Fondé en 2006 en région parisienne, Abduction est à l'origine un duo formé de Guillaume Fleury (ex-Crystal Wall) et de Guillaume Roquette (ex-Crystal Wall itou, Hilde). Et les deux Guillaume, tels des guitaristes endiablés, se sont lancés comme des flèches dans la composition de morceaux black/death mélodique dès le line-up complété en 2008. En octobre dernier, est sortie la première production du combo intitulée Heights' Shivers. Quatre titres qui auront probablement mûri au fil des années.

De ces compositions, je retiens un élan mélodique certain, une envie de mettre en musique des compos longues et évolutives. S'étalant de près de six minutes à près de dix minutes, les titres comportent de multiples tiroirs qu'Abduction se fait un plaisir de nous ouvrir pour nous en présenter le contenu coloré. Dans un certain sens, on peut penser aux premiers Opeth, à des thèmes déjà portés par Dark Tranquillity, voire à la frange la plus mélodique de la scène black suédoise (Necromicon, par exemple). Le quatrième et dernier titre du MCD est un outro au piano, qui évoque le "No Dreams Breed in Breathless" de Dissection. Mais dans sa version longue de cinq minutes trente, version trop longue, bien trop longue.

La production a été façonnée à la maison. Le son est très correct et n'empêche en rien de s'immerger dans la musique des Franciliens. Il en va un peu autrement de la mise en place. Peut-être par souci d'authenticité, peut-être par manque de moyens, de temps ou d'exigence, Abduction a opté pour un enregistrement très "vivant". Cela ne pose pas trop de souci pour les guitares dont seuls quelques trémolos ne sont pas parfaitement nets (mais quand on s'est tapé des enregistrements de répétitions, ça ne fait même pas mal). Pas trop de souci non plus pour la basse qui profite de sa mise en retrait. Le cas est un peu différent pour la batterie, dont la mise en place accroche souvent sur des breaks manifestement trop complexes.

Comme chacun dans la présentation de premiers titres qui tournent depuis longtemps en répétitions, je pense que le batteur Morgan a chargé ses parties au fil du temps ou a voulu en mettre un peu trop, jouant à 110% de ses capacités. Le résultat est à l'inverse des intentions de départ; certains patterns déservent finalement la musicalité de l'ensemble, de nombreux breaks s'avèrent encore bien trop brouillons. Mettre en place le "juste" niveau technique, celui qui accompagne avec élégance les riffs, est une des choses les plus difficiles dans ce genre de musique d'équilibristes. Les batteurs notamment doivent souvent affronter l'angoisse de la partition blanche, livrés à eux-mêmes pour proposer la meilleure partie possible. Tout instrument confondu, nombreux sont ceux qui ne voient leur jeu que dans la démonstration, surtout dans les plus vertes années. Gageons que la sagesse sera au bout du chemin pour Abduction, mais il en reste pas mal à parcourir pour convaincre complètement. L'épreuve des planches sera certainement un apprentissage très fort, si concert il y a.

Heights' Shivers est une annonce, une carte de présentation. L'univers se met en place, dont voici la première pierre. Elle n'est pas parfaite loin de là, on sent bien que l'artisan a besoin de trouver le coup de main pour bâtir quelque chose de solide qui a du cachet. Mais c'est seulement une première pierre, à propos de laquelle on peut être magnanime en attendant de voir plus avant la construction. Elle a beaucoup de défauts, mais elle a aussi un charme d'antan, cette patine un peu ancienne qu'on ne trouve plus partout. Elle donne envie d'y revenir et de voir comment a avancé la construction quand on passera devant dans quelques temps.


Rédigé par : Prince de Lu | 3/5 | Nb de lectures : 13870