DREAM THEATER - A Change of Seasons (Eastwest) - 27/10/2012 @ 21h52
Venons-en au fait, « A Change of Seasons » est un morceau écrit à l’origine en 1989 qui aurait dû figurer sur leur second album, « Image and Words », si leur maison de disque n’en avait pas décidé autrement. Du fait de sa durée (23min06s) et de sa haute sophistication, le morceau fut longtemps écarté de leur répertoire studio et voué à une existence exclusivement scénique. La major qui employait Dream Theater, avide de faire exploser son poulain commercialement parlant, lui freinait un tant soit peu sa liberté artistique. Le succès et la pression des fans aidant, ce titre parut finalement sur cet EP en 1995. Et comme Dream Theater ne fait jamais les choses à moitié, le disque fut agrémenté de quelques reprises bien senties. De ce fait, on peut considérer cet album comme une œuvre divisée en 2 parties bien distinctes.

Le 31 janvier 95, le groupe s’est produit au Ronnie Scott’s Jazz Club de Londres pour un concert sobrement intitulé « Uncovered ». Un show spécial où de nombreux invités prestigieux accompagnaient Dream Theater sur des classiques allant de la Pop au Metal en passant par l’hommage inévitable aux monstres sacrés du Rock Progressif. Ce sont des morceaux de ce concert qui furent ajoutées au « tracklisting » du disque mais seulement les reprises sans les invités afin de garder une certaine cohérence, que cela reste un album de Dream Theater à 100%. Et justement commençons par la pièce maîtresse de l’EP, véritable point d’orgue du disque, le morceau titre « A Change of Seasons ».

Le titre est divisé en 7 actes et son enregistrement marque les débuts discographiques du claviériste Derek Sherinian (ex-Alice Cooper) le remplaçant de Kevin Moore depuis la tournée « Waking Up the World » fin 1994. Les différentes parties composées de passages chantés et d’autres purement instrumentaux, s’enchaînent sans que jamais la lassitude ne se fasse sentir. Le savoir-faire des musiciens traduit leur capacité à nous tenir en haleine jusqu’à la dernière note. Les parties du guitariste John Petrucci alternent avec précision les arpèges et les rythmiques entraînantes dans de multiples ambiances envoûtantes. En outre, le musicien n’hésite pas à expérimenter sur des enchaînements d’accords dissonants et torturés comme dans les plans de shredding notamment lors de la phase solo. La progression d’accords souligne la bonne complémentarité entre la guitare et la basse pleine de feeling de John Myung, dans une atmosphère irréelle instaurée par les claviers de Derek Sherinian. Concernant ce dernier, on peut dire qu’il tire son épingle du jeu avec aisance pour créer des ambiances intimistes où des passages plus orchestraux servent la beauté et la richesse de cette composition. Le batteur Mike Portnoy exécute ses parties avec précision variant son jeu subtil au gré des tempos et sait redonner du punch en appuyant les rythmiques plus agressives. Les apparitions au chant de James Labrie ne sont pas en reste et apportent de l’émotion sur de très beaux couplets changeant de tonalités à diverses reprises pour mieux conter les textes empreints de poésie.

Pour la 2ème partie, l’exercice du « track by track » me semble être le plus pertinent pour l’occasion.

« Funeral for a Friend - Love Lies Bleeding » est tiré de l’album « Goodbye Yellow Brick Road », d’Elton John. Sorti en 1973, ce disque fait partie des classiques du Rock et représente toute une époque où la luxure et l’excentricité cohabitaient dans un environnement créatif et sans limites. Comme sur l’album original, les 2 titres ne font qu’un et servent d’intro sur une symphonie laissant peu à peu sa place à un Rock énergique et spectaculaire. Le piano est évidemment bien présent et James Labrie n’a aucun mal à rentrer dans la peau du « personnage ».

« Perfect Strangers », bien sûr, jouer du Deep Purple est un passage quasi obligé dans la carrière d’un groupe de Metal Progressif, mais reprendre un morceau qui date de 1984 soulève quelques interrogations. Pour l’anecdote, les membres de Dream Theater avaient déjà eu l’occasion d’interpréter ce titre en compagnie d’un certain Bruce Dickinson lors d’une émission de radio qu’il animait. L’orgue du regretté Jon Lord est parfaitement retranscrit dans une version très proche de l’originale mais ce qui frappe avant tout c’est qu’on croirait vraiment entendre Dickinson au micro. Leur rencontre a dû laisser des traces, ce n’est pas déplaisant !

« The Rover - Achilles Last Stand - The Song Remains the Same », est un medley de chansons pas forcement piochées parmi les plus populaires de Led Zeppelin, mais pas inintéressantes pour autant. Même chose que pour Deep Purple le choix est étonnant néanmoins la période allant de 73 à 76 regorge aussi de bonnes trouvailles et d’arrangements subtils. En y repensant, on comprend pourquoi les albums « House of the Holy » (1973), « Physical Graffiti » (1975) et « Presence » (1976) sont aussi bien représentés et nous rappellent que l’influence du dirigeable est considérable.

« The Big Medley », représente l’éventail le plus progressif de ce concert et démarre symboliquement par « In the Flesh » de Pink Floyd, le majestueux titre d’ouverture d’un des plus grand concept-album de l’histoire : "The Wall" (1979). Cette symphonie annonce une longue suite tout aussi passionnante qui n’en finit pas de nous surprendre notamment avec le riff pêchu de « Carry on Wayward Son » (1976) de Kansas. Le « Bohemian Rhapsody » (1974) de Queen est aussi revisité et même si on l’a tous entendu jusqu’à plus soif, il faut avouer que ce refrain fait toujours son petit effet. Ensuite le medley enchaîne sur un morceau qui a marqué l’histoire de Dream Theater et en particulier celle de son chanteur. C’est sur « Lovin, Touchin, Squeezin » (1980) de Journey, une chanson au format piano-rock que James Labrie auditionna avec succès pour le poste qui l'a rendu célèbre. Quand « Cruise Control » (1977) de Dixie Dregs déboule, la folie créatrice est à son comble sur des plans déjantés et des claviers psychés du meilleur effet. Un groupe composé d’un certain Steve Morse à la guitare, qui était justement présent à ce concert et intégrait Deep Purple à la même époque. Notons que Dixie Dregs est connu aussi pour avoir utilisé les services du claviériste Jordan Rudess avant qu’il ne devienne membre de Liquid Tension Experiment et enfin Dream Theater. On en arrive au final avec « Turn it on Again » (1980) de Genesis et là aussi le choix de reprendre un titre de la période Phil Collins est surprenant mais conclut ce medley en beauté.

Même si « A Change of Seasons » n’est pas à proprement parler un album à part entière, il n’en demeure pas moins une œuvre importante dans la carrière de Dream Theater. Certes, on peut regretter l’absence de titres repris avec les invités (en cherchant bien sur You Tube vous trouverez quelques extraits de ce concert dont l’improbable version du « Damage Inc » de Metallica avec Barney de Napalm Death au micro, ou l’émouvant « Easter » de Marillion en compagnie de Steve Hogarth et Steve Rothery, entre autres) pour la partie « Covers ». Le morceau titre s’inscrit dans la grande tradition des longues fresques épiques chère aux fans de Progressif et en devient à son tour une référence. Un véritable cadeau pour les fans !




Rédigé par : vincesnake | 1995 | Nb de lectures : 2482


Auteur
Commentaire
EmPeReUrSoUrIsSiStE
Membre enregistré
Posté le: 27/10/2012 à 23h19 - (28304)
Concernant le morceau titre, c'est du grand art et il justifie à lui seul l'achat de l'EP. D'ailleurs, de nombreux artistes se seraient contentés d'un morceau de 23 minutes pour un EP.

Pour les reprises, c'est du remplissage agréable. C'est toujours distrayant d'entendre des reprises. Mais le tout aurait été encore meilleur avec les invités (Dream Theater feat. Barney Greenway, c'est quand même culte).

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 02/11/2012 à 14h56 - (28322)
Assez surpris du manque de retours sur cette kro... C'est DREAM THEATER quand même...

Je ne connaissais le groupe que de réputation à l'époque et ce qui m'a conduit à prendre cet EP (qui n'en est pas un vu sa durée)... c'est son petit prix.

Le morceau-titre est fantastique et justifie à lui seul son achat. Je conseille fortement d'aller jeter un oeil sur youtube (ça doit se trouver) à son hallucinante version live issue du DVD Metropolis 2000: Scenes from New York.

Concernant les reprises, rien d'ultime, mais DT nous donne une bonne occasion de parfaire notre culture musicale. J'ai ainsi pu découvrir des titres de Kansas, Journey et Dixie Dregs. Tout bénef. Après comme dit plus haut la présence de guests aurait donné du relief et renforcé l'intérêt de l'EP.



forlorn
Membre enregistré
Posté le: 26/02/2014 à 18h59 - (30612)
Quel meilleur argument pour inciter à découvrir ou commenter A Change of Seasons l'EP que de proposer leur performance du morceau-titre joué en intégralité (et tiré du DVD Metropolis 2000: Scenes from New York).

rimbe
IP:90.29.145.102
Invité
Posté le: 15/06/2014 à 22h17 - (31000)
La quintessence du Metal prog, un véritable modèle du genre. Ah ! si seulement ils avaient pu garder cette qualité d'écriture.

gaspode
Membre enregistré
Posté le: 16/06/2014 à 09h26 - (31001)
Merci pour la ré-exposition. Je l'avais raté.

C'est très appréciable d'avoir le background sur ce titre (je ne savais pas qu'il avait originalement été écrit en 89!)

phil barney
IP:77.242.202.234
Invité
Posté le: 19/06/2014 à 11h58 - (31005)
Le premier truc que j'ai acheté d'eux (malgré une pochette qui n’est pas des plus attrayante :P) et qui m'a rendu sacrément accro par la suite ! ACOS est un chef-d'oeuvre absolu, effectivement initialement écrit en 89 mais dont la version était beaucoup moins aboutie que celle-là, on est content d’avoir attendu 6 ans ! Un groupe au quasi-sommet de sa forme avec beaucoup d’inspiration et une technique au service du morceau. Ca rend nostalgique, évidemment, surtout quand on écoute le naufrage du dernier album en date. La version du live à new-york est fabuleuse : un orgasme de près de 25 minutes !

ChildOfFlames
IP:90.121.78.12
Invité
Posté le: 16/09/2014 à 23h15 - (31177)
Inlassable, la chanson-titre est un pure chef-d'oeuvre, ni plus ni moins.

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion






Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site

Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs. S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos

Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker