Après un parcours hasardeux, le premier album des Finlandais Apocryphal Voice sort chez Candlelight. Fondé en 1999 par la section rythmique du groupe Absent Silence, le duo sort sa première démo "The Sickening" en 2000, rééditée en 2003 par Rage of Achilles. Devant des chiffres de vente désastreux, le label abandonne ses poulains qui errent quelques temps à la recherche d'une maison pour la nuit. Et c'est Appease Me qui va repérer les trublions et leur faire offrir un deal avec Candlelight. Je ne sais pas si les rumeurs de grand ménage chez Appease Me sont fondées ou non, mais peut-être que Apocryphal Voice est déjà passé à la trappe pour cause de mauvaises ventes...

Intéressons-nous plutôt à une musique qui a le mérite de décontenancer. Je m'attendais à un black torturé et très ambient, comme beaucoup de sorties Appease Me. Hé bien, la surprise est encore au rendez-vous chez un duo qui pratique une musique dépressive et perturbante. Les guitares se font sourdes et, à part sur des morceaux plus toniques comme "Incognito", plaquent des accords nonchalants pendant de longues minutes. La basse se place en pôle position, apportant beaucoup de mélodies par ses walkings (à noter que le compositeur du groupe Juhani Anton Jokisalo était le bassiste de Absent Silence, son camarade Ville Salonen en étant le batteur). L'ensemble homogène des compositions est très rythmique et évolue lentement, ce qui crée rapidement un étrange sentiment angoissant d'abandon. La voix mi-torturée, mi-doucereuse de Juhani Anton Jokisalo vient poser des parties introspectives, nous faisant entrer dans l'intimité dérangeante du groupe pendant une heure.

Alors oui, cela n'a rien de black, mais quelque chose se met indéniablement en place. Le morceau le plus dispensable reste "Sideshow" dont la rythmique à contre-temps rappelle une musique de cirque assez déplacée dans le contexte. Le groupe aurait peut-être pu aussi éviter l'interlude grinçant "Phantoms", bien qu'il rajoute au sentiment général de gêne. Il flotte une sombre atmosphère des années 70 et l'on s'attendrait bien à trouver les deux Finlandais déguisés en hippies et étalés dans une rue, la seringue pendant encore du bras. Il flotte également un désespoir profond qui devient plus étouffant au fil de l'écoute, le point d'orgue en étant l'étouffant "Dry Sound of Rusty Nothingness" et ses 12 minutes écrasantes.

Je reste circonspect malgré de multiples écoutes. Apocryphal Voice n'a rien à voir avec mon univers habituel et pourtant il s'en dégage une séduction indéniable, comme le papillon est attiré par la lumière. Le duo propose une musique unique et intrigante qui laisse l'auditeur dans un état second. Enregistré dans une atmosphère cotonneuse où chaque note semble jaillir étouffée d'un rideau de brume, "Stilltrapped" est un album insidieusement déprimant à ne pas mettre entre toutes les mains. Il faut croire que la petite ville de Riihimäki, au nord de Helsinki, est un endroit bizarre, car elle a vu naître un certain Yearning également. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c'est bizarre...


Rédigé par : Prince de Lu | -/ | Nb de lectures : 10386