Qu'est-ce qui rend la musique barrée savoureuse ? Est-ce qu'il faut qu'elle soit toujours plus bizarre et incompréhensible ou faut-il simplement qu'il y ait de bonnes chansons écrites d'une façon un peu décalé ?
6 : 33 a décidé de ne pas trop se prendre la tête avec ce type de questions en nous proposant un premier album, « Orphans of good manners », de très bonne facture et qui fait du bien par où qu'il passe (et là, c'est chacun qui est libre de le faire passer où il veut).
Vous ne le verrez pas sur le disque, mais le groupe se plaît à apparaître masqué sur ses clichés promotionnels et lors de ses concerts en live. Bien que cela soit vu et revu (on n'échappe pas au masque du Luchador décidément très en vogue en ce moment) cela fait toujours son petit effet, surtout si la musique jouée par les gars est un peu fofolle.
A noter aussi le très bel artwork qui représente le skeud et qui avec son petit côté « Arise » attire irrésistiblement l'œil.
Premier album donc pour ce combo parisien qui nous livre dix titres particulièrement racés et bien écrits. D'emblée, on remarque l'aspect très froid de la section rythmique qui contraste heureusement avec les sonorités plus organiques des synthés et des guitares.
Je n'apprécie jamais trop que la batterie soit programmée, et excepté sur quelques morceaux, je regrette l'absence d'un vrai batteur. Cela permet néanmoins de nombreuses fantaisies rythmiques et notamment quelques salves à la double pompe qui vont redoutablement vite. Cela risque néanmoins de gêner quelques personnes, surtout ceux qui aiment que le groove reste mouvant.
Mais ce « détail » n'arrive pas à éclipser les chansons, qui sont toutes bien construites et très réfléchies. Car on sent rapidement chez les 6 : 33 que rien n'arrive pas hasard et qu'il a dû leur falloir quelques heures de répet' avant d'en arriver à cet éclatage d'influences.
Bien qu'il y ait deux claviers, le Metal est la fête chez les 6 :33. Dès le départ on sent principalement deux influences majeures qui se dégagent : DEVIN TOWNSEND et MIKE PATTON. Je cite volontairement les noms parce qu'on retrouve autant du FAITH NO MORE que du STRAPPING YOUNG LAB, du FANTOMAS et du OCEAN MACHINE, du BUNGLE et du DEVIN TOWNSEND PROJECT.
L'influence de PATTON se fait surtout sentir dans le timbre du chanteur et dans des morceaux très « décalés » au fort goût de FNM période « King for a Day ». Lorsque le groupe s'envole dans des sphères atmosphèriquo/brutale, on pense alors au furieux Canadien.
6 : 33 est un groupe qui fait de ses humeurs et de ses émotions des chansons qui partent quasiment toutes dans des directions différentes. Le but de 6:33 n'est pas de surprendre d'une mesure sur l'autre mais plutôt de donner à leur chansons de véritables identités perturbées (je vous rassure cependant, "conventionnel" ne semble pas faire partie de leur vocabulaire).
Même si on n'est pas trop familiarisé au Psycho core, on peut sans problème venir écouter les 6 : 33, les chansons sont assez rapidement mémorisables et suffisamment cohérentes pour ne pas qu'on soit trop perturbés par les brusques changements d'atmosphères. « Karmacoma » vous demandera quelques efforts pour ne pas trop vous perdre dans le labyrinthe qu'elle construit, mais au bout de quelques écoutes, le kiff arrive vitesse grand V.
En définitive, ce disque a beaucoup de personnalité. Beaucoup n'apprécieront pas le son lié à la batterie électroniques. D'autres n'apprécieront pas le côté « FAITH NO MORE rencontre STRAPPING YOUNG LAB » quand les derniers regretteront un côté presque « timoré » dans certaines expressions schizophréniques. Mais reste que les 6:33 se débrouillent plutôt bien avec cette première incursion dans le monde somme toute assez balisé de la musique barrée.
On entend par moments quelques influences différentes qui pointent le bout de leur nez (le dernier morceau, « Orphans of Good Manners », possède des harmonies très pop), et on regrette un peu que le combo ne se soit pas plus servi de ce genre de matériaux. La prochaine fois ?
En attendant, reste quelques petites petites dont vous auriez tort de vous priver.


Rédigé par : Pamalach | 14/20 | Nb de lectures : 13162