ANTHEMON – Arcanes (Thundering Records/Musea) - Selection VS du 05/03/2003 @ 11h46
Le premier véritable album des Franciliens d’Anthemon était attendu avec fièvre par bon nombre de personnes, celles que la sympathique formation avait su rallier à sa cause à travers le prometteur « Talvi » et/ou une quantité déjà appréciable d’apparitions scéniques. L’odyssée entreprise par Anthemon dans le dessein de trouver un label a fini par accoster sur les rivages généreux de Thundering Records qui, dans le sillage de son expansion et de la signature d’autres jeunes loups nationaux en devenir (The Silent Agony, Amartia, etc.), a su offrir à cette production dès le départ entreprenante les moyens de se rendre désirable.
Blottie sous le crépuscule d’améthyste tracé pour elle par le pinceau de Jean-Pascal Fournier – graphiste immortalisé par les pochettes d’Immortal – la musique se défend de darder un regard en direction des horizons softs et « gothiques » vers lesquels il n’eut pas été insensé de la croire embarquée dans la lignée de « Talvi ». Par la résolution et les influences des compositeurs principaux Marc et Sylvain, par l’émancipation intégrale du potentiel lyrique de la chanteuse Nathalie aussi, Anthemon resteront pour l’heure aimantés à la sphère du doom et des visions de retraite absorbée, d’un secret qu’ils choisissent de garder à l’abri sous la surface. Grand bien leur en fasse, qu’on se le dise.
L’accueil est pourtant prudent avec un premier instrumental « Anthemon Anthem » qui tient plus de la mise en route syndicale que de l’hymne emblématique, comme le titre le laisse entendre. On y prend surtout la mesure du synthé qu’il est déjà rassurant de savoir expertement produit, avec juste ce qu’il faut d’amplitude, de résonance, et ce mélange de douceur lustrée et de distance. Anthemon invitent l’auditeur dans un jeu de mystères aux premières zones de pénombre de leur temple, et ne referment la porte que la première minute trente écoulée. Le poisson est ferré, ne reste plus qu’à déclencher la féérie, et quelle féérie…
« No Rest No Peace » et « Semen », les deux premières apothéoses, fournissent à elles seules le trousseau de clés pour comprendre le pourquoi de l’infidélité faite aux studios hexagonaux. Anthemon ont eu raison, quoi que cela leur en ait coûté, il n’y a probablement qu’au Nord, et plus spécifiquement en Finlande, qu’il est possible d’obtenir un package sonore aussi raffiné, aussi exemplaire à tous les étages. Chaque instrument voit sa contribution fidèlement reflétée, pour ne pas dire optimisée lorsqu’on pense aux guitares rythmiques dont la prééminence ou la facture pure et affûtée n’est jamais sans présenter un air de famille certain avec des productions bien locales (je pense spécialement à Rapture). Alors évidemment lorsqu’il n’est nullement besoin de sursolliciter son ouïe pour remettre chaque piste en bon ordre d’écoute, une bonne partie du chemin est déjà accompli. Et lorsque, en sus, l’écriture est un régal et fourmille d’enchaînements éclairés, il n’y a plus qu’à se poser et à déguster.
Malgré leur appartenance de conjoncture au bataillon du metal atmosphérique avec chant féminin aux côtés des Lacuna Coil et autre Within Temptation, ce serait faire preuve de très mauvaise foi (et leur faire injure) que d’archiver Anthemon comme un groupe donnant dans la tendresse et le mélo. Nul besoin d’être un familier du genre pour se rendre compte que les morceaux ne manquent pas de peps, ni de caractère. Même si ses bpm n’atteignent jamais une fréquence sismique, la batterie est bien explosive et sa flexibilité ouvre la porte aux descentes exténuantes dans le gouffre du doom de race comme à des riffs plus remuants au mordant implacable. Mais attention, ne croyez pas pour autant que si Anthemon était une femme, ce serait une version guerillero d’Amélie Mauresmo ! Non, c’est de sa grâce et de ses essors admirables que vit cet album. De la beauté des chemins de ronde symphoniques qui relient ses principaux donjons, avec en priorité les accords de flûte particulièrement touchants (proches d’un Empyrium sur « Songs of Moor and Misty Fields ») ou le piano dont les goutelettes cristallines crénellent humblement le rempart des cordes. Des harmonies à deux guitares qui soulèvent la poitrine. Des inspirations foudroyées d'infini comme la section médiane inoubliable de « Semen » ou l’entrée en extase dans l’intrigant « Parody of Man »… … et puis de la fraîcheur mobilisatrice qui anime les deux aèdes. Nathalie se révèle à point nommé comme une funambule des octaves culminantes, son chant à dominante emphatique s’accomodant sans mésaventures de toutes les humeurs par lesquelles il doit voyager : que sa voix soit solitaire au-dessus du monde ou arrangée en lignes entrecroisées, qu’elle soit assaisonnée d’une pointe d’entrain ou au contraire figée dans la langueur de la déploration, la demoiselle assume volontiers le poids de la musique et de sa signification sur ses épaules déterminées. Sur la base de la performance livrée ici, je suis assez catégorique en affirmant que la scène française compte très peu de vocalistes en mesure de faire jouer la concurrence – de mémoire je ne vois guère que la talentueuse frontwoman d’Akin et, dans un autre registre, Nathalie Barbary (Elend) qui m’aient laissé une impression équivalente. Quant à sa contrepartie masculine Marc, il a revu lui aussi son rôle pour le meilleur, en rendant ses invocations plus caverneuses et sibyllines dans l’intérêt de la musique, et en restant économe de ses interventions pour que chacune d’elles conserve une importance idiosyncratique. Un duo qui évolue donc sous les auspices de la complicité instinctive et du talent essentiel, avec probablement encore beaucoup de choses à dire et de combinaisons prometteuses à tenter.
Dans l’apologie de la beauté brute (« Semen »), dans l’insurrection contre l’absurdité des macrocosmes (« Keep Dying »), dans les cicatrices empiriques (« Never Born Forever Dead), « Arcanes » est aux lettres de noblesse du doom atmosphérique la calligraphie la plus noble qui soit. Je lui ai vu reprocher une prétendue linéarité, ce qui est faux et signale seulement l’absence d’implication ou de patience de certaines personnes en face d’une musique personnelle dont ils ne parviennent sans doute pas à cracker le code d’accès pour la cataloguer au bout de deux écoutes.
Beaucoup de groupes cherchent la bonne voie, Anthemon la montrent, et à en juger par cet album, ils en connaitront bientôt par cœur le moindre pavé. Reste à acquérir sur la durée la stabilité et la reconnaissance inconditionnelle due aux grands groupes : le périple vient tout juste de débuter, on aimerait le voir constellé d’escales mythiques…


Rédigé par : Uriel | 17/20 | Nb de lectures : 10418




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Commentaire
Gemini
Invité
Posté le: 07/03/2003 à 23h28 - (2331)
Uriel, c'est chiant tes kroniks à rallonge, ça donne pas envie de les lire. Du coup, on passe à côté de trucs sympas.

sakrifiss
Invité
Posté le: 10/03/2003 à 06h03 - (2354)
C'est vrai que ca donne pas envie de tout lire, mais respect pour l'auteur. Uriel, merci mon gars! L'album est effectivement riche, et les melodies sont a la fois particulieres et deja en nous. C'est bon.

LUSTUS
Invité
Posté le: 11/03/2003 à 13h13 - (2408)
Juste un conseil !
écoutez Arcanes!!! et appréciez !!!!

--LLE69--
Invité
Posté le: 31/05/2003 à 18h09 - (3801)
Pas encore "reconnu" et pourtant bien au-dessus de la plupart des groupes du genre.

Judge Dred (Cf. Chro. Positiv Hate)
Invité
Posté le: 02/10/2003 à 16h06 - (5577)
Bof. Voici pour moi l'un des exemples de groupe moyen mais avec qui les chroniqueurs français sont à mon sens très indulgents: Malgré les efforts faits du côté de la prod', c'est techniquement trop juste, et musicalement trop cliché et trop plat pour mériter de telles éloges. Je ne sais pas quelle note ont obtenu Lacuna Coil, Within Temptation ou Nightwish, qui évoluent plus ou moins dans le même registre, mais si ils n'ont pas tous les trois 19 ou 20, il me semble que l'échelle de valeur artistique n'est pas respectée.

moussor
Invité
Posté le: 02/10/2003 à 16h40 - (5578)
Jsuis assez d'accord...

Uriel
Invité
Posté le: 02/10/2003 à 17h03 - (5579)
Pas d'accord sur le fait que Nightwish et compagnie évoluent dans le même registre.
Anthemon a des bases beaucoup plus doom que tous ces groupes, et donc bien moins assimilables. C'est peut-être la raison pour laquelle beaucoup de monde semble trouver leur musique "plate", alors qu'elle n'en est que plus profonde.
Enfin voilà, quoi, les goûts et les couleurs... :)

moussor
Invité
Posté le: 02/10/2003 à 17h47 - (5581)
Jpense que quand il dit que c'est "un peu juste", c'est surtout par rapport au niveau technique et à l'écoute d'ensemble.
Comment rentrer dans une musique si mélodique quand le chant n'est pas maitrisé et la prod moyenne?
De plus, je trouve le chant death sur cette prod... anachronique!
Bref, c'est certainement au dessus de ce qui se fait en France dans le style, mais pas au dessus de ce qui se fait ailleur.

Judge Dred
Invité
Posté le: 02/10/2003 à 18h28 - (5582)
Je n'ai rien contre ce groupe, promis, mais pour moi
1/ artistiquement ils sont loin d'atteindre le niveau des groupes que j'ai cités précédemment (j'admets qu'ils ne jouent pas vraiment dans le même registre, mais on peut quand même procéder à une comparaison pour illustrer la légère indulgence dont bénéficient souvent les groupes français, je pense). C'est vrai aussi qu'avec des moyens financiers aussi conséquents que ceux de Nightwish et Cie, ils feraient beaucoup mieux.
2/ ils ne sont certainement pas au dessus de ce qui se fait en France dans le style. Je mets dans le même lot que Dying Tears, Amphitryon, The Silent Agony, Penumbra, Amartia etc... qui sont tous de bons groupes de notre underground national, sans plus (un bémol pour Penumbra qui s'exporte aparemment bien, peut-être grâce à une bonne prod').

Des groupes français comme Sup (evidemment), mais aussi The Old dead tree ou Akin ont pour moi un leger plus technique et artistique par rapport à ces formations, et sortent des albums très intéressants malgré un budget modeste (pour les deux derniers notamment).

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