Le plus souvent, chroniquer consiste à répondre à un impératif promotionnel et/ou parler de ce qu'on aime. Mais parfois les raisons sont plus profondes et personnelles. En l'occurrence je tiens à honorer une formation qui n'a pas eu la considération qu'elle méritait et qui semble totalement oubliée depuis son split en 2007. Un groupe maudit oui. Si je vous dis:
- groupe allemand de metal prog
- formation dans les années 80s
- 1er album paru mid 90s
- révélé par Olivier Garnier via CNR
- a côtoyé Angra du temps de leur gloire chez nous
Vous penserez immédiatement à Vanden Plas et c'est... loupé, car ce descriptif correspond aussi point par point à Superior. Le seul tort de ce groupe bourré de talent a sans doute été son choix de patronyme. Voyant des trolls accourir au loin je nous débarrasse de ça de suite. Il ne s'agit pas de prétention de la part des Allemands mais d'une volonté de dépassement de soi, de progression.
Quoi qu'il en soit s'arrêter à ça reviendrait à passer à côté de l'essentiel: la musique.

L'histoire de Superior démarre en 1986 avec un éphémère groupe de speed metal basé à Grebenstein. Une Demo et puis s'en va. Seul leur batteur fera parler de lui en intégrant brièvement Holy Moses. En 1988 dans le Länder voisin, et plus précisément à Kaiserslautern, un autre groupe se baptise à son tour Superior. C'est bien eux qui nous intéressent. Leurs premières Demos [Moral Alliance (1989) et Bright a Night (1990)] n'échappent pas à l'influence d'Helloween devenu incontournable par le biais des fameux Keeper of the Seven Keys. Il faut attendre 1992 pour que les Allemands stabilisent leur line-up, le guitariste Bernd Basmer étant le dernier recruté. Entre temps le sextet s'est orienté vers le metal progressif, abandonnant les tempos effrénés au profit d'un style plus atmosphérique et contrasté. Leur 3ème et dernière Demo, Timeshift (1993), témoigne de cette évolution. Après une série de concerts à l'échelle locale, le temps est venu pour Superior de passer le cap de l'album complet. En 1995 ils entrent en studio, sollicitant l'aide de Robert Kolhmeyer (Vanden Plas). Autoproduits et autofinancés, les Allemands pressent leur album à 1 000 exemplaires qu'ils vendent à leurs concerts et sur internet (déjà). Leur savoir-faire ne passe heureusement pas inaperçu plus longtemps, Limb Music prenant leur destinée en mains. Toujours dans les bons coups, CNR se charge de distribuer et promouvoir Behind chez nous.
Ça y est le match est lancé.

Tombé sous le charme d'Angra au début de l'année et mis en confiance par les réactions unanimement positives de la presse française, je n'ai pas tardé à donner sa chance à Behind. Et bon sang je ne le regrette pas, quel album! La première chose que l'on remarque, c'est l'excellente production, à la fois claire et puissante. Quant au groupe, il est impressionnant de maitrise et d'assurance, sa technique étant au service de compositions gorgées de feeling. Chez Superior pas de surenchère instrumentale, Behind n'est pas un prétexte à une compétition de soli. C'est tout le contraire. Les Allemands s'attachent à développer émotions et atmosphères au sein d'un bloc de compositions homogènes, leurs morceaux ne dépassant que rarement les 6 minutes. Très proche de leurs compatriotes de Vanden Plas, Superior oeuvre dans un metal progressif riche et nuancé. Néanmoins leurs riffs ont plus de mordant et un rendu plus moderne qui les rapprochent des groupes US. Ce n'est pas du Pantera, mais le moment venu la paire Michael Müller et Bernd Basmer sort le gros son, à l'image de l'excellent Hades. A l'autre bout du spectre, leurs nombreuses parties acoustiques sont de toute beauté (voir Tomorrow's Eve ou la ballade Dreamtime).
Mais si leur travail lead est irréprochable, ce n'est pas ce qu'on retiendra de Behind. Etonnant non?

Quant à l'abondance de piano/claviers, elle séduira sans peine les amateurs de Savatage. A noter que Jan-Marco Becker et le guitariste Michael Müller se partagent le boulot. Behind ne sonne jamais mièvre ou pompeux, pas une seule faute de goût n'est à déplorer, chaque note est à sa place. Impossible de ne pas citer la géniale intro de Why dont la mélancolie s'estompe au profit du coeur du morceau, autrement plus pêchu, ou encore le crescendo émotionnel d'Until the End, le titre de clôture façon Angra. Qu'ils envahissent l'espace ou restent à l'arrière plan, les claviers ont toujours une raison d'être et un impact certain (je bloque sur les couplets de Tainted Silence par exemple). Quelques samples discrets achèvent de compléter le panorama (Dial 911). Puisque j'ai déjà cité Savatage, au temps vous parler de Michael Tangermann, qui m'évoque Zak Stevens. Au programme donc un registre plus grave et surtout moins maniéré qu'Andy Kuntz ou André Matos. A l'instar de ses camarades, le chanteur apporte beaucoup de variations. Côté placement et dynamique c'est aussi impeccable (voir Total Void).
A noter sa performance sur Tainted Silence où il va chercher les aigus apparemment sans effort. Faut-il y voir un hommage à Queensrÿche? Le groupe de Geoff Tate faisant partie de leurs influences, ça se pourrait.

Concernant la section rythmique, le bassiste Martin Reichhart et le batteur Thomas Meyer ne sont pas en reste et nous régalent. Très carrés et bien en place (Dial 911), lorsqu'il s'agit de mettre la musique de Superior en valeur ils prennent leur tour avec enthousiasme. Fredrik Thordendal apprécierait sans doute l'excellent final démonstratif et groovy de Hades. Sur Escape From Reality, dont le break est digne d'une BO de film, Thomas Meyer sort les percussions, tandis que Martin Reichhart conclut le morceau avec un super passage de basse slappée.

En résumé, ni faiblesse ni temps mort pour Behind qui dévoile l'énorme potentiel de ce sextet allemand. A la faveur de ce 1er opus, Superior s'est hissé dans le peloton de tête d'un metal prog européen en plein essor. La suite des évènements, plus aventureuse et personnelle, sera bien au delà des espérances. Elle sera Younique.





Rédigé par : forlorn | 1996 | Nb de lectures : 1919