« Bulldozer Fuckin’ Grind Core Scum Band »

J’aime bien les groupes qui s’auto-qualifient, cela permet de gagner du temps, car avant même d’écouter l’album, on sait à peu près à quoi s’attendre.
Et en général, les catégorisations faites par les groupes eux-mêmes sont un peu plus fiables et réalistes que celles effectuées par les labels lors de la promo...

Sorti initialement en 2007 de façon confidentielle, sur le label russe Coyote Records, cet album n’a pas été réenregistré, et encore moins remasterisé ; mais suite au succès interplanétaire de cet opus, les Anal Nosorog ont signés un deal avec le renommé label Xtreem Music, afin de faire pénétrer cette ogive dans toutes les esgourdes des grindeurs de l’univers, d’où cette chronique.
D’origine russe, les Anal Nosorog (Nosorog signifiant « Rhinocéros » en croate, je vous laisse imaginer la signification du nom du groupe...) pratiquent donc une musique résolument Grind et énergique.

Mais détaillons plutôt l’auto-appellation du groupe, qui nous donne une indication précise sur leurs déviances musicales :
« Bulldozer » : Engin à chenilles qui sert notamment aux travaux de terrassement ; se dit aussi d’une musique rentre-dedans et dévastatrice. Parfaitement adapté ici à « Condom of Hate » car, même s’il ne frise pas l’originalité, cet album n’en reste pas moins efficace et brutal.
« Fuckin’ » : Des mineurs étant susceptible de lire ceci, je m’abstiendrai de traduire ce terme ; mais, entre la première particule du nom du groupe, et l’aspect purement « In Your Face » (et « In Your Ass ») du groupe, ce terme est bien adapté.
« Grind Core » : Style musical extrêmement directe, rapide et brutale ; ce terme est bien évidemment adapté aux compos du groupe, car les 20 titres pour 31 minutes (+ 4 titres live, malheureusement dénués d’intérêt) s’enchaînent sans temps mort.
« Scum » : écume, au sens premier du terme, il est plutôt employé ici pour qualifier le groupe ; ces derniers n’étant pas particulièrement prétentieux, ils se qualifient eux-mêmes de « saloperie » ou « pourriture », d’autres synonymes étant également utilisable. S’applique ici en apposition avec le dernier terme, « Band », afin de montrer que le groupe ne se prend pas au sérieux, mais compte bien tout péter avec son premier opus.

Comme le nom de l’album l’atteste, et comme la pochette l’illustre, cet opus est un véritable condensé de haine et de Grind, telle une capote prête à craquer et à déverser sa semence rageuse sur les auditeurs...
Du pur Grind teinté de Core, avec de bon gros growls graves et granuleux : ça envoie la sauce bien comme il faut, et c’est tout ce qu’on attend d’un disque pareil !
Alors c’est sûr, il ne faut pas chercher d’originalité sur cette « Capote de Haine », ça joue vite, ça hurle, ça blast, ça pilonne, et c’est déjà pas si mal !

Musicalement, si le Grind est bien entendu l’embryon de base, ne vous attendez pas pour autant à une avalanche de BlastBeat ininterrompue : de nombreux breaks se dressent un peu partout, et de nombreux titres sont plutôt orientés mid-tempo, voire même moins rapides encore. Les déflagrations purement Grind sont bien entendu légion, mais que ce soit par exemple sur « Backdoor to the God », « Nuclear Winter In Nicaragua » ou « Two-person Coffin », les Russes varient le plaisir en ralentissant le coup de rein, voire même en oubliant les blasts, histoire de balancer quelques riffs un peu moins basiques et de faire varier le tempo.

Au niveau des riffs, justement, si la grande majorité empestent bien le Punk ou le Grind, certains me donnent l’impression d’être typés « Néo » : comme sur le break d’intro du titre « Carpathian Swine Herb Who Found an Effective Remedy Against Alopecia », qui ne dépareillerait pas sur un album de notre bon vieux Max C., ou encore sur le break de fin de « Antichrist SuperStar », qui, allié aux pseudo-scratchs, évoque brièvement les débuts de Limp Bizkit ou de Slipknot (sur leur premier maxi).

Non dénués d’humour et d’avant-gardisme, les Anal Nosorog ne se prennent bien entendu pas au sérieux ; Outre les titres des chansons, plus proches de l’ode au coït non reproductif, que de l’engagement écologique et géopolitique, ils se permettent également quelques frasques peu présentes habituellement dans le Grind (enfin, si on excepte les Agoraphobic Nosebleed et autre trublions à la Groinchurn), comme ces sonorités électro sur la reprise des Exploited, « Fuck The USA » ou en milieu de morceau sur « Experiment With Excrement », ou également ces introductions de scratch remixés en fin d’album sur le titre « The First Victim Of Lipasaction ».

Ces modestes orgies musicales, ajoutées aux changements de tempos réguliers et accouplées avec les purs passages bien Grind, apportent de la variété aux compos, et permettent de faire oublier les passages beaucoup plus standards ou moins inspirés, qui, il faut l’avouer, sont également présents sur cet opus.

Les hurlements bien gutturaux du beugleur, un peu dans le style « Breee Breeee », assez proches des hurlements de Pigsty ou de Human Rejection, sont plutôt monocordes et monotones, mais collent relativement bien aux compos.

Par rapport aux 2 précédentes démos du groupe, « The Beautiful People » et « You are a Fat Putridity », sorties respectivement en 2005 et... en 2005, si les quelques expérimentations et les délires sont toujours bien présents, les compos ont été légèrement boostées aux hormones ; et on retrouve sur « Condom of Hate » bien plus de mid-tempo et de passages bien grind, que sur les 2 démos introduites ci-dessus.

Le fait d’alterner compos purement Grind, tempos bien punk et jumpant, et passages plus aérées, apporte une vraie fraicheur à cet album qui, s’il ne flirte pas cependant avec le titre d’album de l’année, reste bien foutu, joussivement headbanguant et foutrement groovy.
Car le groove est bien entendu l’arme de copulation massive de ces doux fous, et, même si on sent que les gaziers connaissent sur le bout du prépuce la disco complète de C.B.T. et Blood Duster, ces 20 titres sont bien efficace et 100% dédiés au remuage de nuque.

A noter, en fin d’album, la présence de 4 titres lives et 1 remix ; enregistrés aux 4 coins de l’Europe (Russie, Finlance), les titres enregistrés en présence du public grindeux sont de qualités variables et d’intérêt limité...

Globalement, on a donc affaire à un album plutôt novateur (pour du Grind) et déconneur, plaisant à écouter, terriblement groovy, mais malheureusement inégal, où le (très) bon côtoie le (très) banal...


Rédigé par : ..::Ju::.. | 13/20 | Nb de lectures : 11991