THE GATHERING - Mandylion (Century Media) - 25/08/2012 @ 20h06
Du rock progressif de naguère au metal contemporain, les musiciens néerlandais se sont régulièrement distingués par le caractère pionnier et avant-gardiste de leurs groupes. The Gathering en est l'un des exemples les plus probants. Le recrutement de la merveilleuse Anneke van Giersbergen en 1994 leur ouvre les portes du succès critique et commercial. Le gang des frères Rutten, désormais référentiel, va ainsi devenir le chef de file d'une véritable école hollandaise (Orphanage, Within Temptation à leurs débuts...). Un succès mérité tant ces explorateurs discrets, affables et à la créativité débridée n'ont de cesse de faire évoluer leur musique, le tout avec classe et naturel. L'Europe entière tombe sous le charme d'Anneke (notamment à l'occasion du légendaire Dynamo Open Air '96). Cet amour passionné, inconditionnel, va permettre au groupe de s'éloigner des rivages de la scène qui l'a vu naître sans avoir à souffrir de la désaffection ou des critiques des metalleux réputés intransigeants. Mais aujourd'hui retour sur l'origine du succès de The Gathering et sur l'album qui a tout déclenché, le fameux Mandylion.

L'année 1994 est déterminante pour eux. Libérés de leur contrat calamiteux avec Foundation 2000 (qui en profite pour remixer Always la même année) les Néerlandais peuvent reprendre leurs affaires en mains, à leur idée et surtout à leur rythme. Hans Rutten, batteur et porte parole de The Gathering, s'est par la suite largement répandu dans la presse sur l'erreur de casting concernant les vocalistes à l'oeuvre sur leur 2ème album. En effet Niels Duffhues et Martine van Loon (future/ex-Orphanage) avaient été choisis sous la pression de leur désormais ex-label. Cette fois le groupe ne se prend pas la tête, peaufinant le virage musical entamé avec Almost a Dance. Les growls et les reliquats de la scène doom/death de la période 1989-1993 ont définitivement disparu au profit d'un style plus raffiné, atmosphérique et mélodique. Et c'est ainsi que le quintet se retrouve avec assez de matériel pour enregistrer un nouvel album. Reste à trouver la perle rare. C'est justement elle qui nous raconte:

A l'époque je faisais partie d'un groupe de jazz-folk bluesy et quelques musiciens de The Gathering ont assisté à l'un de nos concerts. Ils m'ont demandé de participer à une audition. Je ne l'ai pas fait, mais ils m'ont rappelée et je me suis rendue à leur local de répétitions... Et ça a marché! (rires)
Anneke van Giersbergen dans le n°25 de juin 1997 de Hard Rock mag

Conquis par leur nouvelle recrue les Néerlandais choisissent de tourner définitivement le dos au chant masculin qui dominait leur début de carrière. La musique étant déjà écrite avant son arrivée, Anneke van Giersbergen s'appuiera dessus pour écrire ses textes et composer ses lignes de chant. Dans le même temps The Gathering décroche enfin un contrat digne de ce nom avec l'une des écuries les plus en forme du moment: Century Media. Et c'est ainsi que le groupe se présente début juin 1995 aux fameux Woodhouse studios de Siggi Bemm & Waldemar Sorychta, un tandem venant de s'illustrer, entre autres, sur Wildhoney, le chef-d'oeuvre absolu de Tiamat (dont je vous parlerai bientôt). Lorsque la presse metal généraliste découvre le 'produit fini', elle se trouve déstabilisée par le caractère novateur de cet album hors-norme. L'usage des claviers et d'un chant féminin exclusif n'étant pas encore rentrés dans les moeurs de la planète metal, les réactions seront assez timides. Une timidité qui fondra comme neige au soleil face aux chiffres de vente et à l'enthousiasme des chanceux ayant pu assister aux trop rares concerts donnés par le groupe à cette époque.

Etant avide de nouvelles expériences sonores et connaissant The Gathering depuis la réédition d'Always parue en 1994, j'étais impatient de découvrir le résultat, un résultat qui s'est révélé être bien au-delà de mes espérances. Dès les premières mesures de Strange Machines le constat est net, les progrès des Néerlandais sont impressionnants et ce dans tous les domaines. Les compositions sont plus riches et mieux structurées, les contrastes plus marqués entre les rythmiques doomisantes et les passages éthérés, la production rend le tout beaucoup plus consistant et le chant irrésistible d'Anneke envoie directement The Gathering au panthéon du metal. Hormis le chant, ce qui fait la force de Mandylion c'est la cohésion des 5 musiciens. Chacun trouve sa place et contribue de façon significative à la réussite de cet album majeur. Pourquoi majeur? Parce qu'il fait partie de ces albums qui nous ont ouvert de nouvelles perspectives et ont contribué à enrichir notre scène musicale.

Si quelques gros riffs tirent leur épingle du jeu (Strange Machines, Eléanor, Fear the Sea), ce sont bien les mélodies et les divers arrangements qui se taillent la part du lion. René Rutten et Jelmer Wiersma, la paire de guitaristes, nous régalent d'arpèges, de leads et autres soli du plus bel effet, et nous entraînent loin au-dessus des nuages, vers le terrain de jeu d'un certain Pink Floyd, dont la communauté metal n'a pas fini de s'inspirer (demandez à Anathema et Tiamat). Selon moi un groupe qui intègre son bassiste au processus de composition, qui lui laisse de la place pour s'exprimer (comme sur In Motion #1 et #2), est sur la bonne voie. The Gathering est de ceux-là. J'ai toujours beaucoup apprécié le jeu et l'attitude de Hugo Prinsen Geerligs, porté sur le feeling et la joie de vivre. Le garant du rythme Hans Rutten, à l'instar de son bassiste, dégage aussi un enthousiasme lié au plaisir de jouer. Ses parties carrées et limpides m'auront permis adolescent de mieux cerner les bases de son instrument. A noter que sur le morceau-titre (un instrumental aux dimensions ethnique et spirituelle véritablement digne de Dead Can Dance) il utilise différentes percussions telles que le tambourin et des clochettes.

Quant au claviériste Frank Boeijen, sa palette sonore, plus actuelle, s'est nettement étoffée. Si l'on pouvait trouver à redire par le passé, il est ici irréprochable et complète à la perfection l'oeuvre mélodique de ses compagnons. Nombre de ses interventions sont mémorables comme sur l'enrobage et le break d'Eléanor, ses parties de piano sur Sand & Mercury, sans oublier les différents samples et la dimension symphonique qu'il donne à certains passages. Ce n'est pas un hasard si les responsables du Metropol Orchestra ont décidé d'adapter certains morceaux de Mandylion. Ces versions placées sur des singles aujourd'hui épuisés sont désormais disponibles sur la double compilation Accessories - Rarities & B-Sides que j'en profite pour recommander à tous les fans de The Gathering... et aux autres. Un dernier mot sur Anneke. La qualité de son chant vient de sa facilité à nous communiquer ses émotions, de son caractère chaleureux, enthousiaste et lumineux. L'incarnation de la féminité dans ce qu'elle a de plus séduisant. Mandylion ou le début d'une belle, très belle histoire...


Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2829


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Commentaire
vincesnake
Membre enregistré
Posté le: 25/08/2012 à 21h31 - (27952)
"La qualité de son chant vient de sa facilité à nous communiquer ses émotions,(...) L'incarnation de la féminité dans ce qu'elle a de plus séduisant".

J'aurai pas dit mieux !

Un chef d'oeuvre que je vais m'empresser de réecouter.

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 12h59 - (27958)
Toujours bien documenté Forlorn, je préfère Nighttime Birds un peu plus profond à mon goût.



nocturnus1977
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 13h20 - (27960)
chouette album... même s'il me rappelle une période sombre de ma vie

très écoutable...

malgré d'énormes différences, je lui trouve certaines similarités avec le projet Portal de Cynic ou Aghora



dimmu77
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 13h46 - (27963)
un album qui figure dans mon top 10, voir top 5,inégalable que ce soit au niveau des compositions ou bien du talent d'Anneke, la plus jolie voix que le metal ait connu :)

mon 1er concert de The Gathering pour la tournée "Nightime birds" au Club Dunois restera gravé à jamais dans ma mémoire ( bah oui j'avais pas encore mon super APN ^^ )



gardian666
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 13h52 - (27964)
Non ce n'est pas de la lèche, mais encore une fois, chronique excellente Forlorn. Surtout pour ceux (comme moi) qui n'ont pas connu cet album dans son contexte d'origine, toute la partie historique est bien détaillée et parfaite pour connaître les origines de ce chef d’œuvre.

Et pour ce qui est de l'appréciation et l'analyse de "Mandylion", je rejoins à 100% ce qui est écrit, notamment pour la production qui rend merveilleusement justice aux compos !
Et puis les paroles sont pour la plupart très touchantes, celles de 'Eleanor' en tête pour moi.



kairos
IP:90.19.143.247
Invité
Posté le: 26/08/2012 à 16h03 - (27967)
J’aime beaucoup ce groupe, et à titre personnel, ce n'est qu'a partir de How To measure a planet.
Mandylion et Nightime birds me sont pénibles à l'écoute et me font l'effet d'un bon somnifère.
malgré ça je ne nie pas l'impact de ces deux albums sur la scène metal, mais je trouve la suite bien au delà en terme de qualité.

AssDeath
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 16h41 - (27968)
Très bon album effectivement, mais balayé quelques années plus tard par How To Measure A Planet, l'un des chef-d'oeuvre du groupe. Ouais, ils se permettent d'en avoir plusieurs !



soft
IP:83.141.167.109
Invité
Posté le: 26/08/2012 à 19h03 - (27972)
Album essentiel !!!
mais quand on y réfléchit, nightime birds l'est presque autant non ?
et how to measure a planet, quel chef d'oeuvre!!

bref, toute leur période "Anneke" est un chef d'oeuvre...

grozeil
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2012 à 21h40 - (27977)
Mouais, suis un gros fan de Gathering (enfin à partir de cet album là, parce qu'avant, c'était quand même archi mauvais) et je suis assez partagé sur la chronique et sur ce disque.
Je me rappelle de quand j'ai mis l'album sur la platine, j'ai eu un gros choc en entendant les vocalises de la chanteuse, pour moi c'était un truc que je n'avais jamais entendu jusqu'alors. Du coup, j'ai adhéré d'entrée, mais j'ai toujours pensé que la musique n'était pas trop à la hauteur, à cette époque là du moins : c'est lourdaud, pataud et sans finesse. Heureusement que la Anneke rattrape la sauce à tous les coups par ses vocalises enchanteresses (en lisant que l'instrumental est digne de DCD, j'ai cru m'étouffer avec mon kougloff... arf, heureusement que DCD n'a pas produit de titre aussi chiant, parce qu'ils n'auraient jamais passé le stade du 2ème album!). Je comprends que cet album puisse paraître culte pour certains (et il l'a été pour moi aussi à une époque) mais ce qui est arrivé par la suite dans la carrière de Hollandais a, pour moi, carrément occulté cet album et Nightime Birds.
Sinon, comme tous les autres ici, les chefs d'oeuvre du groupe sont pour moi à chercher du côté de How to Measure a Planet (surtout), et dans une moindre mesure Souvenirs, et Black Light District.
Par contre, le mauvais côté des choses, c'est que cet album a engendré des vocations et des groupes dont on se serait bien passé (ha lala, Pale Forest, c'était quelque chose, pfiiiiou...).
En tout cas, j'ai très très hâte de lire ta kro de Tiamat! ;)

PS : toute petite faute dans la kro, c'est Almost A Dance et pas "At dance" ;)



soft
IP:83.141.167.109
Invité
Posté le: 27/08/2012 à 01h50 - (27980)
ah ben comme quoi, on a pas tous le même avis...
pale forest c'était bien cool je trouve. et puis c'est plutôt une bonne chose d'influencer toute une scène.
et puis DCD a aussi son lot de chansons chiantes.


Bras cassé
Membre enregistré
Posté le: 27/08/2012 à 05h10 - (27981)
Excellente kro Forlorn, riche, detaillee et tres juste. Beau boulot, comme d'hab.

J'ai aussi decouvert The Gathering avec cet album qui a boulverse ma vie musicale a cette periode et m'a fait tombe amoureux de la belle Anneke. Tout est dans cet album, et meme si je lui prefere Nighttime Birds, c'est une vraie belle piece musicale riche, novatrice et tout en charme et subtilite

grozeil
Membre enregistré
Posté le: 27/08/2012 à 09h17 - (27984)
Pour Pale Forest, je me souviens d'un set live assez catastrophique, ça a peut être influencé ma pensée (mais de toute façon, l'album ne m'avait ni chaud ni froid, surtout comparé à The Gathering justement) ;)

soft
IP:83.141.167.109
Invité
Posté le: 27/08/2012 à 11h49 - (27985)
Pale forest c'est effectivement bien plus froid que The Gathering, normal ils sont norvégiens ^^
et puis leur album n'était ni bon ni mauvais, le mini cd dont le nom m'échappe était bien mieux.
Mais ils ne soutiennent pas la comparaison avec The Gathering, aucun doute là dessus

Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 27/08/2012 à 21h48 - (27988)
Ce disque est tellement merveilleux que le reste de leur discographie sonne comme de la merde en comparaison.



RBD
Membre enregistré
Posté le: 15/11/2012 à 23h52 - (28400)
Ouf ! La chro' évite de se focaliser trop sur Anneke van Giesbergen ! Non pas que je méprise son exceptionnel organe ; mais c'est que cet album l'est aussi – exceptionnel – grâce aussi au reste du groupe qui avait eu largement le temps d'acquérir une certaine maîtrise et s'est surpassé. C'est un croisement extraordinaire entre le Metal, Pink Floyd et Dead can Dance, comme c'est légitimement mentionné. Encore fallait-il un talent de composition harmonique ET mélodique pour mener tout ça au sommet, ils l'ont fait. Certains passages offrent des airs qui seront toujours bouleversants avec quelque instrument qu'on les joue (voyez la seconde partie de "Sand and Mercury"). À mon goût, le Metal Atmosphérique à chant féminin est vraiment né par cet album.

C'est un groupe que j'ai beaucoup vu avec Anneke sur la période plus Rock (notamment celle avec Pale Forest qui ne m'avait pas subjugué), mais je me souviens notamment d'un "Eleanor" exhumé qui avait pulvérisé le Rockstore.




forlorn
Membre enregistré
Posté le: 16/11/2012 à 00h29 - (28401)
@ RBD: Si The Gathering a bel et bien popularisé ce créneau dit du "metal atmosphérique à chant féminin", la paternité revient plutôt aux Norvégiens de The 3rd and the Mortal (chroniqueS à venir) avec leur fameux 1er EP "Sorrow" paru en 1994 (mais qui se trouve être une réédition de leur Demo de 1993).

grozeil
Membre enregistré
Posté le: 22/11/2012 à 23h21 - (28457)
@ RBD : j'étais là, pardi!!!

RBD
Membre enregistré
Posté le: 23/11/2012 à 13h27 - (28459)
1 : Le terme de "naissance" peut se contester, certes. J'ai tendance à l'employer abusivement pour désigner le moment de la réussite artistique incontestable atteint par un groupe ou un genre.

2 : Je ne sais pas comment ça se faisait mais The Gathering passait systématiquement au Rockstore dès qu'ils faisaient une tournée européenne, j'ai dû les voir quatre fois entre 1999 et 2006, ce souvenir doit remonter à la deuxième.

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