Evil Genius est sorti originalement en 1995. Il s’agit de la compilation des deux premières démos sorties en 1990, Hextum Galæm Zeloq!!! et The Satanist Tunes ainsi que le EP Evil, sorti en 1991. A l’époque, ce CD est sorti pour palier la rareté des premières productions. Il ressort donc aujourd’hui à la suite de la rareté de la précédente édition. Le responsable est le label suédois Black Lodge. Fort d’un nouvel artwork (je dis fort, parce que la précédente était bien laide, même si réutilisée partiellement ici), d’un habillage digipack et d’un livret doté d’une bafouille de It (le cofondateur du groupe avec All), la réédition donne presque envie à l’amateur de Abruptum que je suis. Bon, la bafouille est assez cliché, It parlant d’Abruptum comme une extension maléfique de lui-même, n’étant que la bande sonore d’expériences occultes, sexuelles, malsaines, j’en passe et des meilleures. C’est toujours intéressant dans le cas d’une réédition d’avoir une explication de la vision du groupe sur l’enregistrement et le concept, surtout quand il s’agit d’une sortie "posthume" (le groupe est arrêté depuis 2005) et que It est sorti de sa retraite métallique pour participer au projet.

Côté contenant, c’est donc plutôt réussi. Le digipack accompagnant la galette et le livret est sobre et classe. Le livret propose également les photos (à moins que ce soit des peintures) des 3 membres ayant composé le groupe, dont Evil, plus connu sous le nom de Morgan Steinmeyer Håkansson (Marduk). Côté contenu, par contre, on ne peut pas en dire la même chose.
Si je trouvais Abruptum malsain dans ses ambiances sur les différents albums et EP que j’ai écouté jusque-là, j’étais loin de me douter que ses débuts étaient aussi… inintéressant.
La première démo est donc composée de quatre titres black metal old school, une espèce de Venom ou de Celtic Frost, en beaucoup plus crade, avec des vocaux de damnés (eux sont réussis). Les rares solos qui ponctuent ces morceaux prêtent à sourire, tant ils sont ridicules. Le dernier morceau de la démo se permet une accélération dantesque, qui ressemble plus à un cafouillage qu’autre chose, pour finir sur un accord de guitare minimaliste. Bref, quatre morceaux pour même pas 10 minutes, et heureusement.
Passons à la deuxième démo. Débutant par un texte déclamé à l’envers, classique parmi les classiques en ce qui concerne les messages du Malin (qui a dit l’Exorciste ?). Les morceaux de cette démo correspondent déjà plus à l’idée de malsain véhiculé par le groupe par la suite. Les morceaux sont bruitistes, ponctués de notes dissonantes de clavier à peine perceptibles, soutenu par la batterie métronomique et lente. Le chant se noie dans les dissonances de la musique, plutôt dégueulé et grogné qu’autre chose. La tentative d’accélération sur le dernier morceau, qui ressemble plus à 30 secondes d’une démo obscure d’un groupe de grind ouzbek d’une moyenne d’âge de 15 ans enregistrant dans la salle de bain de mamie, est assez minable et risible. On notera d’ailleurs le parallèle entre les 2 derniers morceaux des démos, qui possèdent toutes les 2 un passage d’accélération, et un final sur une guitare sans disto qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
La troisième sortie rassemblée sur ce disque est le EP Evil, qui est d’ailleurs le plus intéressant, puisque débutant sur un sample de sexe. Seul déception, on entend plus les râles gras et poussif du diable en rut (à moins que ce soit un homme qui a trop abusé sur le whisky et la cigarette) que les couinements de sa compagne. Sinon, musicalement, ça reste basique, moins bruitiste et dérangeant que précédemment. Seuls les claviers essaient de rajouter de l’ambiance, bien aidés par les vocaux très gras qui ne semblent pas être sous le coup d’un effet, ce qui est assez impressionnant. Ce EP est une espèce de mélange des deux premières démos : le classicisme de la première, avec l’ignominie de la seconde.
Comme je suis cachottier, je vous ai gardé une surprise pour la fin : un titre bonus !! J’en étais sûr, vous ne vous en doutiez pas du tout, allons, c’est pas la peine de rougir. Car ce titre est tout ce qu’il y a d’inutile. Sorti à l’origine sur le EP du même nom (De Profundis Mors Vas Consumet), en 2000, on peut se poser la question de sa présence sur ce CD. La seule explication que je trouve est que sur ce EP, les deux autres morceaux semblent n’avoir été composés que par Evil, contrairement au titre éponyme, qui semble avoir été composé bien avant par It.

Cette réédition ne tient la route uniquement que par la rareté de l’édition précédente. Black Lodge doit être néanmoins conscient de l’extrémisme musicale du groupe et a limité la production à 1000 exemplaires. Elle a le mérite également de proposer un artwork plus agréable à l’œil. Mais ce CD reste à l’attention des fans hardcore du groupe, qui veulent se replonger dans le contexte de la création et des débuts du groupe, avec toute l’immaturité musicale que cela comporte. Ceux qui sont réfractaires au groupe ne changeront certainement pas d’avis avec cette réédition. Je préconise également une écoute au casque, qui se révèle bien plus intéressante que dans la chaîne hifi. En effet, l’essence dense et malsaine est conservée par le côté fermé du casque. Dans tous les cas, il faut du courage pour aller au bout de ce disque, ce qui me donne une idée d’un nouveau label de prévention à apposer sur les disques : "Déconseillé aux auditeurs non Evil" Un bisou princier (de Lu) à celui qui me pondra un logo qui conviendra.

MySpace non officiel : http://www.myspace.com/officialabruptum


Rédigé par : Kryde | Réédition/ | Nb de lectures : 10770