montage du DVD. Le réalisateur impose parfois deux-trois images surimprimées ou des effets floutés qui, s'ils sont assez esthétisants, complexifient le suivi du concert. Heureusement ces moments sont relativement rares et peu gênants, hormis "Nightmare Heaven" qui est un peu chargé et l'infâme logo sur "Chaos Path". On peut comprendre sans peine la volonté du réalisateur de dynamiser un peu ce concert hors-norme.

La mise en place des morceaux est impeccable, quasi-parfaite jusque dans les solos. Vortex n'a plus qu'à poser sa voix puissante sur les mélodies mitonnées par ses comparses. Pour ma part, la grosse surprise de ce DVD est justement la prestation vocale impeccable de Vortex, aussi bien sur les morceaux récents que sur les plus anciens. Le grand blond s'en sort très bien sur le passé du groupe, et son registre vocal très large lui permet d'appréhender les parties de Garm avec aisance. Vortex, sous-employé dans Dimmu Borgir et mal employé dans Lamented Souls, trouve dans Arcturus la place de chanteur qu'il mérite. Et la main sur l'oreille, le géant met du cœur à l'ouvrage pour donner vie aux titres, faisant de grandes enjambées sur une scène où il se sent manifestement à l'aise. Au niveau de l'instrumentation, les solos des différents comparses sont peut-être plus dispensables. Seul celui de Tore a attiré mon attention, proposant des ambiances Pink Floydiennes m'évoquant le "Wildhoney" de Tiamat. Le solo de clavier et le non-solo de Knut sont des passages moins convaincants.

Côté son, je suis très déçu. Je ne dispose pas d'un matériel hi-fi 14.5 dernier hurlement tombé du camion comme notre Wasted national, mais d'une simple chaîne (de qualité et aux membranes non défectueuses) branchée à la télé. Et bien, je n'ai pas le choix dans le format du son à écouter et je suis cantonné à me taper la piste DD 5.1 en stéréo. Du coup, le son n'est vraiment pas ébouriffant, même s'il se rapproche plutôt de celui de "La Masquerade Infernale", avec des guitares un peu en retrait par rapport au reste (ce qui est nominal pour Arcturus). Mais, dès que le clavier prend un lead, on n'entend quasiment plus les gratteux. J'aurais aimé plus de patate pour les six-cordistes. Les toms basse de Hellhammer ne marquent pas la bande par leur présence. Le bretteur a l'air de martyriser ses fûts sur "Nocturnal Vision Revisited" et étrangement rien ne sort. Après, il faut aussi aimer le son Hellhammer. Hormis ces menus détails, le son est très propre, avec un public peu audible (en plus d'être peu mobile). Tout cela rend un effet assez artificiel, un peu irréel et l'immersion dans le concert n'en devient pas des plus faciles. Surtout que je ne vous ai pas dit le pire...

Le défaut impardonnable est le décalage flagrant entre le son et l'image. Le phénomène est particulièrement visible sur "Nocturnal Vision Revisited" où Hellhammer fait sonner ses toms une demi-seconde avant de les frapper (quel talent!). Mais ce décalage est perceptible sur pas mal de plans. Et c'est tout le concert qui prend une dimension assez étrange, ce qu'on voit ne correspondant pas tout de suite à ce qu'on entend, comme dans un trip sous drogues. Par contre, à jeun, visionner le concert devient plutôt frustrant dès qu'on a vu ce "détail".

Côté bonus, c'est très cheap. Une partie "Video" comprend un clip de "Daemon Painter" bricolé avec des images du live et les vieux plans de l'espace précédemment cités. Une section "Rehearsal" paraît plus intéressante. On y voit le groupe débarquer dans son local et se mettre en jambe avant une répétition. Vous serez d'abord frustré de ne pas disposer du sous-titrage des dialogues norvégiens entre les musiciens. Vous serez encore plus frustré devant le vide astral de ce bonus réalisé à la va-vite et ne couvrant même pas un simple morceau. D'une durée de six minutes trente, cette vidéo ne sert strictement à rien si ce n'est remplir le DVD. Il ne reste à se mettre sous la dent que la galerie de clichés, qui concerne des photos du concert. Bref, ça sent le remplissage forcé, histoire de dire que le DVD contient des bonus...

Au final, ce DVD est plutôt décevant. Hormis un bon concert trahi par la technique et devant un public apathique, le projet Arcturus, à l'imagerie et la musique plutôt ambitieuses, ne trouve pas ici l'écrin qui lui sied vraiment. Si le manque de moyens ne permet pas logiquement de mettre en scène la grandiloquence du monde que s'est créé le groupe, le manque d'émotions et de folie finit de faire chavirer le vaisseau dans l'océan des DVD cheaps. Le navire en perdition sera peut-être protégé des pillards par quelques fans dévoués, mais on pouvait espérer largement mieux du côté des bonus. Le rendez-vous sera réussi pour les fans et la comète poursuit sa route. Espérons un prochain passage...


Setlist
Ad Absurdum
Nightmare Heaven
Shipwrecked Frontier Pioneer
Alone
Deception Genesis
Chaos Path
Tore Guitar solo
Deamon Painter
Nocturnal Vision Revisited
Painting my Horror
Steinar Keyboard solo
Hufsa
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Master of Disguise
Knut Guitar solo
White Noise Monster
Reflections
Raudt og Svart

Technique
Format image: 16:9
Format son: Dolby Digital 5.1

Date de sortie: 21/08/2006


Rédigé par : Prince de Lu | DVD Live/ | Nb de lectures : 15017