Vous connaissez Kreator ?
Vous connaissez le crossover ?
Vous connaissez le mélange des 2 ?

Déboulent dans cette section des albums "oubliés", des perles quasiment jamais évoquées lorsqu'on parle des '80s, des albums difficilement trouvables même à cette époque, à un temps où Internet n'existait pas, où les découvertes étaient jalousement gardées entre potes, où chacune d'entre elles faisaient l'honneur d'un enregistrement sur une "Maxell chrome de 45 mns x2"...

Déboule ici donc le premier album de EROSION "Mortal Agony", dont on se demande bien lors de l'achat en vinyle s'il s'agit du titre de l'album ou du nom du groupe ou l'inverse, le placement des 2 étant quelque peu sujet à hésitation.

Nous avons là un album bourré d'énergie, à la production touffue et pleine de ressources, avec des refrains crachés à l'ancienne (comprendre avec des backing vocals à la façon Bay Area).

Les morceaux sont tantôt speed ("False Prophets" aux paroles intelligentes, "Way Of Force"), extrêmement lourds (le riff terrible de "Aftermath" digne du break de "Creeping Death" niveau puissance, vous savez, avec les "Die, Die" en concert pour les jeunots, l'instrumental "Paralysed"), ou les deux à la fois. L'influence de Voivod se fait parfois sentir ("Into The Void"), mais le thrash barré d'EROSION est quand même bien allemand, avec quelques touches crossover que ne renierait pas les leaders du style, le Kreator de "Terrible Certainty" ou Cro-Mags en tête. Quelque peu alambiqué parfois, mais jamais dénué d'énergie, tous les morceaux font mouche, les speederies jouissives ("False Prophets" encore) sont légion, et les breaks sont souvent mostrueux d'originalité, de surprise, mais toujours d'efficacité. Chaque musicien est à sa place, et si l'album sera une vraie surprise en 1988, d'aucuns reprendront la formule plus tard (Municipal Waste, Toxic Waste, toute la vague crossover de l'époque, et même le Voivod de "Negatron") avec moins de technique. Eh oui, techniquement, on se situe dans les hautes sphères du thrash, les structures des chansons étant d'un bon niveau : les cassures, les contretemps font leur apparition ("Nuclear Frost" au hasard) revendiquant ici l'école We Bite Records, et l'influence du Voivod de cette époque.

Et la voix, mon Dieu, la voix : On croirait un Martin Walkyier (Sabbat, Skyclad, The Clan Destined) qui aurait bu du Jack Daniels ou du Talisker et qui aurait mué trop rapidement en Chuck Billy, la bave en plus ! Bref, de la pêche à revendre, digne d'un maraîcher du Tarn et Garonne en été !

Je conseille à chacun de poser une oreille sur ce skeud terrible de cette époque, difficilement trouvable, je le concède, mais tellement jouissif (décidément!) dans son rendu.

Alors, foncez, car EROSION, s'il a su évoluer vers un techno-thrash quelque peu hermétique avec son second album "Thoughts", tentera de réediter la performance avec son troisième "III", avec moins de réussite, et l'effet de surprise en moins.




Rédigé par : SABBAT71 | 1988 | Nb de lectures : 2266