Tiens, un groupe qui s’essaye au délicat mélange entre Hardcore et Hiphop et qui vient de l’Essonne ? Doit forcément y avoir des membres d’Esprit du Clan là-dessous! Eh bien non, en explorant la bio, il n’y a apparemment aucun rapport: 91 AllStars s’est formé en 2005 avec des ex-Trapped In Life et des actuels Danforth et Slavery. Voyons voir ce que ces membres du SMS Crew ont à proposer avec ce maxi.

Pas de surprise à l’écoute des 5 titres de cet EP, on navigue en eaux connues: 2 chanteurs à la voix bien virile, un tempo assez lent, des moshparts pour les pit warriors, des samples de films sombres... C’est bien du HC nouvelle école à forte imprégnation rap. Dès le départ, on discerne déjà le principal ‘obstacle’ que vont rencontrer nos 5 compères: une comparaison inexorable avec l’Esprit du Clan de la période Chapitre 0. Ceci dit, vu l’évolution que connaissent ces derniers, on peut aussi se dire que 91 Allstars reprend le flambeau, comble le trou, récupère le trône. Enfin, vous voyez, quoi...

Ce que j’apprécie particulièrement avec EDC, et donc avec 91 All-Stars, ce sont les paroles en français très 'dans ta face', prouvant encore une fois qu’on peut jouer de la musique puissante et destinée à la scène sans avoir à beugler des paroles dans un anglais approximatif. Bon, la contrepartie, c’est qu’on saisit immédiatement le sens des paroles (merci Sherlock). Celles-ci doivent donc être correctement rédigées pour éviter le fameux syndrôme dit ‘de la variété française’: celui qui vous fait passer de la pitié à la consternation. Et de ce côté-là, les Essonnois ne s’en sortent pas trop mal, même s’il ne faut pas s’attendre à du Baudelaire, évidemment. L’influence du rap se ressent en effet dans les textes, puisque les sujets abordés sont l’esprit de corps, l’intérêt du crew, la colère et la frustration d’une partie de la jeunesse, des sentiments aussi sombres qu’une nuit de décembre dans une cave de Grigny... Euh, je ne sais pas si l’allusion est bien trouvée, en fait. Bref, des thèmes qui démontrent une fois encore que les scènes HC et rap partagent tellement de points communs (les crews, l’attitude virile, la provocation) qu’il n’y a qu’une seule interrogation qui tienne: pourquoi n’y a-t-il pas plus de groupes dans ce style, qui pourraient réunir deux publics en général fidèles et motivés ?

Et bien, il faut déjà juger de la musique pour comprendre ce phénomène: rares sont les groupes qui arrivent à trouver le bon dosage entre groove hiphop et efficacité HC, à proposer un flow convaincant ou intégrer de manière intelligente un beat au milieu des instruments classiques. On peut citer pour la forme des groupes américains comme E-Town Concrete et Boxcutter, ou les Hollandais de Full Court Press. Kickback aussi, avec le final fantastique du morceau ‘Running The Show’ sur Les 150 Passions Meurtrières, vous savez, ‘Nez pourri par la C, syndrome HIV, achevé’, tout ça... Cette recette presque miracle, 91 AllStars n’est pas loin du tout de la réussir. Les guitares lourdes adoptent le plus souvent un tempo syncopé sur lequel les deux chanteurs peuvent éructer de manière efficace, appuyés par une section rythmique qui s’attache à donner le maximum de groove à l’ensemble. Les rares breaks laissent alors la place à un beat hiphop permettant de souffler (‘Où Est Le Cœur ?’, ‘Nos Lois’) et de repartir de plus belle sans discontinuité. Il faut dire aussi qu’inviter une figure de la scène hiphop parisienne comme Ametiss, sur le très bon titre d’ouverture ‘Notre Mélodie’, aide forcément la mayonnaise à prendre. Malheureusement, les morceaux se ressemblent trop dans leur construction et leur évolution pour que la lassitude ne gagne pas l’auditeur au bout de quelques écoutes. Quand 91 Allstars trouve un riff, il ne le lâche plus, tel le pittbull le soir dans une cave... Hum, bref, ce défaut est fréquent chez une majorité de groupes HC et métal, il faut l’avouer, mais fatalement rédhibitoire. La variété française, ça saoule, la variété tout court, par contre... Les passages hiphop paraissent aussi moins soignés que les passages métalliques et font parfois office de ‘gadget’ plutôt que d’ingrédients essentiels à l’ensemble. Enfin, le combo aurait aussi gagné à se démarquer complètement de Kickback et EDC, mais c’est notamment une question de goûts: si le ‘racaille-core’ est votre trip, la remarque ne tient plus vraiment...

En réponse à mon interrogation initiale, ce style dont la base est essentiellement HC (ou métal, pour les chipoteurs) ne peut en satisfaire que les adeptes. Il est inévitablement trop saturé et ‘violent’ pour des fans de hiphop classique qui n’en retiendraient que l’agressivité musicale, et pas l’esprit ou les paroles. Il n’en reste pas moins que des groupes comme 91 Allstars méritent l’attention des coreux pas fâchés avec le hiphop (c’est une question, éternelle celle-là, d’ouverture d’esprit), puisque ce EP encore imparfait laisse augurer d'un futur intéressant que l’on souhaite assez proche. S’ils se trouvent une ‘patte’ et arrivent à insuffler suffisamment de variété dans leurs compositions, nul doute qu’on entendra reparler des Essonnois.


Rédigé par : Candiria-Thon | 6/10 | Nb de lectures : 12117