Les années 1995-1997 représentent une période faste pour le metal underground européen qu'on découvrait avec avidité en feuilletant les pages de Metallian et de nos catalogues VPC (qu'on bourrait d'annotations). Chaque mois charriait son flot de nouveaux groupes et d'albums amenés à devenir cultes. J'en parlais dans ma chronique d'Hirilorn, à cette époque la France s'est forgée une solide réputation en matière de BM. En 1997 notre scène a franchi un cap important, de nombreux groupes ayant sorti leur 1er album cette année là. Pour n'en citer que quelques uns: Anorexia Nervosa, Forbidden Site, Forest of Souls, Osculum Infame... Malheureusement certains challengers n'ont pas bénéficié du coup de pouce nécessaire à leur maturation, disparaissant à court terme faute de moyens et d'une plus large reconnaissance. Aujourd'hui je vais vous parler de l'un d'eux, découvert via la VPC Holy records (contre 30 francs + fdp). Il s'agit de Prophecy, groupe originaire de Blois dans le Loir-et-Cher. L'étiquette 'Ancient Dark Metal' m'a décidé à tenter le coup.

En cherchant des éléments pour étayer leur bio, j'ai eu 2 surprises. La première concerne leur ancienneté, Prophecy ayant été fondé en... 1988. La deuxième c'est qu'en dépit de leur split, une compilation a vu le jour en mars... 2013. Mais de celle-ci nous reparlerons plus tard, avant toute chose un mot sur leur décennie d'activité. N'ayant pas d'infos sous la main (ni interviews ni site officiel), difficile voir impossible de rentrer dans les détails. D'abord apparentés à la mouvance speed metal, les Blésois durcissent le ton à l'aube des années 90s, s'aventurant en territoire death metal. Il semble qu'au moins 2 Demos ont été enregistrées à cette période, Crucifixion et Per Signum Othala. S'en suit une période de remise en question à l'issue de laquelle Prophecy abandonne un death metal surexploité au profit d'un genre qu'ils baptisent Celtic Pagan Metal. De Darkthrone à Godkiller, de nombreux groupes ont suivi cette évolution à l'époque, du death vers le black metal. Notez donc qu'à l'instar d'Eviternity et Susscrofa (groupes à l'origine de Stille Volk), Prophecy fait parti des précurseurs du pagan metal en France.

En 1995 la Demo Gorsedd dévoile le nouveau visage du groupe. Le tempo s'est globalement ralenti, les claviers ont pris de l'importance et l'acoustique fait son apparition. Quant aux textes les Blésois piochent plus que jamais dans les mythologies celte et viking (l'Edda poétique a été traduit en français en 1992). Cependant une dernière étape attend Prophecy qui se retrouve bientôt réduit à l'état de duo. Tout repose désormais sur Christophe Sureau (guitares, basse, claviers, BAR & vocaux additionnels) et Etienne Van Acker (vocaux et claviers). Sortie en 1997, Jadis est la dernière Demo de Prophecy, chose que j'ignorais en en faisant l'acquisition. Livret en noir et blanc imprimé sur une face, K7 BASF copiée... bienvenue dans l'Underground. Le 1er constat à faire c'est le changement de logo (lettrage gothique) et le choix d'un visuel plus proche des illustrations des Livres dont vous êtes le Héros (coucou Moshi) que des gravures d'époque. Les paroles sont disponibles sur un feuillet séparé. A noter l'usage du français en alternance avec l'anglais sur Jadis... et Dawn of the Promethean Revolt.

Jadis comprend 6 titres, les traditionnelles intro/outro ainsi que 4 morceaux tous compris entre 6 et 8 minutes. Le duo blésois nous a concocté un dark metal épique au style spécifique. Au niveau des guitares, Christophe Sureau a le riffing épais et principalement mid tempo, mais il n'hésite pas à accélérer ou déployer des mélodies (leads, arpèges, acoustique). Cependant sur Jadis ce sont les claviers qui mènent la danse, avec des atmosphères pagan appuyées et un usage aussi inévitable que judicieux de la BAR, par ailleurs très répandue à l'époque (voir Your Shapeless Beauty et Godkiller). Mixés en avant, les vocaux d'Etienne Van Acker sont assez versatiles, même si principalement hurlés. Une certaine Laurence, déjà présente sur la Demo Gorsedd, leur apporte un peu de finesse. Certains se demandent peut-être pourquoi j'ai choisi de chroniquer Prophecy. Tout simplement pour rendre hommage à des musiciens (à l'époque jeunes et inexpérimentés) qui ont eu le courage d'innover et qui, à défaut d'être des bêtes sur le plan technique, possédaient l'essentiel, une vision musicale, un vrai feeling reconnaissable. Au jeu des comparaisons, les compositions de Jadis surclassent celles de Gorsedd, avec un style à la fois plus fluide, épuré et accrocheur.

Bien sûr il s'agit d'une autoproduction K7, mais la qualité d'écriture prévaut sur des limites financières ou techniques. Quelques longueurs se font parfois sentir, mais c'est globalement du bel ouvrage et semblable à de mini-épopées, chaque morceau possède ses qualités propres. Hormis poser les bases du style Prophecy en 1997, Gwenved - The Final Beatitude comprend une accélération centrale encadrée par des parties en mid-tempo, les breaks faisant la part belle aux vocaux. Mieux construit, K.R.N - For a Crown développe une atmosphère plus menaçante qu'épique, avec un tempo encore plus lent et pesant. Les mélodies sont accrocheuses, avec un travail de guitare plus subtil et complet (lead et acoustique). La BAR et la basse ont aussi un rôle plus (re)marqué. Jadis... est sans aucun doute le point d'orgue de cette Demo, avec un crescendo épique devant plus aux guitares qu'aux claviers. Une composition accrocheuse. Quant à Dawn of the Promethean Revolt, ce titre se distingue par son caractère mélancolique et son instrumentation repose presqu'entièrement sur les claviers/piano, les guitares n'intervenant que pour apporter un peu d'épaisseur et de mystère (les arpèges de fin). Quant aux vocaux c'est ici qu'ils sont le plus versatile, les passages bourru ou déclamatoire nuançant le propos (majoritairement hurlé). Pour les curieux n'hésitez pas à vous faire votre propre opinion via les liens ci-dessous.

K.R.N - For a Crown: https://www.youtube.com/watch?v=XgsQdzOPWYQ
Jadis (version 2013): https://www.youtube.com/watch?v=rEa3cMfXVTM

Qu'a-t-il manqué aux Blésois de Prophecy pour percer? Un patronyme moins galvaudé (23 groupes recensés sur metal-archives, sans parler du label allemand), une signature sur une structure à même de leur fournir budget et promotion à plus large échelle, des metalleux plus curieux. Toujours est-il qu'après une longue absence discographique, Christophe Sureau s'est remis sur les rails avec un nouveau projet solo, In Mortis Veritas, qui a sorti son 1er album en avril 2012 sur Exu Rei Records, avant d'éditer en mars 2013 une compilation nommée Heathen Years. Elle comprend les 2 dernières Demos de Prophecy, Gorsedd (1995) et Jadis (1997), ainsi que 2 morceaux issus de Per Signum Othala (1993). Ce chapitre est ainsi dignement refermé.

Exu Rei Records: site et facebook


Rédigé par : forlorn | 1997 | Nb de lectures : 1768