Je vais être honnête, je ne connaissais ANTHEMON que de nom avant de m'atteler à la chronique de cet album. Après un bref survol de leur discographie, j'ai compris pourquoi "Arcanes", le premier album du groupe était passé entre les mailles de mon filet détecteur de groupes potentiellement intéressants. Le groupe évoluait alors dans un style doom gothique avec chant féminin qui - vue mon aversion pour le chant féminin sur quasiment toutes ses formes - ne risquait pas de susciter en moi le moindre engouement. "Dystopia" en revanche, second album du groupe sorti l'an dernier avait marqué une évolution assez importante et une nouvelle orientation musicale vers des sphères beaucoup plus proches de mon univers musical, avec une élévation des tempos (pas utile pour m'intéresser) et surtout le départ de la chanteuse (youpi), remplacée par Loïc Malassagne dont le chant a semble-t-il fait couler beaucoup d'encre lors de la sortie de "Dystopia". Ayant écouté cet album, je n'ai pour ma part aucun problème avec ce chant. Pour ceux qui comme moi découvriraient donc le groupe avec cette cuvée 2005, je dirais que la musique du groupe est un savant mélange de heavy, de progressif mais également de musique extrême, le tout étant toujours empreint d'un coté atmosphérique et d'un niveau technique solide.
Le cadavre exquis est un jeu collectif inventé par les surréalistes vers 1925. Ce jeu consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. Le nom du jeu découle de la première phrase obtenue de cette manière : "Le cadavre - exquis - boira - le vin - nouveau". Partant de ce concept, ANTHEMON a composé le long morceau éponyme (plus de 20 minutes) de cette manière, idée ambitieuse (qui n'est d'ailleurs possible que dans les groupes qui disposent de plusieurs personnes capables de composer, ce qui en limite déjà assez drastiquement le nombre) mais aussi très risquée. Ce morceau, ainsi que les trois autres qui composent cet album (qui ne sont d'ailleurs pas radicalement différents du premier bien que n'ayant pas été composé sous la forme d'un cadavre exquis) forment un ensemble homogène, mélodiques et épique. Le texte de ce premier morceau a lui également été composé de cette manière et, poussant le concept encore plus loin, les petits gars d'ANTHEMON ont eu la bonne idée de faire trôner dans le booklet de l'album un griffon, croisement mythologique entre un lion et un aigle, qui bien que n'étant sûrement pas né suite à un cadavre exquis, en est cependant une représentation.
Il est sûr qu'avec plus de 20 minutes au compteur et une structure de par son mode de composition, fatalement chaotique, "Kadavreski", le morceau, est loin d'être des plus faciles à digérer (mais vous avez sans doute eu bien pire au réveillon, il y à quelques jours). D'autant que ANTHEMON à toujours eu tendance à alambiquer les structures de ces morceaux et que cela ne s'est vraiment pas améliorer avec ce nouvel album. Le rock progressif de la grande époque (comprendre les 70's) fait sans doute partie des styles de chevet (si je puis me permettre cette expression) d'au moins certains des membres du groupe, ça ne fait aucun doute. Cela s'entend surtout sur les trois morceaux qui finissent l'album et font suite à "Kadavreski" sans que l'on puisse vraiment déceler de réelles influences, la personnalité du groupe étant déjà trop bien affirmée pour cela. La production que l'on doit aux célèbres studios finlandais Tico-Tico est vraiment très bonne, mettant parfaitement en valeur la musique du groupe.
On dit souvent que le troisième album est pour un groupe, celui de la maturité, cet adage se vérifie en tout cas avec ANTHEMON qui signe là un album original, ambitieux et très convaincant, dans un style (le dark metal progressif pour ceux qui tiennent vraiment à ces maudites étiquettes) qui à la chance de ne pas être saturé par des tonnes de sorties plus ou moins intéressantes.


Rédigé par : Sheb | 16.5/20 | Nb de lectures : 14445