ICED EARTH - Something Wicked This Way Comes (Century Media) - 17/11/2012 @ 21h45
Nous sommes nombreux à pouvoir en témoigner, l'entrée dans les années 90 n'a pas été simple pour notre 'famille' musicale. Décrété vilain petit canard en sursis par des commerciaux 'visionnaires', le metal était en réalité confronté à une explosion de créativité sans précédent. Face à cette avalanche de nouveautés, les genres dits 'traditionnels' ont très vite été relégués à l'arrière-plan, pour ne pas dire à la poubelle. En France le heavy metal a quasiment disparu des écrans, aidé en cela par la presse qui, mine de rien, a mis un bon gros couvercle sur un créneau hâtivement jugé périmé. Un véritable blackout que je situe plus ou moins entre la sortie du Fear of the Dark d'Iron Maiden en 1992 et le carton inattendu d'Angra avec Holy Land en 1996. Pourquoi en parler? Parce que ce préjudice, que beaucoup attribuent à tort à la scène alternative, a coûté cher à bon nombre de formations valeureuses. L'exemple le plus flagrant? Mettre 10 ans avant de réaliser les qualités de Nevermore. Un autre collègue de label, lui aussi américain, a connu un traitement similaire: Iced Earth.

Difficile pour un ado de découvrir un groupe qui n'a pas de couverture médiatique à une époque où internet et même les samplers n'existaient pas. Pas d'interviews et de trop rares chroniques, c'était le lot d'Iced Earth chez nous. A la sortie du brillant The Dark Saga, j'avais été intrigué par son visuel, croisé dans un numéro de Hard Force. Choisir Spawn, antihéros créé par un Todd McFarlane en pleine bourre, c'était inhabituel mais ça me parlait, ayant bouffé un bon paquet de comics étant gamin [principalement Marvel, avec les Spiderman, les Strange spécial origines... un peu de D.C. aussi avec Batman, etc]. Cela ne suffira pourtant pas à me faire franchir le pas. 2 ans plus tard je retrouve Iced Earth dans un fameux numéro de Metallian. Cette fois c'est la totale: interview du groupe, Something Wicked This Way Comes consacré album du trimestre, et le fameux morceau Melancholy (Holy Martyr) en ouverture du sampler. La presse metal généraliste s'y met aussi. Ça y est, la roue a tourné.

Fondé à Tampa en 1985 par le guitariste rythmique Jon Schaffer, Purgatory se renomme Iced Earth 4 ans plus tard. Leur style? Un power metal de caractère flirtant avec le thrash. Reste à Jon Schaffer à trouver LE chanteur capable d'exprimer à la fois la puissance, l'agressivité d'Iced Earth, ainsi que son riche pannel émotionnel. C'est chose faite en 1993 avec l'arrivée du fantastique Matt Barlow. Si pendant sa première décennie d'existence le groupe passe peu ou prou inaperçu, sa progression est constante, inexorable. Les changements réguliers de section rythmique n'ont pas d'incidence sur la motivation ou l'orientation d'Iced Earth. Jusqu'à cette période 1996-1998 qui apporte son lot de bouleversements. En effet le groupe quitte sa Floride natale pour s'établir dans l'Indiana. Alors en dépression le batteur Brent Smedley est contraint de laisser (temporairement) sa place au technicien de studio Mark Prator, déjà à l'oeuvre sur The Dark Saga. Co-auteur de nombreux titres et membre d'Iced Earth depuis 1988, le guitariste soliste Randy Shawver jette l'éponge, laissant Jon Schaffer seul aux commandes.

Les évènements de cette période sont révélateurs de la détermination et du degré d'implication des membres d'Iced Earth. Dans le sillage de son leader, le groupe place la barre de plus en plus haut, ce qui explique en partie les bouleversements de line-up à ce moment-là. Certes succéder à un album-concept aussi réussi que The Dark Saga n'a pas été chose facile, mais cette mauvaise passe sur le plan humain va permettre à Iced Earth d'atteindre des sommets de puissance et d'émotions avec ce nouvel opus. Notez qu'entre-temps Jon Schaffer s'est attelé au réenregistrement des 2 premiers albums avec Matt Barlow au chant (qui a réécrit certains textes), donnant naissance à la double-compil': Days of Purgatory.

(...) Nous avions été obligés à l'époque d'adapter notre musique à l'histoire que nous voulions mettre en scène. Something Wicked est plus heavy, plus sombre également, mais nous avons parallèlement concentré tous nos efforts sur les mélodies. (...) On a envie d'inviter notre auditoire à partager notre goût pour les belles harmonies, les effets d'ambiance et les atmosphères. On aime bien aussi jouer avec les oppositions de style.
Jon Schaffer dans le n°40 de juin 1998 de Hard n' Heavy

En créant le personnage 'The Watcher', Travis Smith offre à Iced Earth une identité iconographique forte dans la lignée du Eddie d'Iron Maiden. Côté production, si le groupe a déménagé dans l'Indiana, il n'en est pas moins retourné en Floride pour enregistrer au Morrisound. On notera qu'en plus de leur avoir donné un gros son bien moderne, Jim Morris se charge des claviers, du solo de guitare de Watching Over Me et assure des choeurs. Après que dire... avec Something Wicked, Iced Earth nous offre un panel exhaustif de ses capacités en se sublimant dans tous les domaines. Matt Barlow n'a jamais aussi bien chanté et nous offre une véritable démonstration de maîtrise, passant de l'agressivité à la puissance lyrique sans oublier les moments intimistes. Une performance d'autant plus marquante que ses prestations scéniques seront à l'avenant. Des hymnes tels que Melancholy et Watching Over Me achèvent de faire de Matt Barlow l'un des meilleurs vocalistes de sa génération, au même titre qu'un Warrel Dane.

Outre sa bête de scène à l'incroyable tignasse rousse, l'autre signe distinctif, la griffe Iced Earth, c'est la qualité de ses parties de guitares. Non content d'être un excellent compositeur, Jon Schaffer est aussi un redoutable guitariste rythmique. De nos jours nombreux sont ceux qui misent sur la technique et la vitesse d'exécution. Chez Jon Schaffer les maîtres mots sont rigueur et efficacité. Des speederies thrash de Disciples of the Lie au riff sabbathien de Reaping Stone en passant par l'hommage à Maiden sur l'instrumental 1776 (avec flûte) et les parties acoustiques des power-ballads (les rapprochant de Queensrÿche), vous ne trouverez nulle trace d'approximations ou de remplissage, chaque note est à sa place. Un vrai festin qui nous rappelle que c'est ça le Metal avec un grand M, des morceaux construits sur des riffs solides, le tout surplombé d'un grand chanteur. Quant aux soli, ils sont assurés par une sympathique jeune recrue: Larry Tarnowski.

Le très tatoué James MacDonough (futur/ex-Megadeth) forme avec Mark Prator une section rythmique en béton. On notera que le bassiste a coécrit le sabbathien Reaping Stone et tient une place importante dans la fameuse trilogie de clôture: Something Wicked. Autre gimmick bien connu des fans du groupe, Iced Earth propose en effet depuis son 1er album un titre épique en guise d'apothéose. Au fil du temps ce titre s'est étiré jusqu'à dépasser le quart d'heure (Dante's Inferno sur Burnt Offerings) pour finalement devenir trilogie (The Suffering sur The Dark Saga). Iced Earth parachève son oeuvre de façon magistrale, en témoigne l'impressionante The Coming Curse, composition à tiroirs riche en arrangements (piano en intro, choeurs lyrique en conclusion).

Avec ce 5ème album Iced Earth nous propose son enregistrement le plus abouti et le plus varié, une réussite totale qui de surcroît paraît au bon moment, 1998 étant l'année du retour en force de la scène heavy/power. Son succès retentissant (à l'échelle mondiale) achève de faire de Something Wicked This Way Comes un classique, le meilleur album d'Iced Earth dans sa formation la plus emblématique. Ajoutez-lui son pendant live: le triple-album Alive in Athens et vous obtenez une démonstration de heavy metal conciliant traditions et modernité. Incontournable.


Rédigé par : forlorn | 1998 | Nb de lectures : 2112


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Commentaire
vincesnake
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2012 à 22h03 - (28404)
Un véritable chef d'oeuvre ! Merci pour ce sympatique flashback, un disque parfait de bout en bout.



Joss
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2012 à 23h32 - (28407)
Encore une belle chronique ! De mon côté j'avais découvert Iced Earth avec Days of Purgatory (une baffe) puis j'avais fait l'impasse sur cet album et avait pris le triple live ensuite. Du coup je n'ai découvert ce disque que très récemment (enfin j'en connaissais plusieurs titres, grâce au live justement) et effectivement c'est un vrai chef-d'œuvre !




gardian666
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2012 à 23h34 - (28408)
Le premier Iced Earth que j'ai écouté, il y' a maintenant 6-7 ans, et je rejoins une fois de plus les propos de Forlorn. D'ailleurs, le groupe ne fera jamais aussi bien après, même si "Horror Show" n'est pas déplaisant.

Plein de tubes, de grands moments d'émotions, un Barlow magistral, des riffs de fou et un final grandiose !

Cependant je ne sais toujours pas si c'est le I.E. que je préfère, j'ai une admiration totale pour la doublette "Night of the Stormrider/Burnt Offerings". (d'ailleurs je connais assez mal "The Dark Saga", il serait temps pour moi de l'avoir).



Kairos
IP:90.19.145.193
Invité
Posté le: 17/11/2012 à 23h34 - (28409)
Iced Earth à son meilleur! même si je préfère Night of the storm rider et Burnt Offerings, en terme de renommée, c'est avec cet album que Iced earth connaitra son heure de gloire.
le morceau d'ouverture est énormissime et l'album referme une des meilleures composition du groupe avec "Prophecy".
et comme le dit le chroniqueur, un des meilleurs compositeurs doublé d'un riffeur hors pair, un des plus grands chanteur dans sa cathégorie, et on a un des meilleurs album de heavy metal des années 90.

Joss
Membre enregistré
Posté le: 17/11/2012 à 23h36 - (28410)
Ha oui et j'oubliais, le premier paragraphe est tellement vrai...

wasted
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 01h40 - (28413)
Je vais être honnête c'est avec ce même sampler Metallian que j'ai connu cet album et tout simplement ICED EARTH. Ce fameux "Melancholy (Holy Martyr)" m'aura donc permis de découvrir ce fabuleux album, parfait de bout en bout. Un véritable chef d’œuvre de power/heavy totalement indispensable au même titre que le triple live d'anthologie qui a suivi. Cela reste également pour moi le dernier album d'ICED EARTH digne de ce nom. Sans même évoquer la mascarade des dernières années aux chanteurs interchangeables, "Horror Show" m'avait profondément déçu.



Papa Julz
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 13h04 - (28423)
Merci Forlorn pour ton super travail de contextualisation (manque juste, peut-être, une référence à Blind Guardian qui avec Iced Earth et Nevermore formait un putain de trio). Personnellement, j'avais découvert Iced Earth avec The Dark Saga auquel je n'avais tout de suite adhéré. Avec Something Wicked This Way Comes, j'ai tout de suite accroché et ensuite j'ai pu m’approprier leur discographie. Le triple live est quant à lui pour moi, un des meilleurs live métal. Je les avais vu au Pez-Nerf de Villeurbanne avec Sentenced en première partie. On était pas nombreux, mais le groupe c'est donné à fond. Pour moi, c'est sur cette tournée que Iced Earth a connu sa meilleure incarnation live (pas forcément techniquement, mais certainement d'un point de vue cohésion de groupe). J'ai l'impression que la presse métal française de l'époque (sauf Metalian) est passé à côté de 3 groupes à leurs sommets respectifs :
-Iced Earth pour Something Wicked This Way Comes
-Nevermore pour Dreaming Neon Black
-Bind Guardian pour Imaginations From The Other Side.

Sinon, encore merci Forlorn pour cette excellente chronique qui m'a ramené à une super période de ma vie.



Kairos
IP:90.19.145.193
Invité
Posté le: 18/11/2012 à 13h50 - (28425)
Metallian avait donné la note maximale a dreaming neon black et placé l'album en sélection. pour les album de Iced Earth et Blid gardian, je n'ai pas de souvenirs précis, a part une interview de John Shaffer qui date de something this way comes

Joss
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 14h40 - (28426)
y a des albums qui n'ont pas eu la note maximale dans Metallian ? :op

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 15h15 - (28431)
C'est ta kro la plus aboutie Forlorn et tout métalleux de cette époque peut s'y retrouver. Cet album m'a fait renouer avec le heavy, que j'avais complètement délaissé pour du bourrin, quelle claque!!!! le mélange parfait entre Master Of Puppets et Powerslave, et Barlow est un dieu.

Pour moi, on ajoute A Question Of Heaven en milieu d'album et on a simplement l'un des trois ou quatre meilleurs albums heavy de tous les temps.



Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 21h58 - (28438)
C'est aussi avec le titre sur le sampler Metallian qui m'a fait découvrir cet album (je connaissais déjà le groupe de nom) et je crois que c'est le seul que j'aime toujours autant. Et qui tient aussi bien la route ;-)

Belle chro comme d'hab' avec Forlorn



grozeil
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 22h07 - (28439)
Faudra un jour que je me décide à jeter une oreille sur ce groupe, j'en suis resté au tout premier album découvert à sa sortie, et j'avais pas vraiment accroché. Mais mon petit doigt me dit, quasi 20 ans après, que le groupe a certainement évolué... :D

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 18/11/2012 à 22h28 - (28440)
grozeil@ ouais leur premier album est leur seule grosse faute de parcours en fait bizarrement (le chanteur était un poil à la ramasse).

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 20/11/2012 à 01h05 - (28450)
@ gardian : Je classe The Dark Saga en n°2 pas loin derrière Something Wicked, tu devrais l'apprécier.

@ wasted : Sans être aussi radical je pense qu'on est nombreux à partager ton point de vue, même si leur triple-live d'anthologie et leur album de reprises valent le détour.

@ papa julz : Merci pour ton com'. J'avais envisagé de citer les sorties heavy/power de l'année mais j'ai renoncé. Sinon outre le fait d'être européen, Blind Guardian ne partage pas cette agressivité, ce côté sombre et torturé qu'on retrouve chez Nevermore et Iced Earth. Mais il n'est pas impossible que Nightfall in Middle-Earth soit prochainement chroniqué... ;)

@ joss : En fait Metallian est passé d'un extrême à l'autre. A leurs débuts (en France) j'étais régulièrement incrédule à la lecture de certaines 'chroniques'. Le Orchid d'Opeth s'était pris un 2/6 (plus mauvaise note du mag) dans le numéro 2 par exemple.

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