Presque un an après « Haematobic ep » qui amorçait un virage décisif dans la carrière du groupe, voilà ABORTED de retour au charbon pour son quatrième album, inaugurant les débuts de Gilles Delecroix derrière peaux et cymbales. Malgré un titre trompeur, ABORTED poursuit sur la lancée du dernier ep en continuant de prendre du large par rapport au Gore métal de ses débuts. Si le Goregrind collait, jadis, au nom d’ABORTED comme un bout d’intestin grêle coincé entre deux crampons de rangers, c’est désormais vers un style un peu plus subtil que s’achemine gentiment nos compères.
Comme l’annonçait « Haematobic », dont on retrouve d’ailleurs ici les deux titres inédits (« Gestated rabidity » et « Voracious haemoglobinic syndrome »), ABORTED a visiblement voulu passer à quelque chose de plus nuancé pour continuer son parcours au pays de l’extrême. Si ça mouline toujours autant lorsqu’il s’agit de s’emballer dans des blast bien brutaux, les breaks, les passages ralentis tout en puissance se font désormais un peu plus présents. Cela a pour effet d’aérer un peu les structures et d’apporter des variations qui n’ont rien d'inopportun dans la nouvelle mouture du groupe. Sven continue d’expérimenter les possibilités de ses cordes vocales. En incorporant davantage de braillements d’éviscéré et un peu de chant clair à ses growls caverneux légendaires, les vocaux de Sven ont quelque peu gagné en intensité, le recours à son propre chant doublé dans des registres différents apporte aussi une dualité intéressante. « The Archaïc Abattoir » met, également en évidence, quelques petits changements au niveau des guitares. Tace et Bart réalisent toujours un aussi bon boulot quand il s’agit de trouver des riffs bien rentre-dedans mais certaines envolées de six cordes assez heavy métal, font ici leur apparition. Loin de rendre mièvre les compos de ces incurables furieux, ces mélodies finement senties ont pour effet de rendre les parties rapides plus efficaces en agissant comme autant de catalyseurs de brutalité. Ces volutes « guitaristiques » atteignent même leur point culminant sur le somptueux « Threading on vermillion deception ».
Il est vrai que l’arrivée de Gilles, plus connu en France sous le pseudo de Godemichel (le batteur de GRONIBARD), avait soulevé une petite vague de commentaires affligeants mettant systématiquement en doute ses capacités à prendre le relais de Frank et Dirk. Les détracteurs en seront pour leurs frais puisque, comme il fallait s’y attendre, la section rythmique et tout particulièrement la batterie, sont absolument irréprochables malgré des tempos parfois soutenus.
Profitant de l’enregistrement au Danemark, quelques personnages du cru, tels Jacob Bredahl(HATESPHERE), Bo Summer (iLLDISPOSED) et Michael Bøgballe(MNEMIC) se sont retrouvés en studio pour pousser la beuglante sur quelques backing vocals. Il est vrai que ces participations restent purement anecdotiques mais elles soulignent néanmoins l’engouement qu’ABORTED soulève jusque dans la scène danoise (c’te frime).
Avec cette nouvelle alchimie métallique partagée entre finesse et barbarie, il était logique qu’ABORTED se tourne vers un producteur plus en adéquation avec leur musique actuelle. Cette fois-ci c’est dans l’antre de Tue Madsen (THE HAUNTED, EXTOL, EXMORTEM, MAROON) à l’Antfarm studio que se sont déroulées les hostilités. Le mixage apparaît moins chirurgical, moins froid qu’il ne l’était pour « Goremageddon » au profit d’un son plus massif qui apporte une ampleur nouvelle. Ce changement est assez notoire lorsqu’on compare les titres du ep mixés par Jacob Ansen avec leur nouvelle version sur cet album. Quelques nappes de synthé, nullement intempestives, se sont même greffées sur « Voracious haemoglobinic syndrome » au passage.
Peut-être que certains fans regretteront cette évolution les éloignant sensiblement des combos de brutes épaisses aux aspirations purement dévastatrices. Quoiqu’il en soit, ABORTED continu son chemin sur les voies de la consécration en nous offrant, avec son abattoir archaïque, un album qui apporte un peu de fraîcheur dans un style en manque d’initiative.

Un pressage limité contenant des cheveux et des ongles sera également disponible. ABORTED a choisi cette façon assez dégueulasse, il faut bien le dire, de remercier les fanatiques du groupe en mettant leur tignasse à contribution. J’aime bien le groupe mais de là à sacrifier le peu de cheveux qu’il me reste, faut pas déconner non plus.




Rédigé par : Tonton | 17/20 | Nb de lectures : 14709