ALICE COOPER est le DAVID BOWIE du Hard Rock. Un caméléon génial qui aura touché à quasiment tous les styles au cours de ses 42 années de carrière. Une discographie qui figure aujourd'hui ni plus ni moins comme la plus riche de toute l'histoire du Hard Rock. 26 albums au compteur (aucun équivalent dans le genre), qu'on a pas fini de découvrir ou de re-découvrir.
Pour la première fois de sa carrière Cooper nous propose une suite à un de ses albums, en l'occurrence l'un des plus mythiques (et à l'époque son premier véritable album solo) : « Welcome To My Nightmare » (1975).
35 ans après l'original, Alice a retrouvé l'an dernier son producteur fétiche Bob Ezrin pour imaginer une suite au cauchemar initial. Le retour aux bercailles d'Ezrin est plus que précieux car on parle de l'homme qui a permis au Alice Cooper Group de trouver son son et son style avec « Love It To Death » (1971), jusqu'à « Billion Dollar Babies » (73); et qui fut aussi régulièrement le collaborateur de Cooper de 75 à 83. Ils avaient retravaillé ensemble sur « Brutal Planet » et « Dragontown » en 2000/2001, mais Ezrin n'y était que producteur exécutif. Ici il s'agit de nouveau d'une vraie collaboration, comme ils n'en avaient pas connu depuis le cultissime « Dada » (1983). C'est à dire avec un Bob Ezrin qui produit le disque, mais qui se charge aussi de co-écrire les morceaux avec Alice et de participer à l'instrumentation. D'ailleurs les titres de « Welcome 2 My Nightmare » sont composés par Alice, Ezrin et un troisième partenaire, multi-instrumentiste sur l'album : Tommy Henriksen. Que Cooper a récemment fini par incorporer également à son groupe de scène.
L'autre grand retour c'est celui des membres du Alice Cooper Group originel sur trois morceaux de W2MN, à savoir Michael Bruce (guitare), Dennis Dunaway (basse) et Neil Smith (batterie). Manque évidemment à l'appel Glen Buxton, malheureusement décédé en 1997. L'intronisation d'ALICE COOPER au Rock and Roll Hall of Fame en mars dernier (ENFIN!) a marqué pour l'occasion les retrouvailles scéniques du Alice Cooper Group, 37 ans après son split. Et de là est née l'envie de retravailler ensemble sur un projet studio.
Autre retour salvateur : celui du grand Steve Hunter à la guitare, qui a accompagné Alice de 75 à 79 (et qui est lui aussi devenu le nouveau six-cordiste de tournée du Coop). A propos, Cooper voulait également rappeler Dick Wagner, l'autre guitariste de ce duo mythique (qui fit aussi les grandes heures de Lou Reed dans les années 70). Mais des soucis de santé ne lui ont pas permis de participer à l'enregistrement, à l'exception du dernier morceau du disque.
Outre le come-back de ces anciens collaborateurs, W2MN est truffé de guests, comme on en avait pas vus depuis « Trash » et « Hey Stoopid » (1989/1991).
D'un point de vue sonique, la production de Bob Ezrin est somptueuse. Chaude, classieuse, mettant en valeur chaque instrument; sans parler du fait que les arrangements sont -comme d'habitude avec Ezrin- d'une grande richesse.

Examinons à présent ce nouveau concept album, morceau par morceau :

1 « I am made of you » : L'album ouvre sur des notes de piano réminiscentes du premier Nightmare. Le morceau est sombre et emphatique, voire orchestral (le seul du disque dans cette veine). Le hic c'est le vocoder sur la voix d'Alice, qui fait très peur à la première écoute. Cooper explique cette faute de goût par le fait qu'Alice refait un cauchemar 35 ans après, et qu'aujourd'hui la technologie moderne est justement un de ses pires cauchemars. Mouais... Cet effet n'est heureusement employé que sur les couplets et on peut pleinement apprécier la voix du Coop sur les refrains, sur lesquels il a rarement aussi bien chanté. Le solo tout en feeling de Steve Hunter est absolument gigantesque! A l'arrivée ce titre reste une grande réussite et sans doute même LA pièce maîtresse de l'album. A noter qu'il a été co-écrit avec Desmond Child, le fameux producteur/compositeur d'Alice sur « Trash » (1989).

2 « Caffeine » : Là on est dans du pur ALICE COOPER. Un morceau de Hard Rock très accrocheur et énergique, qui aurait pu figurer sur « Hey Stoopid » (1991). Il a été co-composé par Keith Nelson, le guitariste de BUCKCHERRY, qui joue également sur cette chanson. Et on retrouve Kip Winger aux choeurs (ainsi que sur quelques autres morceaux), qui a été le bassiste d'Alice pendant la période « Constrictor »/« Raise Your Fist And Yell » (1986/87).

3 « The nightmare returns » : Le seul interlude de l'album, dont certaines notes ramènent là aussi au premier « Welcome To My Nightmare ». Un titre court (un peu plus d'une minute), sous forme de comptine à la « Years ago » (de WTMN).

4 « A runaway train » : Le Alice Cooper Group est réuni sur ce morceau (co-écrit par Dennis Dunaway). On a affaire à un Boogie Rock N' Roll très entrainant. Sur lequel Alice chante très bien, en voix claire. Le solo de guitare est assuré par Vince Gill, star de la Country U.S. Et le train de la chanson finit bien sûr par dérailler.

5 « Last man on earth » : Morceau qui a été co-composé par Piggy D., le bassiste de ROB ZOMBIE. Un titre étonnant et rafraîchissant, dans l'esprit d'un « Some folks » (de WTMN). Il est surprenant à bien des égards, de par les instruments utilisés (tuba, violon, harmonium, banjo) et aussi de par la voix d'Alice qui sonne presque comme celle de Tom Waits! Un vrai joyau que cette chanson à l'ambiance cabaret, qui termine d'ailleurs par les applaudissements d'un public.

6 « The congregation » : Excellent morceau Hard Rock dans la veine de l'album « The Last Temptation » (1994). Avec en guest un guide interprété par Rob Zombie, qui succède donc à l'immense Vincent Price, qui faisait une narration légendaire sur le premier Nightmare (et que Michael Jackson empruntera pour refaire la même chose sur « Thriller »...).

7 « I'll bite your face off » : Le Alice Cooper Group est de nouveau réuni (Neil Smith a participé à la composition), pour un résultat qui rend ouvertement hommage aux ROLLING STONES (avec quand même un pont typiquement Cooper/Ezrin). Une chanson qui est déjà un petit classique en soi, avec un superbe solo de Steve Hunter (très Keith Richards justement).

8 « Disco bloodbath boogie fever » : Cooper et Ezrin pètent un câble et nous balancent un titre disco! Mais surtout un morceau fun et drôle, de disco cheap (où Alice se moque des DJs des boîtes new-yorkaises de l'époque). Qui finit par s'énerver sur un dernier tiers quasiment Punk Rock, avec un solo endiablé de John 5 (ce qui fait que les ¾ du groupe de Rob Zombie auront participé à cet album). Le côté grandiloquent du titre (avec notamment ces choeurs bien kitsch) renvoie à l'esprit du ROCKY HORROR PICTURE SHOW. Juste retour des choses en somme, étant donné que ce film s'était clairement inspiré de l'univers d'ALICE COOPER.

9 « Ghouls gone wild » : Encore un morceau fun et festif. Mais là on verse carrément dans la Surf Music des années 60! En adéquation avec le propos finalement, vu que Cooper se retrouve à ce moment-là du cauchemar au milieu d'une beach party avec des zombies. A noter que les choeurs sont assurés par Mark Volman de THE TURTLES, célèbre groupe de Surf Rock.

10 « Something to remember me by » : La ballade de rigueur. Celle à laquelle nous avons droit sur chaque album du Coop depuis l'énorme succès de « Only women bleed » sur le premier WTMN. D'ailleurs ce titre date de cette même période, il a été composé par Alice et Dick Wagner mais n'avait encore jamais été totalement finalisé. Une jolie ballade, classique, sans être transcendante.

11 « When hell comes home » : Troisième et dernier morceau avec le Alice Cooper Group (c'est Michael Bruce qui a co-écrit celui-là). Une chanson sombre et heavy (la seule de l'album), dont les guitares sont judicieusement alourdies par des notes graves de piano. Elle aurait presque pu figurer sur « Brutal Planet » ou « Dragontown ».

12 « What baby wants » : De nouveau un titre très surprenant. Voire audacieux car là nous nageons véritablement dans une Pop Rock à la Michael Jackson! Ce morceau me rappelle d'ailleurs le « Beat it » de MJ (jusque dans le solo de Steve Hunter, proche de celui d'Eddie Van Halen). La particularité de cette chanson est de proposer un duo entre Alice et la chanteuse pop Ke$ha. Le résultat est très entrainant et plaisant, et pourrait même passer sur les radios U.S. si les paroles n'étaient pas aussi horrifiques!

13 « I gotta get outta here » : Une power-ballad rock 70s, dans la veine de « Is anyone home? » (sur « A Fistful Of Alice » - 1997) ou « Novocaine » (sur « The eyes of... » - 2003). Elle a même un petit côté Country, pas étonnant vu qu'elle a été co-composée par Patterson Hood des DRIVE-BY TRUCKERS. Et c'est logiquement Vince Gill qui revient poser un solo, forcément approprié. Cooper nous ressort ses intonations à la Mick Jagger, comme sur « Escape » (le dernier morceau de WTMN). Et la fin de la chanson, où Alice ne comprend pas qu'en fait il est mort, est vraiment très drôle.

14 « The underture » : C'est le titre qui fait le lien avec WTMN. Les thèmes principaux du premier volet, mélangés à quelques mélodies de ce nouvel album, sont ré-interprétés par un vrai orchestre. C'est le seul morceau sur lequel Dick Wagner a pu jouer, et les solos de Hunter sont encore une fois remarquables. A l'arrivée ce titre instrumental de Hard Rock symphonique est en quelque sorte un récapitulatif des deux Nightmares. Et il prouve au passage que ce diptyque pourrait complètement fonctionner sous forme de comédie musicale à Broadway!

« Welcome 2 My Nightmare » est un concept album différent de WTMN, et il ne sert à rien de les comparer. Dans sa forme il est finalement plus proche de « The Last Temptation » ou de « Along Came A Spider » (2008) que du premier Nightmare (qui était constitué de chansons reliées entre elles) : ici nous avons affaire à des morceaux distincts, qui racontent chacun une partie du cauchemar, avec une histoire globale cohérente.
Musicalement W2MN est sans aucun doute l'album le plus varié de toute la discographie de Cooper! Cet immense artiste n'a plus rien à prouver mais il continue encore de nous surprendre. A vrai dire, il se fait plaisir tout simplement.

ALICE COOPER n'a pas choisi de faire une suite dans la même lignée que « Welcome To My Nightmare ». Quel intérêt d'ailleurs? Ce premier chapitre est de toute façon un chef d'oeuvre inégalable. Il a choisi une approche différente, plus fun, moins sombre et orchestrale. Et le résultat est très réussi. Merci pour tout Monsieur Vincent Furnier.


Rédigé par : Stéphane | 17/20 | Nb de lectures : 14140