En 1993, le microcosme du Black Metal était secoué par la tragique destinée d'Euronymous, qui, en plus d'être un fervent croyant catholique ardu défendeur de l'eucharistie, était aussi le boss du trve label 'Deathlike Silence Production'. Sa disparition retardera évidemment la parution du premier opus d'Enslaved, album enregistré en 1993, mais dont la sortie sera décalée au printemps 1994.

Sauf qu'à l'époque, je n'avais pas la moindre idée de tout ceci.
Car, à cette époque, je secouais la tête en rythme sur du Smashing Pumpkins en faisant semblant de jouer avec un truc ressemblant à une guitare Playskool © virtuelle. Vous imaginez donc aisément ma surprise lorsque j'entendis pour la première fois 'Vikingligr Veldi'...
Je ne vous ferai pas l'affront de décrire cet album d'un point de vue musical, tout blackeux se respectant connaît un tant soit peu Enslaved et ses albums. Ah, non ? Bon. Eh bien, en gros, et sans prétendre pouvoir me substituer à ne serait-ce qu'un orteil paint-corpsé de Prince de Lu, Enslaved, sur son premier album œuvre dans un « Viking Black Metal » racé, puissant et progressif. 5 titres pour 50 minutes, les Norvégiens prennent le temps de construire leur morceaux, peut-être un peu trop. Avec des riffs épiques, étirés et parfois franchement violents ou rapides. Avec des tempos allant du Mid-tempo lourd et froid, jusqu'à l'hystérique Blast-beats typiquement Black. Avec ce son froid et sourd, mais assez clair cependant. Et surtout avec ces hurlements glaçants de Grutle Kjellson, aigus et écorchés, véhiculant totalement cette haine misanthropique.
Un pur album de Viking Black, un peu longuet, mais déjà avec une réelle personnalité, et une efficacité noire et prenante.

Mais à 13 ans, la perception n'est pas du tout la même. Premier album de Metal extrême à se confronter avec ma vision musicale de l'époque, 'Vikingligr Veldi' va me faire l'effet Kiss Cool, mais avec un impact décuplé que même des publicitaires cupides ne pourraient imaginer. C'est bien simple, la première fois je n'ai même pas pu écouter l'album en entier. Véridique. Conseillé, à l'époque par un type de chez O'Cd avec qui j'accrochais bien (il devait voir en moi le potentiel pigeon), et buvant ses paroles comme Cobra devant un Saint-Graal remplie de glaires d'Alex Camargo, je me suis donc empressé d'acquérir la bête. Et, ai donc attendu plusieurs mois, avant de pouvoir l'écouter en entier. Oui, j'avoue. J'ai mis du temps à l'apprivoiser, à me familiariser à cette violence crue et froide. J'y allais petit à petit, un titre un jour, un autre titre 3 jours plus tard. Je me souviens même avoir copié sur une K7 le titre ''Vetrarnótt', plusieurs fois à la suite. Et je n'écoutais que ce titre, le soir dès que je rentrais du collège.
Mais, le temps passant, les "Citrouilles" ou autres Nirvana faisaient de plus en plus pâle figure à côté de ce condensé d'extrême et de violence musicale dont je distillais les écoutes, et dont l'aura augmentait sans cesse. Un peu comme une chose précieuse, unique, qu'on n'ose pas consommer en une fois, de peur d'en perdre l'essence même.

Et, une fois mes oreilles habituées à cette production rauque et étouffée, et à cette violence musicale exacerbée, cet album deviendra ma bible musicale, ma drogue auditive. Époque bénie des lecteurs MiniDisc et de l'expansion d'Internet via les modem 56kbit/s, les années 1995/2000 seront pour moi l'époque "Metallian" des découvertes extrêmes en tout genre, et où cet album d'Enslaved fera office pour moi de véritable ''mètre-étalon', m'aidant quelque peu à appréhender mes découvertes métalliques. Mais même les grands 'Enthrone Darkness Triumphant' ou 'Transilvanian Hunger' n'arriveront jamais, étrangement, à atteindre l'impact et la puissance qu'aura eu 'Vikingligr Veldi' sur moi. Normal, on garde toujours un souvenir particulier et intime de sa première fois...

Cette entrée dans l'univers du Metal Extrême revêt encore pour moi un caractère particulier. Si aujourd'hui j'ai bien heureusement délaissé cette musique répétitive pour pandas velus misanthropiques, pour me tourner, Satan merci, vers des contrées Grind plaisantes et brutales, je conserve toujours parfaitement ce sentiment particulier, cette aura, ce côté ''mystérieux' et presque inaccessible qu'avait alors 'Vikingligr Veldi' à mes jeunes yeux d'amateur.
Cet album restera à jamais pour moi le symbole même de la violence et de la noirceur, impression sans aucun doute faussée par mon absence de recul et de connaissance à l'époque, mais impression néanmoins toujours aussi tenace.


Rédigé par : .::Ju::. | 1994 | Nb de lectures : 2120