C’était à se demander si AGRESSOR finirait par sortir de son mausolée après ces six années d’attente. « Deathreat » était annoncé depuis déjà plus d’un an et toujours rien à l’horizon des bacs. Fignolage de dernière minute, peaufinage savant ou stratégie sadique pour faire monter la pression chez les vieux fans, « Deathreat » vient enfin honorer nos platines pour célébrer de la meilleure façon qui soit le vingtième anniversaire de la création du groupe antibois dont le fameux Alex Colin-Tocquaine reste l’unique et indispensable rescapé. Histoire que la fête soit complète sachez que ce CD sortira dans une version digipack agrémenté d’un DVD bien garni proposant, entre autre la vidéo de leur concert au Midem de Cannes en 2002, le clip de « Someone to eat », ainsi qu’un documentaire.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, rendons enfin à César ce qui est à César car, vous l’ignorez peut-être si en 1987 vous n’étiez qu’un vague espoir dans les testicules paternels, mais AGRESSOR fut avec LOUDBLAST le premier groupe français de métal extrême à enregistrer un album : le célèbre « Licenced to Thrash » qui marquait ainsi une étape décisive dans l’évolution de la scène française. Dès lors les fans d’AGRESSOR nourrissaient de grands espoirs quant à l’avenir du groupe. Des espoirs qui se concrétisèrent avec la sortie de plusieurs albums et pourtant… Difficile de ne pas éprouver une pointe d’amertume en se disant qu’AGRESSOR n’a pas eu la carrière qu’il aurait amplement méritée. Difficile de ne pas éprouver une pointe de satisfaction en constatant qu’après vingt années et quatre albums Alex Colin-Tocquaine a conservé la passion qui le guidait en 1986 pour nous revenir plus inspiré que jamais et entouré de ce qui est peut-être la meilleure formation qu’ AGRESSOR ait connue à ce jour.

Ainsi, plus de six ans après les orchestrations particulièrement léchées d’un « Medieval Rites » qui avait surpris son petit monde en 2000, AGRESSOR revient aux sources de son savoir-faire sur les bases d’un death/thrash qui n’a pas perdu en efficacité après tant d’années. Pourtant ce « Deathreat » met en évidence différentes influences subtilement disséminées. Si le début du titre d’ouverture qui donne son titre à ce cinquième opus sonne comme un morceau typique d’AGRESSOR ce sentiment rétro disparaît assez rapidement devant l’énergie déployée par le groupe pour des compositions résolument modernes capables d’aller droit au but ou de bénéficier d’arrangements finement réfléchis. Certaines ambiances et un sens de la mise en scène probablement hérités du passage d’Alex dans les rangs d’un BLOODTHORN au point culminant de sa période symphonique, donnent un cachet certain à l’ensemble de l’album. C’est dans cet état d’esprit, qu’on découvre sous les riffs tonitruants du quatrième morceau, le superbe « Warrior Heart » qui reste probablement l’un des meilleurs titres de cette cuvée 2006. Du côté du chant, Alex se démerde toujours aussi bien avec son timbre à la croisée des beuglements thrash et des growls typiquement death. Mais on découvre également qu’Alex excelle également dans les glapissements aigus ou coassements d’un chant black qu’on retrouve sur des refrains doublés ou dans quelques alternances de registres qui donnent presque un sentiment de dialogue.

Pas la peine de s’attarder sur un mix et une production impeccables réalisés au LB lab studio avant que ce dernier ne s’envole en fumée. En revanche, il faut bien signaler la présence d’un invité de marque en la personne d’Eric Forrest (E-FORCE, ex-VOIVOD) présent sur deux titres (« Order of Chaos » et « Transmutation » de même que la participation pour la co-écriture d’un morceau d’un fan de la première heure : Philippe De l’Argilière (MISANTHROPE). Enfin pour conclure « Deathreat » sous forme de clin d’œil pour les années 80 qui avaient donné envie à Alex d’endosser sa carrière de musicien, AGRESSOR nous prodigue une version revisitée et particulièrement survitaminée d’« Agressor » le morceau du mythique HELLHAMMER. De quoi nous donner quelques idées sur les origines du patronyme choisi par Alex en 1986 pour son groupe.

Entre riffs accrocheurs et des rythmiques massivement marquées par Romain Goulon (ARSEBREED, DISAVOWED, ex-IMPERIAL SODOMY, ex-BELEF) la dernière recrue arrivée en 2003, « Deathreat » nous fournit plus de trois quart d’heure d’un métal varié indiscutablement influencé par le passé mais irrémédiablement tourné vers l’avenir. Alex avait toujours su composer de bons titres mais cette fois-ci, il s’est véritablement surpassé avec ce qui est probablement l’album le plus brutal qu’AGRESSOR ait enregistré à ce jour. Espérons qu’il ne nous faudra pas patienter six années de plus avant que le groupe ne nous revienne pour un sixième album et délectons nous de cette résurrection dépassant nos espérances.

Excellent album, bonne prod et magnifique artwork : c’est un carton plein, le come-back le mieux réussi de l’année.




Rédigé par : Tonton | 16,5/20 | Nb de lectures : 15523