Toujours alerte lorsqu’il s’agit de dénicher des singularités musicales, Relapse continue, probablement dans le cadre d’une éventuelle reconversion à la Nasa, de nous produire de véritables ovnis et parfois de remettre sur le devant de la scène des groupes injustement boudés du grand public.

Cette fois-ci la piqûre de rappel concerne les débuts des aliens australiens d’ALCHEMIST, groupe particulièrement inclassable s’il en est. Déjà trois ans qu’ « Austral Alien », leur dernière expérience en date, n’avait traumatisé nos platines de ses sons venus d’ailleurs et revoilà ALCHEMIST pour une compilation retraçant sa carrière atypique de 1990 à 1998. L’occasion pour ces zicos décalés de ressortir quelques versions live ou démos pour les fans et d’y ajouter une sélection extraite des trois premiers albums (« Jar of Kingdom », «Lunasphere » et « Spiritech ») et d’un mini (« Eve of the War »). En raison de ces sources d’enregistrement diverses, on aurait pu craindre des qualités sonores très inégales mais les variations sont minimes et le son toujours excellent pour ces quelques 2h30 d’exploration quasi mystique.

Comme [eMp] s’était appliqué à le faire ressortir de sa chronique d’ « Austral Alien », ALCHEMIST est un groupe réellement à part dans les sphères musicales telles que nous les connaissons. La découverte d’ALCHEMIST relève quasiment du voyage initiatique mais si l’on voulait vulgariser la chose on pourrait rapprocher ce trip de la façon suivante : Imaginez AMORPHIS, OPETH, KING CRIMSON, TOOL et VOIVOD allant à un concert de PINK FLOYD et décidant de taper le bœuf ensemble. Ça vous parait insensé ? Hé bien vous êtes encore loin du compte car il faudra ajouter à l’équation un zest de new age, une forme de psychédélisme contemporain, des volutes arabisantes et un net penchant pour les rythmiques tribales. Et le plus étrange dans tout ce patchwork sonore, c’est que les pièces de ce puzzle improbable s’emboîtent à la perfection.

Si les titres extraits des premiers enregistrements d’ALCHEMIST proposent une version plus dépouillée de leur musique, on reconnaît néanmoins les prémices qui nous amènerons à « Spiritech », véritable album charnière du groupe sorti en 1997, dont on retrouve pas moins de sept morceaux. C’est avec ce disque précisément qu’ALCHEMIST a pris son envol pour ne plus jamais redescendre. ALCHEMIST est devenu un groupe presque chamanique, une hyperbole du métal progressif, une absurdité troublante, un pourvoyeur de psaumes hypnotiques pour derviche tourneur. Si Jim Morrison aimait évoquer les « portes de la perception », ALCHEMIST les a probablement franchies.

Dans cet univers sans règle, les dissonances ponctuent un voyage où s’enchevêtrent les sons synthétiques, les riffs et les errances atmosphériques. Sur certains titres la magie d’ACHEMIST opère sur plusieurs plans. Tandis qu’une ligne de guitare, de claviers monopolise l’attention, des roulements, des riffs se déchaînent en arrière plan donnant une certaine profondeur à la musique. Et lorsque ALCHEMIST se laisse aller à des embardées presque grind, elles relèvent très rapidement du bizarroïde. En fait, il n’y a guère que la voix d’Adam Agius qui semble venir de notre planète. Mais là encore, les braillement rauques, prennent très occasionnellement une tournure quelque peu décalée comme c’était le cas pour les lignes de chant atypiques de Snake dans les grandes années de VOIVOD.

Est-il nécessaire de s’étendre sur le cheminement hors normes que peut emprunter la musique d’ALCHEMIST ? Ce double cd à l’esthétisme soigné est le parfait moyen de découvrir une formation qui a donné de nouvelles significations au mot « différent ». Maintenant il est clair que le but de cette compilation est, avant tout, promotionnel vu que Relapse nous promet un nouvel album et une tournée avant la fin 2006. Espérons que la France sera sur leur route.


Rédigé par : Tonton | Compilation passionnante/ | Nb de lectures : 13472