DEFTONES – White Pony (Maverick) - 19/05/2012 @ 20h24
Ce début de siècle fut celui de Deftones, sans aucun doute ; qui, après deux albums réussis, a sorti avec "White Pony" l’album de la maturité, et même plus encore.
Le nouveau millénaire tout juste entamé, une fois rassuré par l’échec des prédictions foireuses de "voyants" qui l’étaient tout autant, l’année 2000 a débuté dans un déluge de notes avilissantes et répugnantes.
Rappelez-vous, en juin 2000, la France était envahie par la médiocrité : Saïan Supa Crew et son rébarbatif ‘Angela’ martyrisait les oreilles des plus jeunes, déjà peu épargnés par le naïf ‘Moi... Lolita’ d’Alizée ; les fans des années 80 se morfondaient sur la reprise de ‘Ces soirées-là’ du pseudo-rappeur Yannick, tandis qu ‘It’s my life’ de Bon Jovi faisait chavirer les cœurs des jeunes demoiselles émotionnellement limitées.

Autant dire qu’au milieu de ce bordel sonore, et de ces ignominies culturelles, le Neo Metal, style alors en pleine reconnaissance médiatique, et qui aujourd’hui nous paraît ridicule, était une réelle bouffée de "violence" sonore.
Et, au milieu de tout ça, Deftones va frapper un grand coup, en délaissant la facilité et les tendances du moment, pour proposer un album novateur et personnel. Symbole de l’indépendance artistique du groupe, point de départ de ce qui deviendra ensuite le "Style" Deftones (©).

Je me souviens encore très bien ce de jour de juin 2000, où j’ai acquis ce sésame, sans une seconde imaginer l’impact de cet album sur mes oreilles. Je déambulais alors au Virgin Megastore des Champs-Élysées. Mon lieu de prédilection de l’époque où j’allais me noyer dans les découvertes et fouillages dans les bacs à disques, jusqu’à 1h du mat chaque vendredi soir. Etudiant, je me baladais toujours avec un carnet où je notais précieusement tous les artistes et albums découverts, ou brièvement écoutés.
Et ce soir de juin 2000, "White Pony", sorti depuis peu, était exposé, comme il se doit, en milieu d’allée. Deftones était déjà un groupe connu, mais bénéficiait surtout du soutien (financier et médiatique) de Warner, par le biais de Maverick Records. Et dans le temple de la musique, "White Pony" trônait en tête de gondole, avec écoute intégrale au casque. Le Metal au sens large était, alors, encore bien présent chez les disquaires.
Je me même souviens avoir longuement hésité sur la couleur du Digipack en plastique rigide (noir ou rouge ?), je me souviens avoir emporté un exemplaire de chaque, et m’être décidé uniquement au moment où je passais à la caisse. Ce fut noir.

Encore marqué par l’énergie et la violence d’"Adrenaline" et "Around the Fur", je mis un peu de temps à m’imprégner du Poney Blanc. La première écoute me laissa interloqué. La seconde me rendit dingue, et les suivantes accro.
Outre l’évolution artistique, "White Pony" tranche tout d’abord avec ses prédécesseurs dans son approche de la violence. La rage se manifeste différemment, par de subtiles explosions à peine contenue. Seuls deux morceaux ‘Elite’ et ‘Korea’ sont réellement violents, bardés de riffs enragés, presque HardCore, et permettant à Chino Moreno de martyriser ses cordes vocales avec ses hurlements déchirés.
Le reste de l’opus, tout en ambiance et en suggestion, illustre donc un changement radical : via un son moins gras, plus aérien, DEFTONES délaisse ses aspérités Néo, optant pour une association réussie de Metal (au sens large) et de passages plus calmes.
La plupart des titres s’exprime par des enchaînements de riffs inventifs, métalliques, HardCore ou acoustiques, mais toujours accrocheurs et expressifs. Ces saturations s’intercalent avec des relâchements, des instants d’apaisements, de calme, plus ambiancés, plus subtiles.
Et c’est cette créativité, cette sensibilité nouvelle, ces contrastes expressifs et cette musicalité nouvelle, qui caractérisent pleinement le DEFTONES des années 2000.

L’autre changement important pour le groupe est Chino : sa voix douce, cristalline et mélancolique est ici omniprésente, illustrant là encore une évolution, une maturité et une progression vocale réelle. Excepté à de rares explosions vocales, rappelant qu’il n’a rien perdu de sa hargne, Chino reste ancré dans son chant clair et planant, presque hypnotisant. N’hésitant pas à monter encore plus qu’avant dans les aigus.

On retrouve ainsi deux types de morceaux: tout d’abord, ceux dont l’ossature ‘couplet/refrain’ alterne puissants riffs saturés et passages plus posés, construit de façon standard. A l’image de ‘Feiticeira’, ‘Street Carp’ ou ‘Knife Party’, morceaux imparables et dont l’accroche est immédiate.
Puis il y a les morceaux plus calmes, inventifs, ceux qui symbolisent toute l’évolution du groupe ; à l’image de ‘Digital Bath’, ‘Rx Queen’ ou encore de ‘Teenager’, Deftones a su se renouveler, en apaisant son style, et en diversifiant son mode d’expression.

Toujours aussi torturée, la musique de DEFTONES est empreinte d’une mélancolie captivante, parfois glauque ou inquiétante, et d’une musicalité indéniable. Le groupe a surtout réussi à préserver son style bariolé, tout en le diversifiant.
L’évolution artistique se manifeste également par une sensibilité omniprésente, et l’apaisement musical n’est que sonore, les émotions véhiculées s’avérant tout aussi sombres et malmenées. Les enchaînements entre calme et explosion, entre musicalité et vestiges du passé Néo, s’opèrent dans une fluidité et un naturel déconcertants.

L’album se clôt en apothéose, avec l’incroyable tryptique ‘Passenger/ Change (In The House Of Flies) / Pink Maggit’, qui me fait toujours autant d’effet 11 ans après. Le superbe ‘Passenger’, tout d’abord, captivant. Dont les mélodies poignantes, et l’enchaînement entre apaisement et explosion maîtrisée, se marient terriblement bien avec le duo vocal de grande classe que forment Chino et Maynard James Keenan (Tool). Enchaîné avec l’un des tubes du groupe, ‘Change’, un titre excellente et imparable. Et pour finir, le faussement répétitif et lancinant ‘Pink Maggit’, dont l’apparente simplicité révèle un groupe au sommet de son art.
Cette fin d’album révèle totalement l’alchimie nouvelle du groupe, qui se révèle être encore plus talentueux qu’on ne l’imaginait. La violence s’exprime différemment, et ce sont toute la sensibilité et la mélancolie du groupe qui rejaillissent.

Les années 2000. Epoque bénite pour les maisons de disques et leurs réseaux de distributions, puisqu’à cette époque pas si lointaine, Internet n’était encore qu’une promesse futuriste d’un monde moderne.
Le NüMetal surfait sur la vague du succès, Slipknot cartonnait, faisant le tour du monde ; "Issues" de Korn, bien que parfois controversé, permettait au groupe de remplir Bercy.
"White Pony" sort donc au milieu de ce contexte musical, où seul le Néo, à l’époque en plein essor, semblait être promis à un futur radieux.
Deftones, contrairement à ses pairs, va choisir de s’éloigner de la facilité, pour innover ; et produire un album novateur, frais, torturé et incroyablement réussi.
Surprenant et incontournable.


Rédigé par : ..::Ju::.. | 2000 | Nb de lectures : 2651


Auteur
Commentaire
slayer rules the world
Invité
Posté le: 19/05/2012 à 23h42 - (27482)
ben vla chtio pere, au debut jtrouvo ca mou du gland apres leur 2 premiers album ,pi finalement ca tue ca maman avec plaisir et digital bath est extraordinaire.

guiya
Invité
Posté le: 20/05/2012 à 09h10 - (27484)
je me reconnais bien dans cette chronique! je me souviens aussi encore du jour où je suis allé acheter l'album (qui reste un de mes favoris) et des inombrables écoutes successives


Alain Frost
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2012 à 14h03 - (27485)
Après toutes ces années ça reste clairement mon préféré des Deftones.

Très créatif, novateur et avec une ambiance complètement envoutante. Les titres aériens sont d'ailleurs ceux que je préfère.

Et je plussoie pour le trio magique à la fin de l'album! Quel enchainement!

pamalach
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2012 à 15h55 - (27486)
Aaaaaaaaaah j'ai détesté cet album quand je l'ai acheté ! J'ai mis des années avant d'y revenir dessus et je me suis rendu compte que j'avais fait une terrible erreur de jugement. Aujourd'hui c'est un de mes préférés ! Bien ouej Ju !

Blind
Membre enregistré
Posté le: 14/08/2012 à 10h42 - (27929)
Je me souviendrais toujours de l'intro de Feiticeira mais le premier titre de l'album que j'ai entendu fut Elite sur le sampler du numéro de juin 2000 de Rock Sound avec Chino Moreno en couverture (avant qu'il ne passe par sa période "McDo matin, midi et soir"). A cette époque-là j'étais plus dans le punk rock avec NoFx et Lagwagon que le néo même si je commençais doucement à lorgner vers KoRn. Donc ce Deftones, acheté d'occase en version limitée boitier rouge quelques semaines après sa sortie, a mis du temps pour s'imposer à mes oreilles car mis à part les titres les plus directs tels que Feiticeira, Elite ou Street Carp j'ai mis plus de temps à apprécier les Digital Bath, Changes (in the House of Flies), Passenger ou Pink Maggit à leur juste valeur. Et donc après la découverte du groupe, j'appréciais plus "Adrenaline" ou "Around the Fur" que le Poney Blanc car ces deux premiers albums sont plus directs et plus dans la veine "néo metal traditionnel". Mais la "mâturité" venant avec les années (cte blague!), je peux dire que j'ai appris à déchiffrer et découvrir ce White Pony, et donc maintenant il fait partie pour moi des albums incontournables de la discographie des Deftones.



Blind
Membre enregistré
Posté le: 14/08/2012 à 10h44 - (27930)
Petite rectification, sur le sampler RS de juin 2000 c'était Street Carp et non Elite qui était présent.

GabinEastwood
Membre enregistré
Posté le: 13/09/2012 à 14h07 - (28051)
L'album qui montrait une nouvelle facette du groupe. Après la puissance des débuts, la mélodie et le côté plannant et envouté des titres permettait à la bande à Chino d'exploser aux yeux du monde (il suffit de se rappeler le Change, monumental à NPA)

Encore aujourd'hui leur album le plus complet



ludwigretsch
IP:89.156.44.158
Invité
Posté le: 25/05/2014 à 14h51 - (30943)
Grand disque assurément, étourdissant de profondeur et d'ingéniosité...

Jeff Hannimalman
IP:81.242.68.197
Invité
Posté le: 25/05/2014 à 15h57 - (30946)
Excellente chronique.
Le premier paragraphe m'a bien fait poiler! :-)

Strat
Membre enregistré
Posté le: 30/05/2014 à 07h14 - (30959)
Excellente chronique qui me replonge 14 années plus tard dans cette époque que le chronique décrit si bien.

Le néo était très présent et DEFTONES à su sortir un album très frais, novateur, rempli d'émotions et mélancolie, emporté par un Chino au sommet de sa carrière.

Surement l'album du genre que je préfère, et de loin, et mon album préféré de toute la discographie de DEFTONES.

Et dire que j'avais même acheté le hoodie "White Poney", qui trônait entre mon hoodie "The Jester Race" et "Minas Morgurl".

:D



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