Contrairement aux idées reçus, la Suisse a toujours été une terre fertile pour de nombreux groupes Rock, Punk, Métal ou plus généralement, pour ce que les pignoufs institutionnels élus par le peuple nomment les « musiques actuelles amplifiées ».
Depuis Hellhammer/Celtic Frost, la Suisse n'a cessé de nous abreuver d'excellents groupes, originaux et aventureux, ayant tous en commun une très forte personnalité leur permettant de s'affranchir de leurs modèles anglo-saxons.
Qu'on aime ou pas, difficile de nier le talent et la sincérité artistique de groupes comme The Young Gods, Coroner ou Samael... Shovel ne dérogera pas à cette régle !
Ce premier et unique album déboule dans les bacs en 1999, accompagné d'un certain buzz dans les milieux autorisés : articles et chroniques dans Rock Sound et Rage Mag', concert aux Eurockéennes de Belfort, passage télé à NPA Live... Un buzz dû principalement à leur affiliation au courant Néo-Métal... Aïe !!!Merde !
Donc là, en ce qui me concerne, ce n'étais pas gagné pour Shovel ! Car si j'aime beaucoup le premier Korn, System Of A Down et Deftones... la queue du peloton avec les Limp Bizkit, Linkin Park, Papa Roach et compagnie, ça ne va pas être possible! Désolé !

Pourtant quand un pote insiste pour me prêter l'album, j'adore instantanément... car qualifier Shovel de Néo-Métal est un exemple typique de raccourci journalistique.
Il est vrai qu'il y a bien des éléments Néo-Métal dans la musique de Shovel: le chant très versatile couvrant un large spectre allant du chuchotement inquiétant aux hurlements démentiels en passant par un chant clair typé émocore (le vrai, celui des 90's!). L'alternance couplet calme et éthérée/refrain explosif ainsi que le son de guitare qui évoque effectivement certains morceaux du Deftones d'Around The Fur (particulièrement le titre Be Quiet And Drive).
Pour le Néo, ce sera tout merci ! Aucune trace de guitares 7 cordes Ibanez sous accordées à la limite du ridicule, pas de Slaps de basse pénible, pas de grossières influences Hip-Hop Mainstream ou d'improbables DJ aux cheveux sales balançant des samples ringards et encore moins de ce chant tellement pleurnichard qu'il en devient embarrassant.
Shovel, incontestablement, sort du lot. A l'instar de Deftones, les membres du groupe n'acceptent pas vraiment l'étiquette Néo-Métal qu'on leur a collé sur le front.

Shovel s'est formé en 1997 sur les cendres de Eastwood, excellent groupe de Post-Hardcore influencé par Quicksand, Helmet ou Fugazi, auteur d'un unique album (Behind The Wall) que je vous recommande fortement au passage !
C'est sur ces bases saines que Shovel s'est construit, reprenant les influences Noise et Hardcore de Eastwood en y injectant des éléments Métal venant de Tool ou de (encore) Deftones et une sensibilité pop jamais mièvre.

Déjà à l'époque, l'écoute du premier titre (Lurk) m'avait terrassé : courte intro noise puis énorme riff métal accompagné d'un chant ultra mélodique (on pense à Samiam !) en total décalage avec la furie des instruments, couplet tout en retenu, refrain explosif au chant hurlé, outro lente et mélancolique...
Lurk est un titre magnifique et une parfaite synthèse de leur style !
Sur Scythe, on est sidéré par le boulot des 2 guitaristes. Jouant à l'unisson ou en harmonisant, utilisant leurs nombreux effets (delay, chorus...) toujours à bon escient, ils sont impressionnants de maîtrise et de créativité.
Gap, avec ses ambiances tristes et désabusées nous amène sur les terres de Tool (période Undertow) et d'Alice In Chains... la fête et la joie de vivre quoi !
Retour en territoire Hardcore sur Path : riff saccadé à la Helmet, basse saturée et chant hurlé...Path est une pure décharge d'adrénaline, mais qui jamais ne cède à la facilité tant le talent de composition du groupe est élevé.
Sur Gasoline, le chant est impressionnant de maîtrise : tour à tour chuchoté, hurlé, aérien ou au bord de la rupture...et puis il y a cette fin magnifique... franchement si ça te colle pas des frissons, t'as pas de cœur ! Point barre !
Culminant à près de 7 minutes, Wreck est une ballade funeste Grunge où sont convoquée les spectres de Kurt Cobain et de Layne Staley... parfait !
Boil Over est un monument d'énergie et de rage contenue, pour l'anecdote, j'ai écouté ce morceau 3 fois de suite quand je l'ai découvert !
Excess est le meilleur morceau d'Adrenaline que les Deftones ont oublié d'écrire. Là on est dans la pompe, c'est clair, mais la qualité d'écriture enterrant (par exemple !) la totalité des tâcherons de la scène Néo-Métal Française, on leur pardonnera ce petit faux pas !

A l'écoute de ce splendide album, on ne peux s'empêcher de penser que si les groupes de Néo-Métal s'étaient plus soucié de leur culture musicale que de la longueur de leurs dreadlocks, ce courant musical aurait pu nous offrir plus d'albums de cette trempe : originaux, singuliers et respectueux de leurs racines musicales!
Latitude 60° Low fait partie des rares albums de ma collection qui me surprennent encore 15 ans après les avoir écouté pour la première fois. Rien qu'en écrivant cette chronique j'y ai découvert des détails qui m'avaient échappés pendant toutes ces années !

Malheureusement, Shovel splittera au début de la composition de leur deuxième album, le chanteur quittant le groupe pour différents artistiques majeurs.
L'un des guitariste rejoindra le chanteur d'Unfold et fondera les excellents Houston Swing Engine, dans une veine plus Punk-Hardcore.




Rédigé par : DaleNixon | 1999 | Nb de lectures : 2707