Tudieu, le duo le plus déjanté de la scène extrême revient avec un nouvel album alors que le précédent "Eschaton" est encore fumant dans la platine. Je ne vous ferai pas le chapitre sur Anaal Nathrakh, ces rosbifs qui nous brutalisent les tympans depuis presque dix ans (et qui ont le bon goût de ne pas jouer au rugby). Ceux qui ne connaissent pas encore cette formation devront se procurer ses autres galettes de toute urgence, et dans la plus totale discrétion. Ils trouveront tout un lot de chroniques sur VS, puisque la bande a un rythme de sorties très élevé. Il se passe quelque chose (presque) tous les ans chez Dave Hunt et Mick Kenney (alias Vitriol et Irrumator).

Je vous en causais dans ma précédente prose : le gros changement récent chez Anaal est d'avoir franchi l'étape de la scène, ce qui n'était pas gagné vu leur répertoire frappadingue. J'avais trouvé "Eschaton", première galette post-scénique, moins barré et moins surprenant. Au bilan, après près d'un an d'écoute, je dirai que je le trouve fort bourrin et trop axé sur l'efficace, ce qui pourrait expliquer le manque de subtilités ressenti. La crainte était donc grande de voir les compères s'enfermer dans leur black/death brutalisant (l'effet "pitbulls dans la cage" qu'a connu Pantera en fin de carrière avec "The Great Southern...", si vous voyez ce que je veux dire). Alors, au bilan ?

Hé bien, non. L'Enfer se vide, mais la manière so british est là. Après une intro aux relents de "Terminator" prophétisant la fin du monde, on rentre directement dans le vif du sujet avec "Der Hölle Rache…" qui rassure complètement sur le potentiel créatif du groupe. Les titres sont courts, plus simples qu'à leurs débuts et durant entre deux minutes quarante et quatre minutes (seul "Eschaton" ne comportait pas de titres allant jusqu'à six minutes, vous l'aviez remarqué). Ces compos brèves très boules-de-nerf sautent à la gueule avec des rythmiques immédiatement accrocheuses, avec des moments hors du temps où les mélodies déboulent dans un moment d'intense bourrinage.

Mais hormis le pilonnage intensif de quelques titres, Anaal a surtout remis de la subtilité dans son thé. Le blast est là, mais n'est pas constant dans des titres variés, qui vont du puissant et plus lourd "The Final Absolution" à l'hyperblast dévastateur du final "Castigation and Betrayal". Jouant sur les nuances, jouant sur les contrastes entre cavalcades rythmiques et thèmes mélodiques, Anaal propose encore un bordel improbable parfaitement homogène, un chaos sonore doué d'une volonté propre et orchestré de main de maître. C'est à nouveau du grand art, totalement en équilibre entre efficacité survitaminée et musique à tiroirs.

Le travail des voix est absolument remarquable. Les hurlements divers et avariés sont un véritable délice, voltigeant entre black, death et grind. La voix claire de Vitriol est toujours sublime, quelque part entre Garm et Ihsahn. Invité qui fait plaisir, Jan-Chris de Gorefest vient gronder à pleins poumons "Lama Sabachthani" ou "Screaming of the Unborn" (raah lovely). On peut ajouter à ce tableau déjà riche les growls grind type "évier qui se débouche" de "Genetic Noose" qui pourraient être poussés par Jason Mendoza d'Akercocke. Les vocaux, véritables miroirs de la démence anale, partent dans tous les sens, ré-apportant le grain de folie qui m'avait manqué l'année dernière.

Si l'album n'est pas intense dans son intégralité et si l'instrumentation bien virile n'est finalement pas si brutale, tout cela laisse se mettre en place une ambiance digne d'une BO de film apocalyptique. Et si Ben Affleck jouait dans ce film-là, c'est clair qu'il se ferait bouffer les roustons par des zombies pestiférés avant la fin du prologue, ainsi que toute l'équipe de gentils Ultra-Brite. Retrouvant ses moments de dérangement mental dans une production gorgée de basses, Anaal n'atteint pas le vicieux "Domine Non Es Dignus" mais propose un bloc de titres qui laisse son auditeur écrasé par la charge lourde. Pour cette sixième chronique de la bande sur VS (ouch, déjà), force est de constater que malgré un rythme de sortie élevé, la qualité ne baisse pas. Le groupe évolue et vogue désormais loin de ses débuts, mais c'est une réussite pour leur première sortie sur FETO Records (label de Mick Kenney et Shane Embury). Anaal Nathrakh reste cet élégant gentleman anglais qui sonne chez vous pour vous défoncer la gueule à coups de club de golf. Si vous êtes un adhérent de son country club, ça serait grossier de ne pas lui ouvrir.




Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 16337