le 21 février 2007 - La p'tite Loco - Paris

Quand les tourneurs auront finalement compris que ce ne sont pas les affiches à rallonge qui suscite le plus d'affluence aux concerts, on aura sûrement des tournées moins laborieuses et moins hétéroclites. Ajoutez à ça l'annulation de CARPATHIAN FOREST sur la tournée au profit de MYSTIC CIRCLE, une programmation en milieu de semaine et vous comprendrez mieux que, devant la faiblesse des préventes, le retour à Paris de ROTTING CHRIST se soit trouvé relocalisé dans les sous-sols de la Loco plutôt que sur la grande scène initialement prévue. Chez Garmonbozia, on est peut être parfois kamikaze mais pas complètement inconscient non plus. C'est donc devant un public d'à peine 250 âmes qu'allait se dérouler ce jubilé dark métal contre death old school pompeusement nommé Domination Tour.
Pire encore, devant de menus problèmes électriques qui avait fait sauter les plombs plus tôt dans l'après midi, la tour manager, une sorte de pitbull femelle outrageusement fardée, avait donné pour consigne de limiter les éclairages à une paire de pauvres spots rouges qui donnèrent à l'ensemble des sets les airs d'un labo de développement photo.

Si la ponctualité est la politesse des rois, il faut sans doute voir dans l'heure de mon arrivée les fondements de convictions anti-royalistes vu qu'INACTIVE MESSIAH est en train de plaquer ses derniers riffs quand j'arrive sur les lieux. L'humeur est à la morosité, la fréquentation des lieux faible et ce n'est pas l'arrivée en scène de MYSTIC CIRCLE qui changera la donne. Une rapide visite suffit pour comprendre que la musique des teutons n'a pas connu de miracle et quelle reste aussi dépourvue de feeling qu'une sonnerie de téléphone. Visiblement ses membres conservent religieusement leur talent pour d'autres activités et je pense qu'on gagnerait beaucoup s'ils décidaient enfin à se reconvertir dans le modélisme ou la broderie. A oublier.

C'est déjà l'heure du premier moment purement old school de la soirée avec le retour d'INCANTATION dans la capitale. C'est un John McEntee méconnaissable avec sa barbe d'ermite qui monte sur la petite scène de la petite Loco. Comme la dernière fois qu'ils avaient joué à Paris, leur set sera filmé par trois caméras, ce qui explique sans doute la forme olympique du trio grandement rénové pour cette tournée puisque devant les obligations professionnelles de Kyle Severn, INCANTATION a fait appel à son batteur original Jim Roe celui-là même qui avait enregistré ''Onward to Golgotha" et ''Mortal Throne of Nazarene". Passée une longue intro empruntée à Evil Dead de Sam Raimi, John McEntee et sa bande nous déroulent un set de death metal pur jus. Les rangs jusqu'alors épars du public se densifient d'un seul coup et la température monte de quelques degrés. Certes, la musique d'INCANTATION ne comporte aucune surprise, aucune subtilité mais la détermination sans faille du trio galvanise les premiers rangs. McEntee gueule dans son micro comme un dératé et lorsqu'il s'adresse à ses fans, on constate que ses cordes vocales sont mises à rudes épreuves et qu'il finira probablement cette tournée aphone dans le meilleur des cas. Quand le feeling et l'expérience se conjuguent aussi bien, on en redemande.

On enchaîne bien vite avec d'autres vétérans, ceux de MALEVOLENT CREATION qui aligne sur cette tournée un line-up regroupant 3 des 5 membres qui avaient enregistré « The Ten Commandments » en 1991, un véritable retour aux sources pour ces éternels seconds couteaux du death. L'audience est sensiblement moins nombreuse que pour INCANTATION mais ceux qu'on surnomme simplement « MALEVOLENT » vont nous expédier trois quarts d'heure de bon gros death « made in Florida ». Si Brett Hoffmann, le chanteur, n'est pas plus loquace qu'à son habitude, il se dégage néanmoins du groupe un certain plaisir de se retrouver réunis comme au bon vieux temps devant des fans aussi démonstratifs. Jason Blachowicz, le bassiste, exhorte la salle par de récurrents « Gimme some noise !!! » et les pogos battent leur plein dans la petite fosse. Carton plein pour MALEVOLENT CREATION qui ne s'était pas retrouvé aussi haut placé dans l'affiche d'une tournée depuis un sacré bout de temps. Pourvu que ça dure…

Il est presque minuit lorsque ROTTING CHRIST investit le semblant de scène de la petite Loco. Il est accablant de constater qu'une bonne partie du public, tributaire des transports en commun, a déserté les lieux sans même avoir vu la tête d'affiche pour laquelle certains avaient fait le déplacement. C'est donc devant une salle à moitié pleine et sans le plus strict minimum éclairage d'ambiance que ROTTING CHRIST va achever cette soirée. Dans ces conditions, vous comprendrez qu'il est difficile d'installer une atmosphère propice au dark metal du groupe grec mais c'est compter sans le professionnalisme et surtout l'expérience de ROTTING CHRIST. Qu'on soit fan ou non du groupe, force est de constater que Sakis Tolis va mener ses troupes avec charisme et classe. Certes la musique de ROTTING CHRIST ne se prête guère aux pogos incessants qui ont rythmé les deux précédents protagonistes de l'affiche mais c'est devant un public attentif que les Hellènes vont visiter une bonne partie de leur discographie en mettant tout de même l'accent sur le petit dernier « Theogonia ». Comme d'habitude avec ROTTING CHRIST, les samples et autres arrangements supportent plutôt bien le passage à la scène et même si le son dégagé par les enceintes de la petite Loco reste égal à lui-même, oscillant entre catastrophique et médiocre, les Grecs vont tout de même s'en sortir avec les honneurs face à un public rétrécissant de minute en minute.


Difficile de caser 7 groupes dans une même soirée. Les organisateurs y gagneront sans doute en fréquentation lorsque les tour-managers réaliseront enfin que la qualité prévaut toujours sur la quantité et qu'une bonne soirée mérite de se finir dans de meilleures conditions que celles d'un noctambus.