"Hindsight" n'est pas un album banal. Il s'agit d'un essai semi-acoustique ne comportant que des versions arrangées de titres présents sur les précédents opus du groupe. Sorte de rétrospective dans le même esprit que le fût "Resonance" (je passe sous silence "Resonance 2" qui n'est plus ni moins qu'un best of). C'est-à-dire que ce disque nous dévoile - comme si nous ne la connaissions déjà pas - la face sensible et éthérée d'ANATHEMA. l est connu que les frères Cavanagh donnaient souvent des concerts dans des bars après leurs shows officiels, généralement en acoustique et dans la bonne humeur.
Ils ont choisi ici de nous proposer cette facette du groupe et de reprendre quelques-unes de leurs plus belles et douces chansons, retraçant leur carrière depuis le fabuleux "Eternity" jusqu'au douloureux "A Natural Disaster".

Cette rétrospective commence avec un "Fragile Dreams" très dénudé. L'introduction est immédiatement reconnaissable de par l'utilisation d'un violon à la sonorité proche de celui utilisé sur "Alternative4". La chanson commence ici en douceur, sans tension. La coloration générale est beaucoup plus ouverte et aérée que l'original. En effet, "Alternative4" a un caractère étouffant que "Hinsight" n'a pas.
Cette chanson est posée, comme moins emportée, moins dans l'urgence. L'instrumentation dépouillée : piano, violon, guitare, basse et voix révèle le morceau dans toute sa candeur et sa sincérité. Le tempo est légèrement plus lent afin de nous en faire profiter. Puis progressivement, le niveau sonore et la puissance s'élèvent, comme le groupe le fait si bien sur "A Natural Disaster". Le chant de guitare vient sublimer la montée et finir en beauté et délicatesse. Les rêves sont ici véritablement fragiles.

Le morceau suivant est extrait de "A Fine Day To Exit", album que je ne possède pas. Je ne peux donc pas faire de comparaison. Le chant très Buckleyien accompagné d’une plainte de violoncelle est particulièrement touchant. La couleur est plus sombre que sur le morceau précédent. Les rythmiques de guitares sont très présentes et brillantes, encadrant le chant avec tendresse.
Ce morceau possède une intensité palpable. L'auditeur est empoigné dans une danse qui gagne en intensité, tournoyant de plus belle jusqu'à la dernière note où un souffle est permis. Je dois absolument me procurer ce "A Fine Day to Exit".

Puis vient "Inner Silence", de nouveau un extrait de "Alternative4". Le morceau est très proche de l'original sur l'introduction. Le chant également, légèrement plus chargé en pathos toutefois. La batterie reste très discrète. L'ensemble est plus retenu que la version de 1998. Très peu d'arrangements ont été réalisé sur ce morceau, l'instrumentation mise à part. Une belle réinterprétation.

"One Last Goodbye", tirée du sublime "Judgement", qui suit est un véritable adieu. Le chant est chargé de chagrin et de regrets. Le piano, seul accompagnement sur le premier tiers ajoute à cette ambiance pure. Puis rentre une guitare caressante. Lorsque rentre le violoncelle, le morceau est à son apogée d'intensité. Si vous aviez la pêche avant d'écouter cet album, je gage que ce morceau aura considérablement fait baisser votre moral. L'intensité du chant est magique, d'une sensibilité rare. Cette rupture amoureuse est devient aussi la notre. Une version bien plus poignante que l'originale, si cela pouvait être possible.

Le "Are You There?" qui suit est moins contemplatif et fantomatique que l'original. Ici, ANATHEMA nous révèle un côté folk mélancolique touchant. Une certaine nostalgie s'en dégage. Le chant est moins moribond, plus vivant, collant agréablement aux mélodies des guitares qui s'entremêlent. Un seul riff répété à l'infini, dans un crescendo d'intensité emmenant une nouvelle fois l'auditeur. Je me dis qu'il n'est pas si difficile de composer de belles chansons, simples et poignantes, mais qu'il est difficile de leur donner une telle dimension. "What can I say now?".

Avec "Angelica", le groupe revient sur son passé le plus lointain de sa période post-doom. Cette chanson est un des standards du groupe. La version live atroce que l'on peut trouver sur "Resonance" est indescriptiblement confuse. Ici, point de confusion. Douze ans après, la déclaration d'amour est toujours aussi savoureuse, plus retenue, plus timide néanmoins. Le chant de guitare est toujours au rendez-vous, cela aurait été dommage ne pas le garder car il est le centre de ce morceau. Une version plus effacée mais néanmoins généreuse.

Puis le disque nous emmène de nombreuses années en avant en retournant directement à "A Natural Disaster". Le chant féminin, tout comme la guitare sont rapportés texto, même intension, même sonorité, quasiment même interprétation. La voix de la demoiselle qui chantait 4 ans plus tôt a quelques trémolos en plus dans la voix. Avec le précédent "One Last Goodbye", nous avons ici l'un des morceaux les plus intense de cet album. Le duo de voix entre la demoiselle et Danny, en arrière plan, comme provenant d'un autre espace, marche à la perfection. Et ce timbre cristallin atteint directement le centre de notre sphère sentimentale. Nous glissons sur la pente sans pouvoir nous retenir. La chute est inévitable, mais c'est avec un tel ravissement que nous ne faisons que retarder le moment fatidique pour profiter au maximum de cette chute. "No matter what I do I can't change what happened". Une des pièces maîtresses de cet album. Merci ANATHEMA.

L'océanien "Temporary Peace" suit. La même coloration que "Leave No Trace". Un autre duo demoiselle / Danny. La tension monte ici d'un cran pour nous sortir dépêtrer du précédent "A Natural Disaster" qui s'accroche. Le violoncelle tourne, toujours tenant la note, soutenant la chanson. La couleur de ce morceau est proche du ANATHEMA de "Judgement". Une belle interprétation. Je suis obligé de me procurer ce "A Fine Day To Exit" tant les deux extraits sont sensibles et forts.

La fin de l'album est proche et je ne l'ai pas vu venir. Dernière reprise sur ce disque, "Flying", troisième extrait de "A Natural Disaster", arrive comme un matin nouveau. La mélodie est inchangée. Le tremolo de guitare accompagne la voix haute perchée de Danny dans ses élans de fragilité. Un morceau résolument rock, tout en douceur. La basse est puissante, le violoncelle plaintif. Ce morceau ne pâlit pas après un "A Natural Disaster" magique d'intensité et d'émotion. L'émotion ne retombe pas. ANATHEMA est bien resté maître dans l'interprétation, et le jeu acoustique leur va à la perfection, exprimant une richesse musicale et textuelle incomparable. Non contents d'avoir tracé une voie dans le mouvement métal/rock émotionnel, ils continuent de nous montrer qu'il y a encore des champs sonores à découvrir, même avec de vieilles chansons, pourtant toujours d'actualité.

Cette rétrospective se conclue avec un morceau inédit, le très floydien "Unchained (Tales of the Unexpected)". La guitare est ici plus présente que sur le titre précédent. Le violoncelle est profond et le piano cristallin. Honnêtement, aucune surprise avec ce morceau. L'interprétation est fidèle aux morceaux précédents. Les mélodies typiques du groupe. Ce morceau est une sympathique conclusion et laisse la pression accumuler retomber gentiment.

Pour autant, cet album ne nous rassasie pas et donne envie d'en avoir plus. Que peut nous réserver ANATHEMA à l'automne avec leur album "Horizons". Attendons, mais ce sera certainement très bon.


Rédigé par : Matthieu | 17/20 | Nb de lectures : 12523