VOIVOD - Negatron (Mausoleum/Hypnotic) - 08/03/2014 @ 23h11
Le Voïvode. D'origine slave, ce terme désignait à l’époque médiévale le commandant d’une région militaire en Europe centrale/de l'est. L'exemple le plus célèbre reste la dynastie des Basarab, princes de Valachie, dont s'est inspiré l'auteur irlandais Bram Stocker pour son roman Dracula. Il est d'ailleurs toujours d'actualité en Pologne (voïvodie = région, voïvode = préfet) et en Serbie (une région porte le nom de Voïvodine). Passé dans la culture populaire mondiale, le Voïvode a été adapté à moulte reprises sur différents supports. Son incarnation la plus singulière est issue de l'imagination de Michel Langevin dans les années 70s, l'écolier québécois faisant du chevalier vampire un guerrier de l'ère postnucléaire. Ce personnage deviendra par la suite un thème récurrent de son groupe. Egalement batteur, Michel 'Away' Langevin fonde Voivod à l'aube des années 80s, en compagnie du guitariste Denis 'Piggy' D'Amour, du bassiste Jean-Yves 'Blacky' Thériault et du vocaliste Denis 'Snake' Bélanger. Dans notre sphère musicale y a pas photo, les Québécois représentent mieux que quiconque l'archétype du groupe culte: honoré par ses pairs, salué par les critiques mais dont les ventes ne seront jamais à la hauteur de son impressionnante créativité. Maintenant un mot sur leur première décennie d'existence.

1982: Fondation de Voivod par le trio Away, Piggy et Blacky.
1983: Arrivée du vocaliste Denis 'Snake' Bélanger.
Enregistrement d'Anachronism, une Demo comprenant une majorité de reprises (dont Motörhead et Venom).
1984: Leur Demo To the Death séduit le fameux Brian Slagel, patron de Metal Blade.
Voivod participe à la compilation Metal Massacre V.
Sortie de War and Pain, un 1er album entre cyberpunk et thrash metal.
1985: Signature chez Noise records, label allemand abritant Kreator et Celtic Frost.
1986: Sortie du 2ème album: Rrröööaaarrr. L'agressivité s'accroit, mais la production est désastreuse.
Les Demos live et autres bootlegs se multiplient. Tournée US avec Celtic Frost.
1987: Sous la houlette de Piggy, leur cyberthrash se fait plus technique et complexe.
Sortie du 3ème album Killing Technology. Voivod tourne en Europe avec Kreator.
1988: Le groupe accouche (dans la douleur) de Dimension Hatröss, un album-concept ambitieux et expérimental.
1989: Signature sur le label Californien MCA. Sortie du 5ème album Nothingface (et sa reprise de Pink Floyd).
Leur cyberthrash s'efface au profit d'un metal inclassable, progressif et groovy.
Voivod voit sa notoriété grimper en flèche et tourne avec Soundgarden, Faith No More et Rush.
1991: Les tensions apparues pendant la conception de Dimension Hatröss atteignent le point de non-retour.
Blacky participe à l'enregistrement du 6ème album, l'accessible Angel Rat, puis quitte le groupe.
1992: Des problèmes contractuels empèchent les Québécois de tourner. Away développe ses activités artistiques.
1993: Sortie du 7ème album, The Outer Limits, comprenant une nouvelle reprise de Pink Floyd.
Le space rock progressif des Québécois culmine sur un titre de plus de 17 minutes: Jack Luminous.
Pierre St. Jean (futur Heaven's Cry) se charge des parties de basse en studio.
Martin Bolduc puis Gilles Brisebois prennent le relais en live.
1994: Piggy et Away souhaitent revenir à plus de spontanéité et d'agressivité. Partisan de l'évolution plus mélodique/progressive, Snake quitte le groupe à son tour. Voivod est alors au bord du split...

"On a beaucoup réfléchi et c'est vrai, la séparation fut envisagée. Mais vu le nombre d'idées que nous avions envie de développer, nous sommes tombés d'accord pour conclure que cela aurait été vraiment dommage!"
Michel Langevin (dans le n°20 de décembre 1995 de Hard n' Heavy)

"J'ai failli réorienter ma carrière vers l'animation sur ordinateur [via Softimage, une compagnie de FX ayant notamment bossé sur Jurassic Park de Steven Spielberg], puis suite à une étude de marché (...) je me suis rendu compte que je pouvais combiner les deux. Voivod étant respecté par l'industrie, nous avons pu obtenir des offres assez intéressantes." Michel Langevin (dans le n°13 de mai 1996 de Hard Force mag)

Etre fan de Voivod à cette époque devait être une expérience haute en couleurs, façon montagnes russes. De leur évolution stylistique en passant par les départs successifs de Blacky et Snake, la fan-base des Québécois a été soumise à rude épreuve. Mais en guise d'épilogue, Voivod a une fois de plus surpris son monde en ouvrant un nouveau chapitre de son histoire. Déterminés à évoluer sous la forme d'un power-trio, Piggy et Away recherchaient un musicien capable de cumuler basse et vocaux. Leur choix s'est porté sur un anglophone natif de Toronto:
Eric Forrest (ex-Liquid Indian). Certains 'fans' ne lui laisseront pas la moindre chance, réclamant un split ou un changement de nom sans avoir entendu la moindre note. A leur insu, ces détracteurs vont influencer le processus de composition et sa thématique. "Negatron vient de ma fascination devant la particule atomique du même nom, mais aussi de l'influence de tous les gens négatifs qui m'entourent." Michel Langevin (dans le n°1 de novembre/décembre 1995 de Metallian) Voyons donc ce que ce 8ème album studio a dans les tripes.

Concernant l'artwork, Michel Langevin poursuit ses travaux sur l'animation en 3D, le visuel de Negatron servant d'ailleurs de point de départ au clip d'Insect (grâce auquel j'ai découvert Voivod). Après s'être inspiré de la série Au Delà du Réel sur The Outer Limits, il planche avec Eric Forrest sur les théories conspirationnistes (si chères à X-Files). Le batteur nous en dit un peu plus: "Project X et Conspiracy forment une histoire en 2 parties sur un nouvel ordre mondial secret permettant à des citoyens d'être enlevés par des aliens en échange de la connaissance technologique. D'autres titres traitent des expériences de laboratoires faites sur des soldats comme Nanoman et D.N.A." (dans Metallian). De l'agencement des titres à la production, rien n'a été laissé au hasard sur ce 8ème opus. Méconnus, les techniciens impliqués ont assuré, à l'instar du fameux Eddy Schreyer au mastering (Dirt, Sound of White Noise et Burn my Eyes pour n'en citer que 3), offrant à Voivod un son absolument énorme.
A mon sens le maitre mot pour qualifier Negatron, c'est l'intensité.

Piggy nous offre ses 10 compositions les plus agressives depuis Killing Technology (1987), l'expérience et les moyens en plus. Pour être honnête, Negatron est tellement intense que j'ai souvent entendu dire que certains décrochaient avant la fin, lui reprochant une forme de linéarité. Peut-être le contraste avec son illustre prédécesseur était-il trop grand, les amateurs de la période progressive (que j'adore) n'y trouvant plus leur compte. Quoi qu'il en soit, les Québécois manipulent avec précision les différentes composantes de leur musique. Du supersonique Meteor à l'enfer claustrophobique du morceau Negatron (coucou Neurosis), il y a tout un monde que le désormais trio s'est amusé à combler. Vous aimez la vélocité (Nanoman, Reality?), les mid-tempo ravageurs (Insect, Project X, Bio-TV), les surprises [le morceau à tiroirs Cosmic Conspiracy ou encore la conclusion technoide D.N.A. (Don't No Anything) avec l'Australien J. G. Thirlwell de Foetus en guest] ? Tout y est. Sur ce 8ème album, Piggy délivre un travail non pas axé sur les mélodies et autres soli, mais sur les riffs et les arrangements.
Un temps d'adaptation est sans doute nécessaire, mais Voivod en vaut la peine.

Pour Away, si une expression plus appropriée que machine de guerre vous traverse l'esprit, n'hésitez pas à m'en faire part dans les commentaires. Sa prestation est proche de la perfection, à l'image de sa partition anthologique sur Nanoman (une tuerie ce titre, un véritable hymne). Depuis Nothingface (1989) la basse a pris une importance considérable dans le spectre sonore de Voivod. Le départ de Blacky en 1991 n'a pas changé la donne, c'est donc sans surprise qu'on retrouve une 4-cordes mise en valeur, notamment sur Project X, Negatron ou Planet Hell. Vocalement, Eric Forrest reprend avec brio le poste laissé vacant par Snake. Beaucoup plus agressif, il était bien l'homme de la situation pour un opus aussi intense que Negatron, ce qui s'est vérifié sur scène. Les accusations d'opportunisme, Michel Langevin les balayera d'un geste, estimant Voivod plus en phase avec son époque qu'à leurs débuts. Pour finir, un détail non négligeable intéressera les inconditionnels du groupe, à savoir que l'édition japonaise propose 3 inédits (Drift, Vortex et Erosion) en bonus.

Negatron est un bon album qui aujourd'hui me parait un peu sous-estimé, voir oublié. Pourtant des résurrections de ce genre, bien peu en sont capables. De plus, il n'a pas vieilli, c'est plutôt bon signe non?




Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2437


Auteur
Commentaire
Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 06h29 - (30630)
Je suis fan de VOIVOD depuis plus de 25 ans. Je n'ai jamais décroché. Je reste le même passionné à ce jour comme au premier jour. Voilà, tout est dit.



AnusFraicheur
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 08h17 - (30631)
J'ai découvert le groupe avec cet album et le clip d'Insect (peu ragoûtant) diffusé dans le Best Of Trash. Je suis très fan de la (courte) période Eric Forest et de cet album particulièrement dense qui m'avait fait l'effet d'un marteau-pilon. Et comme tu le dis, Forlorn, l'album n'a pas vieilli quasiment 20 ans plus tard.



Le Chef
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 09h58 - (30632)
Idem, découvert avec le clip et cet album qui fut mon tout 1er cd.
Il a forcément beaucoup d'importance à mes yeux.
Et puis l'album est franchement bon!



vsgreg
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 11h25 - (30633)
Très bonne chronique avec une chouette introduction sur le terme Voivode, c'est très cool.

Negatron est bien entendu un très bon album de Voivod. A mes yeux c'est le "Killing Technology" de la pariode avec E-Force, il laisse présager le fabuleux "Phobos" qui lui fera suite.

Les fans de Negatron pourront découvrir une version remix de Nanoman sur l'album "Kronik" ainsi que les 3 bonus tracks de la version japonaise dont parle forlorn (on se demande d'où vient ton pseudo ;-) ).

Dernière précision, A l'époque, la mode était au CD plus, la version US de l'album contient une piste CD-ROm avec le clip d'Insect, une interviews et quelques graphismes



drum7777
IP:82.237.178.94
Invité
Posté le: 09/03/2014 à 15h13 - (30634)
groupe hors normes et sans normes. voir le clip d'insect m'a remémoré de vieux souvenirs, de la nostalgie. Et je ne sais pourquoi j'ai toujours une faiblesse pour angel rat malgré son côté pop. J'aurai eu la chance de les voir 1 fois a rennes avant que le mister ne tire sa reverence. Curieusement nous etions plusieurs a chanter a tue tête sur le morceau the prow durant le show, faut pas chercher.

Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 22h35 - (30639)
Très bon album et le suivant aussi même si ma préférence va vers celui qui m'a fait découvrir le groupe "Nothingface"

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 22h58 - (30641)
Je me souviens aussi de ce clip, du jamais vu à l'époque. Mais non, plus de 20 ans que je persévère, je n'aime toujours pas Voivod. Super kro en tous cas.

matthieullica
Membre enregistré
Posté le: 12/03/2014 à 20h18 - (30645)
Idem que certains de mes compatriotes, groupe découvert avec le clip "Insect" dans Best Of Thrash...

Le clip a une longueur d'avance sur celui de "Links 234" de Rammstein.
(Par contre la 3D, technologie naissante à l'époque, a très mal vieilli.)

Parfois, je me demande si les pochettes n'ont pas refroidi nombre de metalleux qui n'ont pas retrouvé leurs codes dans les bacs.

Le dernier disque a été très plébiscité et l'on a pu lire nombres de commentaires désappointés quant à son oubli dans le référendum 2013.
Décidément le groupe a quelques chromosomes "Anvil" malgré sa persévérance.


kenlesurvivant
Membre enregistré
Posté le: 12/02/2017 à 01h54 - (31956)
Sans aucun doute a remettre dans le contexte de l'epoque et de son apparition, mais je lui ai toujours prefere Phobos de la periode Forrest.
Un album trop lineaire et sature sur la duree en dehors de quelques titres, qui le laisse interessant mais sans vraiment plus.

13/20



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