Il semblerait que, même chez les labels précurseurs, l’heure soit au retour à des signatures marquées du sceau bien raw et haineux de la vieille école. Après Osmose et – entre autres – Revenge, voici que Candlelight y va de sa petite production primitive et sans fioritures. Nostalgie ou volonté de retour à une certaine idée du naturel ? Allez savoir… On pourrait aussi méditer sur les chances réelles d’un groupe comme 1349 de se retrouver dans l’écurie Candlelight si l’un de ses membres ne se nommait Frost (bourreau des fûts chez Satyricon). Mais je n’ai pas le cœur aux spéculations. Avec 1349 il ne fait pas bon se poser trop de questions, quand le réflexe vital face à une telle avalanche de perversions sonores est de se baisser au bon moment pour éviter le prochain riff surgelé qui s’apprête à vous tronçonner la tête sans ménagement.
Pour aborder la chose avec une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui quelque part en dit déjà long, « Liberation » ce serait un peu comme si le Mayhem des vertes années jouait le « Nattens Madrigal » d’Ulver. Les guitares forment un rideau impénétrable comparable à un mur de blizzard seulement lézardé en quelques endroits par une mélodie dark descendant en piqué jusqu’à son extinction (cf. "Deathmarch", "I Breathe Spears"...). De ce fait, la stridence générale agresse et demande de s’investir pleinement dans l’écoute afin de distinguer les contours des morceaux qui, rassurez-vous, existent bel et bien, 1349 ne donnent pas dans l’informe et chaque morceau dispose de ses spécificités et de sections techniques que l’on ne retrouve pas ailleurs dans l’album. Une particularité de l’album est qu’il alterne sans demi-mesure les riffs excellents et les parties qu’on appellera « passerelles », beaucoup moins inspirées, bien que gardées à flot par la vitesse d’exécution : insuffisance de soin dans les transitions ? La batterie est proéminente et maniée avec maestria, mais cela ne surprendra personne. On pourrait même aller jusqu’à en faire la « superstar » de cet album, tant Frost s’en donne à cœur joie, frappe tantôt comme un forcené, tantôt avec la finesse asymétrique d’un stratège guerrier pour contourner la prévisibilité d’une attaque de blasts, et réserve à son instrument un traitement de choix dans le mix, les frappes étant particulièrement drues et propres par opposition au reste – d’où un revêtement sonore pour le moins original. « Liberation » est un disque qui en fait manipule l’extrémisme avec précaution. Ignoble mais toujours écoutable ; démonté mais toujours sous contrôle. Les morceaux claquent comme une salve de coups de ceinturon clouté sur les parties charnues, mais la trace qu’ils laissent ne s’incruste pas durablement, peut-être par manque de venin, peut-être parce que l’album passe trop vite (quand même une petite quarantaine de minutes) sans vraiment donner l’occasion de s’agripper à sa malfaisance. « Liberation » veut avoir le visage du mal, mais retient un peu trop ses excès pour que la terreur se mue en cataclysme – c’est relatif bien entendu. Je lui préfère sur ce point un Nehëmah ou un Wigrid, peut-être joués avec moins de compétences et de profusion dans la langage, mais tout de même plus permanents par la force « cinématographique » des impressions qu’ils expectorent.
En somme un album qui ne pèche en aucun endroit de façon rédhibitoire mais qui d’un autre côté peine à déclencher le gros coup de sang malgré les moyens radicaux employés. Il serait toutefois malséant de reprocher à « Liberation » ce qu’il cherche à être et incarne avec la plus parfaite opiniâtreté : froid, laid, barbare, sans pitié… Un petit dilemme pourrait pourtant naître du fait que, de par leur accessibilité réduite, 1349 ne sont susceptibles de rallier qu’une frange limitée de personnes à leur cause. Or, parmi les rangs de ces durs au mal, combien se feront un devoir de leur cracher dessus, because Candlelight, et because Frost… A posséder pour ceux qui veulent une CD-thèque incollable sur le black metal et/ou pour ceux qui veulent voir entendre les baguettes de Frost battre la chamade en dehors du cadre de Satyricon.
Rédigé par : Uriel | 13.5/20 | Nb de lectures : 8704
Eh bien je dois faire partie de la frange limitée de personne que 1349 rallie à leur cause... pour mon humble part...
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Pour aborder la chose avec une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui quelque part en dit déjà long, « Liberation » ce serait un peu comme si le Mayhem des vertes années jouait le « Nattens Madrigal » d’Ulver. Les guitares forment un rideau impénétrable comparable à un mur de blizzard seulement lézardé en quelques endroits par une mélodie dark descendant en piqué jusqu’à son extinction (cf. "Deathmarch", "I Breathe Spears"...). De ce fait, la stridence générale agresse et demande de s’investir pleinement dans l’écoute afin de distinguer les contours des morceaux qui, rassurez-vous, existent bel et bien, 1349 ne donnent pas dans l’informe et chaque morceau dispose de ses spécificités et de sections techniques que l’on ne retrouve pas ailleurs dans l’album. Une particularité de l’album est qu’il alterne sans demi-mesure les riffs excellents et les parties qu’on appellera « passerelles », beaucoup moins inspirées, bien que gardées à flot par la vitesse d’exécution : insuffisance de soin dans les transitions ? La batterie est proéminente et maniée avec maestria, mais cela ne surprendra personne. On pourrait même aller jusqu’à en faire la « superstar » de cet album, tant Frost s’en donne à cœur joie, frappe tantôt comme un forcené, tantôt avec la finesse asymétrique d’un stratège guerrier pour contourner la prévisibilité d’une attaque de blasts, et réserve à son instrument un traitement de choix dans le mix, les frappes étant particulièrement drues et propres par opposition au reste – d’où un revêtement sonore pour le moins original. « Liberation » est un disque qui en fait manipule l’extrémisme avec précaution. Ignoble mais toujours écoutable ; démonté mais toujours sous contrôle. Les morceaux claquent comme une salve de coups de ceinturon clouté sur les parties charnues, mais la trace qu’ils laissent ne s’incruste pas durablement, peut-être par manque de venin, peut-être parce que l’album passe trop vite (quand même une petite quarantaine de minutes) sans vraiment donner l’occasion de s’agripper à sa malfaisance. « Liberation » veut avoir le visage du mal, mais retient un peu trop ses excès pour que la terreur se mue en cataclysme – c’est relatif bien entendu. Je lui préfère sur ce point un Nehëmah ou un Wigrid, peut-être joués avec moins de compétences et de profusion dans la langage, mais tout de même plus permanents par la force « cinématographique » des impressions qu’ils expectorent.
En somme un album qui ne pèche en aucun endroit de façon rédhibitoire mais qui d’un autre côté peine à déclencher le gros coup de sang malgré les moyens radicaux employés. Il serait toutefois malséant de reprocher à « Liberation » ce qu’il cherche à être et incarne avec la plus parfaite opiniâtreté : froid, laid, barbare, sans pitié… Un petit dilemme pourrait pourtant naître du fait que, de par leur accessibilité réduite, 1349 ne sont susceptibles de rallier qu’une frange limitée de personnes à leur cause. Or, parmi les rangs de ces durs au mal, combien se feront un devoir de leur cracher dessus, because Candlelight, et because Frost… A posséder pour ceux qui veulent une CD-thèque incollable sur le black metal et/ou pour ceux qui veulent voir entendre les baguettes de Frost battre la chamade en dehors du cadre de Satyricon.
Rédigé par : Uriel | 13.5/20 | Nb de lectures : 8704