LED ZEPPELIN - IV (Atlantic) - 16/11/2013 @ 21h51
« L'époque était satanique. Les facéties de Led Zeppelin n'étaient guère plus que les petits jeux sadiques de jeunes artistes anglais lâchés à travers les États-Unis avec leur esprit pervers et leurs ressources financières illimitées. Si les membres du groupe établirent un critère de dépravation, de mystique, de luxure et d'excès impossible à surpasser par tous les ensembles de rock qui allaient tenter de les imiter, dans la froide lumière du jour ils se montraient tous on ne peut plus aimables, presque des gentlemen. Et il n'y avait aucun artifice. Ni entrée en scène, ni entracte, ni première partie obligatoire, ni chaussures à semelles compensées, ni mise en scène, ni danseuses, ni vaisseau spatial, ni sequins, ni baratin. Seulement quatre garçons et deux heures et demie de leur musique... Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones, John Bonham... Les quatre musiciens de Led Zeppelin ont enflammé et révolutionné le monde de la musique dans les années 1970. »
(Hammer Of The Gods – Stephen Davies).

Voici en quelques phrases résumées la formidable épopée « du plus grand groupe de hard de tous les temps ». N’en déplaise à ceux que cette assertion peut faire sourire après l’avènement des Metallica et autres Iron Maiden, il faut se replacer dans le contexte de l’époque pour en saisir toute la dimension.

Né à peu près en même temps que Black Sabbath et Deep Purple mais moins ouvertement grandguignolesque que le premier, plus « profond » stylistiquement parlant que le second, Led Zeppelin a très clairement posé les bases d’un hard rock couillu, racé, audacieux (voire progressif) et n’ayant pas peur des mots, subversif et génial. Formé d’un trio de musiciens virtuoses et d’un chanteur charismatique, le groupe anglais est arrivé à point nommé pour bouleverser la scène rock jusqu’alors archi-dominée par le duel Beatles/Stones. La recette semblait simple, elle en fut d’autant plus redoutable et efficace : en durcissant le son de ses guitares, en proposant des rythmes aussi lourds et syncopés que l’avancée d’une escouade de chars d’assaut sur des pavés, en mettant en avant le premier « screaming singer » surpuissant de l’histoire du rock (Robert Plant), le Dirigeable a renvoyé au Jurassique la pop rock matinée de blues de ses ainés et contemporains.

Mais Le Zeppelin, c’est d’abord et avant tout James (Jimmy) Patrick Page. Sans lui, Led Zep ne serait pas devenu le monstre sacré qu’il est aujourd’hui. De son avènement en tant que requin de studio à 16 ans seulement et ayant joué pour les plus grands (Stones-Beatles-Al Stewart-Joe Cocker), il fut par la suite l’ami intime de Jeff Beck et d’Eric Clapton à qui il succéda au sein du fameux Yardbirds, groupe éphémère mais ayant laissé une trace indélébile dans l’histoire de la musique moderne. C’est simple et vertigineux à la fois : au milieu des années 60, Jimmy Page n’était rien moins que le meilleur et incontournable guitariste de la place Londonienne où tout se passait en matière de développement et de renouveau du rock. Un renouveau que les trois premiers albums vont illustrer de la plus tonitruante des manières et se vendre comme des petits pains… empoisonnés !

Cependant, celui qui va faire entrer le groupe dans la légende est bien évidemment Led Zep IV. Ce fameux IV ou « Four Symbols » qui fut indubitablement son œuvre sinon la plus aboutie, en tout cas la plus acclamée et la plus vendue. On avance le chiffre de 50 millions d’exemplaire (dont 25 rien qu’aux U.S.A). Mais certains qui exagèrent sans doute affirment que l’on serait plus proche des 100 millions. Il est d’ailleurs assez impressionnant d’apprendre que depuis sa sortie, Stairway To Heaven serait l’un des 10 titres les plus joués par toutes les radios du monde et qu’avec ce seul morceau, les quatre musiciens auraient assuré leur avenir et celui de leur descendance. (3 évidemment depuis la mort de Bonham en 1980). Exagération ou vérité, peu importe ! Quand il s’agit de Led Zep, on ne mesure ni ses paroles ni ses rêves, fussent-ils surnaturels !

Que dire de cet opus qui n’a déjà été dit ? Chef d’œuvre du rock en général et du hard rock en particulier, il est l’album des superlatifs. Hormis ses chiffres de ventes astronomiques et ses 23 disques de platine, il présente tous les aspects du disque évènement. Pas de titre d’album, pas même celui de ses géniteurs, une pochette énigmatique et controversée, affichant des signes ésotériques à faire hurler les ligues de vertu chrétienne de l’époque. Le plus important, il contient de véritables perles musicales qui vont faire frissonner et se pâmer plusieurs générations de musiciens en herbes et plus simplement d’auditeurs groggy par tant de classe. Rock’N’Roll qui annonce déjà la mort du rock, Black Dog que tous les guitaristes du monde, débutants ou confirmés s’acharnent à reproduire et bien évidemment Stairway To Heaven qui ne s’explique ni ne se discute. On s’assied, on écoute et on en prend plein les oreilles.

Il serait pourtant réducteur de ne limiter cet album qu’à ces trois joyaux tant la majesté de Battle Of Evermore ou la profondeur de When The Leeve Breaks - que l’on doit autant à Page qu’à John Paul Jones son talentueux bassiste - témoignent d’une hardiesse peu commune dans l’univers de la musique dite « binaire » plongée ici dans le creuset des racines blues. Une merveille que l’on vous dit et foin d’autres commentaires fumeux.

Mais petit bémol à ce tableau enchanteur ; si cet album a apporté au groupe la notoriété qu’il méritait, il a aussi fini par lui faire ombrage. Une fois le statut d’immense rock star acquis, Led Zeppelin entrevoit et participe lui-même à son déclin par des débordements qui compliquent très largement la vie de son manager Peter Grant pour qui il devient difficile d’organiser une tournée qui ne se déroule pas sans « casse » ni extravagances en tous genres.

Sans parler de l’engouement avéré du groupe pour l’occulte qui finit par jeter le trouble sur son aura. Autant d’excès qui feraient passer la plus déjantée des formations métal pour une troupe d’aimables choristes. Et si aujourd’hui certaines de ces formations se croient le summum de la provoc ou du mauvais goût en matière de satanisme et autres comportements folkloriques du genre, qu’ils aillent se rhabiller. Led Zep et son mentor dieu de la six cordes était foncièrement bien plus démoniaques que la scène black réunie. Seulement, il n’en faisait pas étalage en arborant des maquillages outranciers ou des colifichets burlesques ! C’est sans doute pourquoi rétrospectivement il n’en apparaît que plus effrayant.

« Le règne des Seigneurs » aura duré 10 ans. Une décade de folies, de démesure, d’outrecuidance. Après ce quatrième album, le Zeppelin sortira quelques bons opus qui contiennent des monuments du hard. (Physical Graffiti et son immense Kashmir par exemple) mais qui n’atteindront jamais la notoriété de IV. En 1980, après un dernier album très décevant, John Bonham, cheville ouvrière du Marteau de Thor, rejoint le Valhalla laissant orphelin un trio d’hommes à peine sortis de l’adolescence et qui se demandent encore comment tout ceci fût possible. Et ce le fut grâce à la détermination de 4 gamins ivres de musique, habités d’une furieuse envie de bousculer l’ordre établi et de prouver au monde entier que le talent ne se mesure pas uniquement à l’aune d’une notoriété acquise dans l’effervescence d’une époque où l’histoire du rock écrivait ses plus belles pages.

Pour les amoureux du Dirigeable je recommande (entre autres) les lectures suivantes :
1) Cabala – Led Zeppelin Occulte de Pacôme Thiellement –
2) Hammer Of The Gods : La Saga Led Zeppelin de Stephen Davies –
3) Led Zeppelin : Des Ombres Plus Hautes Que Nos Ames de Charles R.Cross, Mickey Gaboriaud et Valérie Le Plouhinec.
4) LZ-75 : Les Chroniques Egarées de la tournée américaine de Led Zeppelin de Stephen Davies.



Rédigé par : Karadok | 1971 | Nb de lectures : 2089


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Commentaire
hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 16/11/2013 à 23h58 - (30161)
Musique géniale, album légendaire, mais...attention avis personnel qui n'engage que moi et je me fais rembarrer dès que je le dis, Plant est une véritable casserole. Et çà m'empêche toujours de savourer à fond ce skeud et le génie des Page, Jones et Bonham.

Si je me souviens bien de la lointaine lecture d'Hammer Of The Gods, à part au début, ils n'ont jamais sorti un single, c'est eux qui ont banalisé le 33t comme une oeuvre à part entière. C'est aussi une des seules pochettes qui ne contient aucune mention légale (mention de la maison de disques etc...).



Floyderz
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 09h08 - (30168)
Belle chronique en forme d'hommage à un mythe musical des plus fascinants...
Premier disque de Led Zep que j'ai écouté ado il y a une vingtaine d'année, 4 fût une baffe énorme. Mais ce n'est que plus tard que j'ai compris l'impact, l'importance et la magie de ce groupe.
"Rock'n'roll"...je pourrais écouter cette chanson toute la journée!
Malgré tout je préfère II, un peu plus roots à mon gout.
@Hammer: concernant Plant, perso il me fascine mais je comprends qu'on puisse ne pas aimer sa voix...Tant que ça ne te gâche pas la musique (et puis j'ai le même problème avec king Diamond, même si ça n'a rien à voir!)



Deadheads
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 12h11 - (30172)
Que dire... Pour moi et à ma simple connaissance (sans doute limitée) il existe 3 disques de cette grande époque synonymes de perfection musicale; à savoir Hendrix "Electric Ladyland", les Beatles "Abbey Road" et ce fameux "IV"...



pamalach
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 15h43 - (30177)
Superbe chronique Karadok ! Un disque que j'ai beaucoup écouté et qui possède, en plus de toutes les qualités mentionnées dans la chronique, une musicalité renversante et un son sombre et clair que peut de groupes ont été en mesure d'approcher.



LeMich
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 15h52 - (30178)
A Hammerbattalion, je suis un adorateur de Led Zep mais comme toi pas non plus hyper fan de la voix (parfois trop plaintive) de Plant.
Par ailleurs, je trouve le début de Stairway to heaven franchement niais (mais impeccable par la suite).
Mais, par conre, quelle baffe ce début d'album avec Black Dog et Rock'n roll...

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 16h10 - (30179)
Deadheads@ On peut aussi mettre un Pink Floyd à mon avis.

LeMich
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 16h49 - (30180)
Et Who's next...


Deadheads
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2013 à 16h50 - (30181)
Pas trop mon truc les flamands roses mais tu as certainement raison. Par contre j'ai oublié de mentionner "Master Of Reality" et je me flagelle à l'instant même ;)

GabinEastwood
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2013 à 08h50 - (30186)
Une chronique excellent, bon travail Karadok !

Pour moi le chef d'oeuvre absolu du groupe, si les autres albums ont des titres faisant office de remplissage dans celui-là il n'y a rien à jeter tout y est parfait et rondement mené.

J'ai découvert les anglais grâce à ce disque et je ne le regrette pas et puis que des morceaux immortels là-dessus.



Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 20/11/2013 à 14h57 - (30197)
Chouette chro.
Me concernant, Led Zep n'est pas le plus grand groupe de Hard (déjà Deep Purple ou Black Sab' les surpassent), je préfère le chant de Plant maintenant et le meilleur album du Zep est "Houses of the Holy" mais ce n'est que mon avis concernant ce fabuleux groupe.



tommy
IP:188.154.21.25
Invité
Posté le: 21/11/2013 à 23h32 - (30201)
Assimiler Led Zeppelin a du hard rock m'a toujours semblé terriblement réducteur compte tenu de l'extraordinaire versatilité du groupe. Car il n'échappera à personne que led zeppelin est surtout un grand groupe de folk pastoral. Cet album - leur meilleur à mon sens - témoigne, du reste, de leurs différentes facettes. La structure tripartite, à savoir black dog/when the levee breaks en intro et outro et stairway en pièce de résistance, donne une très grande cohérence à l'oeuvre.

manolo71
IP:86.213.184.39
Invité
Posté le: 10/12/2013 à 20h24 - (30305)
Bercé par Led Zeppelin, merci pour la chronique. Ah Plant m'a saoulé aussi, mais bon, quel putain d'album, quel groupe, génialissime

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