On ne le dira jamais assez, fonder un groupe qui tienne vraiment la route, ça prend du temps. Enfin, il est bien sûr aussi question de laisser mûrir sa musique avant de sauter dans le grand bain avec un premier album. C’est le cas d’AMESTIGON, qui sort cette année son premier album, 17 ans (!) après sa formation. Certes, ces Autrichiens avaient néanmoins pris leurs précautions d’usage en sortant moult démos, splits et EP (6 stuffs au total), le groupe ne débarque donc pas de nulle part avec Sun Of All Suns. D’ailleurs, les fossoyeurs de l’Underground ont sûrement déjà dû entendre parler de ce projet qui a comporté plusieurs membres d’ABIGOR au cours de son existence (Thurisaz qui a été co-fondateur du groupe, Peter K., T.T., Silenius qui est toujours impliqué, et le batteur/claviériste/chanteur/membre fondateur Tharen qui est au générique de Sun Of All Suns). Actuellement, AMESTIGON est un trio composé de Herr Wolf, Lanz et Tharen. Et donc, leur premier album « longue durée » sort en 2010 chez Hau Ruck!, label pourtant plus connu pour ses sorties Martial/Neofolk (DERNIERE VOLONTE, DEUTSCH NEPAL, :OF THE WAND & THE MOON:), mais rassurez-vous AMESTIGON fait bien du Metal.

Et quel genre de Metal ? Déjà, il me sera difficile de replacer cet album dans le reste de la discographie des Autrichiens, ne connaissant que l’EP Höllentanz (qui est en écoute sur deezer !). Et la musique de Sun Of All Suns n’a pas grand-chose à voir avec le True-Black quelque peu médiéval de cet EP. Sur ce premier full-length, AMESTIGON pratique un Black à consonance nettement Doom et dépressive, il y a peu de passages rapides et la plupart des breaks sont tristes à souhait (comme celui de "Satanic Flesh" par exemple). Hormis le chant assez agressif, il ne faudra donc pas s’attendre à un déluge d’assauts Black-Metal balancés à toute vitesse. Le tout se veut même assez épique par moments. Quoi qu’il en soit, le grain plutôt mélodique des guitares emprunte pas mal à un style qui a été autrefois qualifié de « Satanic Black Art », je veux bien sûr parler du style d’ABIGOR (l’ancien style, pas le Black-Indus expé foutraque des albums récents). Le son d’AMESTIGON se révèle donc être typiquement autrichien, nous rappelant à certains moments le fameux Supreme Immortal Art, sans le côté médiéval développé par ABIGOR. La présence -présente et passée- de membres du combo autrichien culte n’est donc pas étrangère à la musique proposée par AMESTIGON.

Niveau qualité, je trouve que Sun Of All Suns est un petit bijou. La pochette (superbe) montre bien tout le contraste proposé par cet album : un artwork chaud et lumineux pour une musique plutôt noire et glaciale, l’effet de dualité est assez réussi. L’album démarre par "Autophobia", une intro de 3 minutes à l’ambiance symphonico-dépressive assez majestueuse, avant d’embrayer sur ce magnifique morceau qu’est "Sun of All Suns", aux montées épiques saisissantes, portées par une basse très à-propos. Le côté « art noir mélodique » hérité d’ABIGOR ressort parfaitement bien sur ce morceau lancinant qu’est "Daymares, Ketamine & Misanthropy", avec des riffs mélodiques qui tournent jusqu'à plus soif. "Satanic Flesh" est le morceau le plus noir et le plus Doom de l’album et se révèle être particulièrement écrasant, à ne pas écouter si vous avez déjà le moral dans les chaussettes, sauf pour apprécier les chœurs épiques en milieu de titre et les riffs accrocheurs. "That Which Is Falling…" est le titre le plus direct de l’album tout en proposant des breaks hypnotiques (quasi-psyché) somptueux, avec la présence non négligeable de Silenius au chant (qu’importe, Tharen a une voix Black assez similaire sur le reste de l’album, prenant parfois des intonations à la Grutle d’ENSLAVED). L’album se clôt par "Mary Go Round", qui commence par une intro suicidaire (bien accompagnée par les photos du livret), avant de balancer un gros passage Black blastant, puis de se terminer par un final orchestral épique comme jamais. Au final, Sun Of All Suns s’avère être un album très varié avec des ambiances tristes particulièrement travaillées.

Sun Of All Suns est donc un album qui m’a tapé dans l’oreille, dépressif sans tomber dans un extrême « true suicidal » et donc bien plus étoffé et limite novateur malgré le côté « old-school » des compos (dans « la veine originale » comme défini par le groupe). Un album plutôt excellentissime, qui pèche peut-être par une durée de vie non éternelle, car bien qu’on prenne du plaisir à réécouter Sun Of All Suns, on en fait néanmoins vite le tour. Mais il n’y a pas grand-chose à reprocher au reste de l’effort fourni par le groupe (mis à part un son de batterie peu reluisant sur les quelques blasts, mais c’est vraiment parce que j’aime bien chipoter), et j’attends donc un autre album avec impatience, en espérant qu’il ne débarquera pas qu’en 2027. En attendant, amateurs de Black/Doom tristounet : Sun Of All Suns est pour vous. Et je le redis encore une fois : artwork sublime à apprécier en détail !




Rédigé par : ZeSnake | 15.5/20 | Nb de lectures : 13527