Oui, je sais qu’avec le recul le fatal clip kitschissime de « Gava Fran Trulen » (http://www.youtube.com/watch?v=FWr1NM-KNv4) a fait plus de mal qu’autre chose à ARCKANUM, au point d’éclipser dans la conscience collective l’énormissime (et je pèse mes mots) album dont cet hymne aux croyances païennes était tiré, ‘Fran Marder’. Bien sûr, le contexte y était pour beaucoup (on était en 1995 les enfants) mais c’était le genre de galette qui faisait voyager comme on dit, avec un petit côté ’50 Millions aux Amis au Pays des Trolls’ grâce à ces ambiances nocturnes directement enregistrées dans la forêt suédoise environnant le studio Abyss - oui la baraque à frites de Monsieur Peter ‘Hypocrisy/Pain’ Tägtgren - où avait été enregistré le tout. Mais le problème avec ce ‘one-man band’ mené par l’ex-GROTESQUE John Lahger, alias Shamaatee, a toujours été son côté cryptique, Monsieur adorant bourrer ces textes écrits en ancien Suédois de références occultes ou mythologiques incompréhensibles pour 99,9% (et je suis gentil) de la population et semer des symbolismes obscurs à droite et à gauche, tout en se gardant bien sûr de donner la moindre explication. Tout cela ajouté à la qualité décroissante de ses albums et le silence discographique dans lequel ARCKANUM s’est enfoncé en boudant à la fin des années 90 l’ont refait plonger dans un quasi-anonymat.

Sauf qu’en 2004, Odin lui-même semblait être derrière les quatre titres de ‘Kaos Svarta Mar’, la moitié signée par un ARCKANUM que l’on n’avait pas vu autant en forme depuis Mathusalem d’un incroyable split CD partagé avec SVARTSYN, qui s’étaient eux aussi ici transcendés par on ne sait quel moyen. Â partir de là, ce fut comme si cet enregistrement avait redonné envie à Shamaatae de ressortir sa belle toge rouge et rebooster sa libido. Et pour la première fois depuis le milieu des années 90, Monsieur enchaîne même deux nouveaux albums en moins d’un an. Pourtant, avec son titre d’album imprononçable et ces titres de chansons qui rendraient allergique stout clavier azerty digne de ce nom (d’où mon incapacité ici à les désigner nommément), ‘ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ’ semble d’abord offrir à ces détracteurs un boulevard. Sauf qu’après un ‘Antikosmos’ mi-figue mi-raisin l’année dernière à cause de son ambiance trop glaciale et ces interludes-bouches trou (« Blóta Loka" »), l’ami des trolls semble s’est un peu plus retroussé les manches, aboutissant à ce qui semble être tout simplement son meilleur album depuis, nom de Zeus, peut-être ‘Fran Marder’ justement.

Les raisons de cette réussite sont multiples : il y a d’abord un sens de l’arrangement épuré et tout simplement de bien meilleures compos, nourries au bon vieux thrash des bois avec même une paire de solos signée Set Teitan (ex-DISSECTION, WATAIN) bien croustillants. D’ailleurs, le 45 tours paru l’année dernière avec en face B une étonnante reprise des vieux thrashers Teutons de HOLY MOSES apparaît aujourd’hui révélateur à plus d’un signe. Détail amusant : c’est justement Andy Classen, l’ex-gratteux d’HOLY MOSES bien connu pour ses talents de producteurs pour BELPHEGOR, KRISIUN ou NO RETURN, qui a masterisé ce nouvel opus étonnant mélodique, voire quasi-mélancolique et ‘pagan’ là où, jadis, le black-metal dissonant régnait sans partage. C’est surtout ultra-bien branlé et envoûtant, sans avoir besoin de foutre des synthés à tous les étages ou des samples, même si Shamaatae nous refait le coup de l’interlude parlé interminable que l’on zappe au beau de trente secondes. Cela tombe d’ailleurs bien parce que le titre suivant, la huitième plage, a beau être instrumental, il est tout simplement dantesque, avec le genre de riffs épique, entre MOONSORROW et BURZUM période ‘Filosofem’, qui donne envie de lancer un raid viking sur le premier village qui se présente et de trâîner les femmes par les cheveux. En fait, le résultat est tellement excellent sur le plan musical que l’on réussit au final assez facilement à faire abstraction du fatras occulte, pardon on me souffle dans mon oreillette ‘gnostique’, dont est fardé ARCKANUM, même si un Shamaatae sans ses amulettes et ses gris-gris, ce serait un peu comme un bon camembert sans pain.

Une chose est sûre: si cet ersatz de Bozo-le-clown variante pagan vous a involontairement fait marrer il y a quelques années, 'ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ' va non seulement remettre vos compteurs à zéro mais risque même de vous donner une furieuse envie d'aller fricoter à poil avec les bêbètes des bois en beuglant à tue-tête...




Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 16,5/20 | Nb de lectures : 13151