A l'échelle de l'underground, la réalisation d'un clip était un objectif ambitieux, à la limite de la quête du Graal. Pourtant une fois le financement trouvé et le tournage accompli, il restait encore un sacré défi à relever, celui de la diffusion. En 1996 le label allemand Nuclear Blast apportait une solution: Beauty in Darkness, une série de compilations éditée aux formats CD et VHS. Pouvoir découvrir en images certains de mes groupes de chevet représentait un incontestable progrès et je sautais sur l'occasion en achetant ma première videocompilation. Au programme de ce Volume 1 des Beauty in Darkness, 12 groupes pour 14 clips. Le dernier de la fournée, assez sommaire, présente une alternance d'imagerie religieuse, de plans du groupe en extérieur et d'extraits de concerts. Dynamique et remarquablement construit, le morceau mixe gothic rock avec chant à la Peter Steele (Type O Negative) et doom/death britannique avec growls (Paradise Lost époque Gothic/Shades of God), le tout saupoudré d'une légère influence orientale dans les harmonies de gratte. Ok ça m'intéresse.
J'ai pas dit leur nom? Substance for God.

Problème, cette nouvelle étape de leur parcours s'est révélée être leur testament. Le choix d'un morceau comme The Swan Song était donc tout sauf hasardeux... Soit, penchons-nous sur la carrière de cet éphémère groupe israelien. Tiens ça tombe bien, hormis les formidables Orphaned Land, le reste de la scène locale m'était totalement inconnu en 1996. Substance for God se forme à Tel-Aviv en 1992. Le quintet ne tarde pas à composer ses premiers morceaux et écumer les salles de concerts, ouvrant pour les vétérans de Salem (formés en 1985), Orphaned Land ou encore Tears. C'est dans ces conditions qu'ils enregistrent leur unique Demo, signant dans la foulée chez Brand New Entertainment (filiale d'Island records devenue label indépendant en 1995). En tout juste 2 ans d'existence, Substance for God est déjà en position d'enregistrer son 1er album. Leur ambition? Combiner leurs influences metal (l'école Peaceville) et gothique (The Sisters of Mercy, Bauhaus, Dead Can Dance...). Ce genre de déclaration était monnaie courante à l'époque (voir Tiamat, The 3rd & the Mortal, The Gathering, Theatre of Tragedy, etc). Voyons ce qu'il en est.

Enregistré à domicile en 1994, Assembly of Flowers se compose de 7 morceaux (dont 4 issus de la Demo) + une outro. Le quintet a fait appel à 2 musiciens de session: une discrète choriste nommée Orit et l'incontournable claviériste Itzik Levy. Impliqué dans Tears, ce dernier était aussi le 6ème membre non officiel d'Orphaned Land, apparaissant sur certaines photos promo et tous leurs enregistrements 90s (la Demo The Beloved's Cry, ainsi que les albums Sahara et El Norra Alila, sortis chez Holy records). Globalement la performance instrumentale de Substance for God est bonne, de même que le mixage, plutôt équilibré, même si la batterie manque de volume. Mais leur point fort c'est leur vocaliste, Alon Moradi, qui reproduit sans difficulté les growls du sieur Nick Holmes tout en switchant le moment venu avec le registre gothique dévoilé sur The Swan Song. Notez d'ailleurs que ce morceau n'est pas représentatif du reste de l'opus. C'est même le seul à faire preuve d'autant de caractère, les autres compos s'inscrivant dans un registre doom/death plus conventionnel. Gardez à l'esprit qu'il ne s'agit que d'un premier album. Allez un mot pour chacun.


1/ The Love I've Bereaved:
Doom en mode slow tempo. Seconde partie raffinée avec basse, piano/claviers et guitares acoustiques. Le chant féminin, trop frêle, est dispensable. Bon solo final. Démarrer son album par un titre aussi lent est un choix contestable, surtout quand le groupe enchaine avec un tube juste derrière.

2/ The Swan Song:
Notez que le clip est une version edit purgée de la conclusion doomysante présente sur Assembly of Flowers.

3/ Memorial Prayer:
Entame assez prenante avec leads tourmentés et growls semblant tout droit sortis de l'album Gothic. De vrais riffs et une atmosphère plus dark. Le chant féminin refait son apparition, cette fois de façon plus affirmée.

4/ Behind the Wreath:
Le feeling dark est conservé. Nouveau ralentissement du tempo. Break où la mélancolie s'exprime par le biais de leads, du piano et du chant féminin. Solo en tapping bien ficelé.

5/ Verse of Sorrow:
Très varié et assez proche de Crematory période Illusions. Entame intimiste avec claviers/piano, basse et acoustique. Partie centrale agressive focalisée sur les riffs et les growls. Conclusion intéressante combinant les différents éléments proposés. Clairement le meilleur morceau de l'album avec The Swan Song.

6/ Assembly of Flowers:
Typique de l'école Peaceville. Avec du chant clair plaintif, une basse utile mais un poil trop discrète et un bon solo 'mackintoshien'.

7/ Crowned Seclusion:
Nouveau titre dans la tradition Gothic/Shades of God. Composition jouant sur les changements de rythmes.

8/ The Promise:
Outro instrumentale reposant sur les claviers et les guitares acoustiques. Agréable.


Substance for God a sorti un album honorable laissant entrevoir un potentiel et des pistes intéressantes à explorer. Malheureusement les Israeliens n'auront jamais la possibilité d'évoluer et trouver leur personnalité. Aucun d'eux ne s'en relèvera. Reste ce one-shot qui plaira sans doute aux aficionados du doom/death tel qu'il se pratiquait il y a 20 ans (déjà). Si vous aimez les débuts de Paradise Lost et Crematory, Assembly of Flowers peut vous intéresser.



Assembly of Flowers en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=u0QMo8rlsGw .


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 1809