ALLFADER – From the Darkest Star (Rage of Achilles/UMC) - 18/02/2003 @ 09h14
Une nouvelle étoile dans le ciel boréal de Norvège brille d’un éclat sombre nous dit-on. Sa lumière assure emporter dans son halo morbide et conquérant tout ce que le style black metal a pu accumuler en clichés et maladresses, un nettoyage en forme de mise à plat pour poser des bases pionnières, injecter des idées forcément neuves et, en un mot comme en cent, faire sonner le tocsin de l’immobilisme. Le vingtième siècle c’était bien joli, nous dit Allfader, nous y avons nos racines et nos usages, mais le temps est venu de conjuguer le black metal au présent, de faire des pulsions avant-gardistes d’autrefois notre pitance quotidienne et d’avancer sans plus regarder nos chaussettes.
Voilà pour le prévisionnel… car le réalisé n’est encore que la concrétisation embryonnaire de ces beaux objectifs. On peut déjà se demander si c’est un choix heureux que de jeter le groupe à la face du monde avec un patchwork de démos et de nouveaux titres, plutôt que d’attendre gentiment le premier album et de garder les fonds de tiroir sous la pédale pour une éventuelle réédition le moment venu. Mais puisque Allfader et leur label britannique Rage of Achilles ont jugé bon d’en faire ainsi, tentons de considérer ces huit titres comme un ensemble. Le quatuor de Bosmoen officie ici sans leur batteur nouvellement recruté et, comme c’est le cas dans 90% des albums soumis à la frappe stérile des programmations, le plaisir d’écoute s’en trouve négativement altéré. Les parties blastées sont encore les moins avilies par le phénomène, même si c’est en leur sein qu’il se ressent au maximum. Il débloque le vieux Uriel, vous dites-vous ? Pas tant que ça (peut-être) si on part du principe que c’est dans l’exaltation démontée de la vitesse pure qu’on a le plus besoin d’une forme de régularité machinale qui fasse tenir la route. Allfader à toute berzingue rappellent les Polonais de Diachronia et leur intéressante faculté à poser des mélodies dark, claires et détaillées que l’on attendrait davantage sur un fond rythmique plus élaboré. Le reste du temps on navigue entre des riffs proéminents mais plutôt rudimentaires si on les décortique, des soli cradingues et sinueux qui – encore – remettent Diachronia en mémoire, et des décors synthétiques volontairement délabrés qui mettent l’accent sur une situation de traumatisme indéfini. Le catalogue vocal est scindé en trois. Il y a d’une part les braillements acides typiquement black. Il y a ensuite un chant sépulcral tamisé à l’effet qui entre habilement en action lorsque la masse des guitares se solidifie en conglomérats obèses balancés en ricochets trépidants dans le plus pur style Dismember, sauf que Allfader ne sont pas encore Dismember et que leurs escapades death old-school s’essoufflent dès la vingtième seconde. Il y a enfin le chant qu’on appellera clair et qui est j’imagine censé poser la caution avant-gardiste sur l’album, puisqu’il saute aux oreilles que l’auteur de ces verves expansives a dormi avec « La Masquerade Infernale » sous son édredon pendant des années. Malheureusement ses essais n’ont ni le timbre et le volume d’un Garm, ni la conséquence émotionnelle qui servirait le bon équilibre de la musique. Sans que cela soulève non plus l’embarras car on est encore loin des frontières du ridicule que certains autres chanteurs ont déjà allègrement franchies, on encouragera ce garçon (qui s’appelle John Erik Andersen) à travailler consciencieusement ses gammes et surtout à comprendre que la charge de sincérité injectée dans une performance vocale pèse éminemment plus lourd que la simple envie d’épater la galerie et de balancer du chant cérémonieux « parce que c’est dans l’air du temps ».
« From the Darkest Star » ne restera pas une œuvre mémorable mais a le mérite de nous faire prendre la température d’un groupe encore en maturation qui semble posséder cette petite étincelle d’intelligence musicale qui distingue les leaders du troupeau. D’autre part le groupe suit une progression exponentielle puisque l'efficacité de leurs morceaux est chronologique, ceux composés en 2001 et 2002 grouillant de breaks astucieux et de mini-mélodies royales qui, agencés dans un meilleur cadre global, auraient pu être le carburant d’un album fondateur. Mais devant les trop nombreuses imperfections et incohérences, on ne peut faire autrement qu’apposer un gros bémol provisoire en attendant un épanouissement que l’on espère prochain. Citons pour la postérité le travail graphique assez ahurissant de Lasse Hoile, surtout au niveau des dégradés de couleurs, ce qui offre un livret fort agréable à l’œil – et au toucher grâce au papier épais sur lequel il est imprimé.
Bien que pointant son doigt dans la bonne direction, le « père de tous » (Allfader) devra avant tout se démarquer de tous ses pairs, ce n’est pas le moindre des challenges.


Rédigé par : Uriel | 11.5/20 | Nb de lectures : 8153




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