Quand j'associe les termes 'groupe culte' et 'metal français', je me retrouve invariablement embarqué dans la DeLorean de Marty McFly direction les années 1994/95. Avec des groupes tels que Proton Burst et Supuration, ma découverte de la scène metal française aura été haute en couleurs. Mariant le doom/death à des influences gothic/cold wave, développant des concepts ambitieux où la psychologie humaine se trouve confrontée à un environnement futuriste et hostile, sans parler de leur identité visuelle, le quartet originaire de Valenciennes avait évidemment plus d'une arme pour se distinguer, d'autant plus qu'à l'époque, sorti du carré Loudblast/Agressor/Massacra/No Return, il n'y avait pas grand chose à signaler.

Fondé en 1989 sous le nom d'Etsicroxe, le groupe se renomme Supuration l'année suivante. 1990-1992 sont des années de rodage au cours desquelles les Français enregistrent une poignée de demo/promo/rehearsal ainsi que 2 EPs. Le tout finira sur une compilation (judicieusement nommée 90/92) parue en édition limitée par Repulse en 1995 puis rééditée en décembre 2004 par Holy records dans un digipack remasterisé agrémenté d'un DVD. A l'issue de cette période la chrysalide est devenue papillon et les metalleux incrédules n'ont pas tardé à découvrir le résultat de cette maturation. Leur 1er album The Cube fera sensation à sa sortie en 1992 et ce à l'échelle internationale. Supuration aura notamment l'honneur d'ouvrir pour Suffocation sur leur tournée européenne.

Décidé à battre le fer pendant qu'il est chaud, Supuration enchaîne avec cet EP: Still in the Sphere. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve le tandem Michel Stanziano et Bruno Objoie qui leur concocte une production puissante et claire, mettant en valeur les compositions. L'artwork est à nouveau l'oeuvre du bassiste Laurent Bessault, co-auteur du concept de The Cube. Avec son vert qui te pète à la gueule ce digipack se repérait d'assez loin dans les bacs héhé. Still in the Sphere se compose de 5 morceaux: 3 inédits, Variation on Theme 4TX.31B, une nouvelle version du titre présent sur The Cube et une reprise du Shout de Tears For Fears.

Les nouveaux morceaux [The Crack, The Cleansing et Back From the Garden] sont indéniablement plus riches et aboutis que leurs prédécesseurs. Les frères Loez ont développé les contrastes, les breaks sont plus nombreux, les mélodies plus franches et le batteur Thierry Berger insuffle à l'ensemble une patate que je n'ai plus retrouvé par la suite (même si je concède avoir un peu perdu le fil sur leurs sorties récentes). Ludovic Loez développe son chant clair, de plus en plus présent, et l'alternance avec les vocaux death fait merveille. Ça deviendra leur marque de fabrique, leur principal signe distinctif.

Je pourrais me perdre en superlatifs tant j'apprécie ces 3 compositions, j'insiste vraiment sur leurs qualités. Tout fan de Sup(uration) se doit de les écouter, d'autant que seulement 3 des 5 morceaux de Still in the Sphere sont présents sur la réédition 1998 de The Cube par Holy records. Si la reprise du Shout de Tears For Fears ne manquera pas à tout le monde, je m'insurge contre l'absence de l'inédit Back From the Garden et son putain de riff. Les parties de gratte de Ludovic et Fabrice Loez sont géniales, écoutez le break! Et la section rythmique Laurent Bessault/Thierry Berger n'est pas en reste. En plus c'est probablement mon titre préféré de l'EP avec la relecture de 4TX.31B.

Justement parlons de Variation on Theme 4TX.31B. Cette version est magnifique, elle sublime l'originale. Le corps du morceau est principalement acoustique et développe une atmosphère singulière, mélancolique, intimiste, voir par moment inquiétante. Le chant clair de Ludovic Loez et le travail sur les arrangements d'Alex Reitzman (le 5ème homme en studio) achèvent de faire de cette version l'un des meilleurs titres de Sup(uration) toutes périodes confondues et je pèse mes mots.

Quant à la reprise du Shout de Tears For Fears... j'aime Sup(uration), j'aime la new-wave et Tears For Fears mais... ce morceau a trop souvent été repris et je l'ai trop souvent entendu. C'était déjà le cas à l'époque alors maintenant... Et puis il y a un certain feeling, une unité dans les morceaux précédents que cette reprise vient casser. Certes le travail accompli est intéressant mais j'avoue que j'ai rapidement pris le parti de la zapper. Il aurait mieux valu que les Nordistes reprennent un autre morceau dans le même esprit que leurs compositions du moment, afin de conserver l'unité et l'impact de cet EP.

Sup(uration) est une fierté nationale, l'un des meilleurs groupe de metal français et ce Still in the Sphere (qui n'a pas vieilli même s'il s'est fait oublier) l'une de leurs meilleures productions. Si vous avez la chance de croiser cet enregistrement, ne faites pas l'impasse, c'est un indispensable.


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2878