Ecumant l’underground allemand depuis 1992, Aeba nous sort ici son cinquième album. Quatre ans séparent la sortie de cet album de son prédécesseur, mais à l’écoute de cette nouvelle galette, quelque chose me dit que ce temps a été bien investi. Le « dossier » de presse, pour une fois, annonce honnêtement la couleur : Aeba combine des mélodies efficaces à une rapidité dévastatrice. Tout cela est plutôt vrai, comme je vais vous l’expliquer par la suite. Juste le temps de vous dire que le line-up est le même, plus l’arrivée d’un cinquième larron qui s’occupe des guitares.

Le groupe démontre sa technique dès l’introduction avec une très bonne interprétation du célèbre "In the Hall of the Mountain King". Tout ça pour dire que chez Aeba, ça touche son manche et ça joue. Cette technicité, sans être de la branlette, se met au service du black metal, et se mue en mélodies imparables. Pour les puristes, le groupe intègre des parties tout ce qu’il y a de plus classiques et agressives, dans la grande tradition du black metal teutons, comme en témoigne le quatrième morceau "Seven Souls". Si le groupe tabasse la majeure partie du temps, il n’hésite pas à intégrer des parties plus posées, à base de guitare acoustique ou de mid-tempo ravageurs. Quelques notes de synthé très discrètes viennent ajouter des nappes d’ambiances sur certains morceaux et certains passages. Le sixième morceau, "La Petite Morte", est le morceau le plus original de l’album, instrumental pas brutal, mélodique à souhait, avec ses parties de clavier et ses solos endiablés, plutôt éloignés du BM classique. Le morceau suivant renoue avec la tradition, assenant un morceau agressif, aux rythmes rock bien entraînant, sans oublier une bonne partie de blasts bien sentis. On passera sur le chant assez souvent en allemand, qui ajoute au côté guerrier de certains morceaux (et donc notamment de "Geist der Dekadenz"). Le groupe n’hésite pas à faire durer ses morceaux, qui dépassent assez régulièrement les 6 minutes. Au vu de l’inspiration de nos Teutons et de la variété des thèmes utilisés, chaque morceau est assez différent des autres. Ce qui fait un album de black metal original, en tout cas musicalement. Car on peut assez facilement dissocier l’image de la musique du groupe. Si musicalement, le groupe peut viser à toucher un public RELATIVEMENT large, visuellement, c’est du plus-classique-tu-meurs. Grim, croix renversées, pics, cartouchières, rangers, pentagrammes, boucs, Baphomet, Aeba use et abuse de tous les codes propres au BM. Cela ravira les puristes, et désespèrera les culs bénis, mais au moins, le groupe annonce la couleur.

Malheureusement pour le groupe, l’album est assez long (66,06 minutes, si c’est pas evil ça ?), et on a vite fait de se perdre dans les méandres de la musique du groupe, finalement relativement compliquée pour le style pratiqué. Le son est plutôt très propre, et tous les instruments se font entendre. Les bassistes seront ravis, car en plus d’entendre la basse, ses parties sont variées et l’instrument ne fait pas que suivre les guitares. Avec sa stabilité (quasiment le même line-up depuis sa création 16 ans plus tôt), le groupe gagne en cohérence, en professionnalisme et en maturité ce qu’il perd en spontanéité et en saleté. La signature du groupe sur le mastodonte allemand Twilight Vertrieb, comme une nouvelle preuve, aura mis la puce à l’oreille des plus observateurs, ce label étant professionnel, mais lisse, jusqu’au bout des ongles.

Si vous voulez écouter un album de BM original, mature, réfléchi, mélodique mais qui ne renie pas l’agressivité et les préceptes du genre (image, codes musicaux), alors ce "Kodex V" est pile poil ce qu’il vous faut. Sinon, passez votre chemin, mais Aeba m’a personnellement convaincu, le manque de spontanéité et d’imprévu dans cet album largement compensé par la richesse de l’album.


Rédigé par : Kryde | 15/20 | Nb de lectures : 10850