En France, il faut reconnaître qu’on a le culte de la loose. On aime bien les seconds, les troisièmes et même les quatrièmes.
La musique n’est pas supposée être une compétition. Même entre pachydermes du metal. Pourtant, et dès les débuts de Megadeth, Mustaine s’est senti (mis ?) en compétition avec le groupe qui l’avait exclu comme une merde.
Ce sentiment revanchard, Mustain le traînera pendant très longtemps.
Ce qui ont lu les magasines spécialisés de l’époque se souviennent forcément de la lutte « fratricide » « Metallica – Megadeth ».
Que cela soit d’un côté comme de l’autre, toutes sortes d’amabilités ont été dites.
Chacun racontait la sienne et allait de sa petite phrase assassine, de sa petite anecdote saignante et de son tacle bien méchant (Hetfield et Ulrich n’ont jamais été tendres à ce niveau-là).
Ils ont tour à tour été très loin dans leurs déclarations, faisant la paix puis déterrant la hache de guerre au gré des humeurs et des déclarations prononcées au détour d’interviews « vérité ».
Cette « gueguerre » divisera les fans de metal qui se positionneront, pour certains, d’une manière aussi intransigeante que les musiciens eux-mêmes.
A cette époque-là, il était difficile de trouver un metalhead qui ne se positionnait pas à ce niveau-là. Tout le monde avait un avis et surtout, tout le monde avait une préférence.

Je ne suis pas là pour faire la story de la baston entre les deux géants du metal des années 90. Je suis là pour parler d’un album absolument sublime, à vrai dire imparable, dont le seul tort aura été d’avoir été ombragé et comparé quasi systématiquement au Black album.

Vous avez remarqué qu’il est TRES fréquent quand on lit un article sur Megadeth d’y trouver quelques mots sur les four horsemens ? C’est injuste d’autant que l’inverse n’est pas vrai pour Metallica.
C’est clair, cet album bien qu’il se soit très bien vendu n’a pas eu le succès qu’il méritait.
De bout en bout, c’est une totale réussite. Pas un seul titre faiblard, pas un riff qui crachotte et pas une structure qui lasse. Les musiciens sont très inspirés, la maîtrise technique (surtout Friedman et Mustaine) est renversante et les chansons sont toutes bonnes.

Bien sûr, les fans regrettèrent la disparition des tempos rapides et du thrash si cher à Megadeth par le passé. Faisant suite à l’excellent « Countdown to extinction », Megadeth a continué dans sa ligne directrice en proposant avec « Youthanasia » un pur album de heavy Metal.

En réalité, les fans de la première période n’ont pas semblé apprécier cet album. Il est vrai que si cet album à un défaut, c’est peut-être d’être trop propre (certains diront trop « gentil »). Il est vrai que la hargne peine à se frayer un chemin dans cette mécanique bien huilée.
Par le passé, Megadeth était pourtant assez client d’une certaine forme d’agression sonore. Avec cet album, c’est la voix de Mustaine qui donne encore un caractère un peu abrasif à l’ensemble car avec une voix moins « criarde », on aurait peut-être pas été loin du « sweet metol ».

A cette époque, le grunge commençait à battre de l’aile, le néo punk pointait le bout de son nez, le power metal commençait à faire du bruit et le néo gazouillait dans ses couches. Cet album est donc arrivé à une époque charnière ce qui lui a permis de faire le pont entre de nombreux groupes et de nombreux styles.

Dès le départ avec « Reckoning day » on était frappé par cette intro monstrueuse qui mettait tout le monde d’accord. La montée en puissance était formidablement maîtrisée et les boys donnaient ainsi un bon aperçu de ce que allait être l’album : lourd, mélodique et puissant.

« Train of consequence » était un titre fabuleux. Le riff était incroyable, la dynamique très soutenue et le rendu irrésistible. Au passage, Mustaine réalisait une sacré performance technique niveau indépendance guitare/voix. Essayez un peu de chanter sur le riff et vous verrez ce que je veux dire. Niveau lyrics la chanson parlait d’un joueur (Nick Menza avait eu jadis quelques problèmes à ce niveau-là) mais pouvait s’étendre à d’autres types de dépendances.
« Addicted to chaos » commençait avec une introduction de batterie classique mais efficace avant qu’un bon vieux riff de derrière les fagots ne viennent colorer le tout d’une sombre tonalité en adéquation avec les lyrics.

Je vais très souvent parler de « riffs » car cet album est une véritable caverne d’Ali Baba pour les joueurs de mandoline. Ce sacré Dave était un incroyable songwritter et pondait les bons riffs comme d’autres enchaînaient les pains. Le plus fort, c’est qu’il arrivait à se diversifier en proposant des façons de jouer très différentes et des mélodies nouvelles tout en faisant mouche à chaque fois.

« A tout le monde » restera dans les cœurs de nombreux metalleux français.
Même si ce n’était pas un brûlot thrash peu importe.
Le titre réussira à se faufiler sur les ondes française permettant ainsi à Megadeth de se faire un peu mieux connaître (du coup, on avait quelque fois droit à l’époque sur certaines radio à du « Symphony of destruction » ou du « Countdown to extinction »).
L’introduction en arpège est sublime, l’arrangement soigné, les harmonies à la tierce superbe et le chant maîtrisé.
Le refrain est évidement un grand moment (bon, « tout le monde » n’a pas aimé c’est vrai) qui avait demandé à Mustaine de prendre quelques petits cours afin de ne pas commettre de faute de prononciation dans notre belle langue de Molière.
A ce stade de l’album, force est de reconnaître que musicalement le groupe était très en forme. Ca groovait méchamment et le niveau technique était si bon que les musiciens avaient vraiment l’air de se faire plaisir tout en envoyant du pâté.

Pour composer un bon riff, il ne faut pas nécessairement qu’il soit très technique.
Preuve en est faire avec « The killing Road » qui dès l’intro envoyait un riff incroyable, immédiatement mémorisable malgré le « classicisme » du rythme.
Les lyrics parlaient de la vie sur la route et des difficultés que cela pouvait engendrer dans la vie d’un musicien.
Evidemment, tout cela paraît un peu cliché mais il est évident quand on connaît un peu la vie de Mustaine qu’il a vraiment dû connaître de très sales moments sur la route.
Je me souviens d’une interview qu’il avait donnée à l’époque de « Countdown to extinction ». Le garçon racontait comment il avait sombré puis resombré dans l’alcool et la drogue avec par-dessus le marché une dépendance à certains médicaments. Donc pas de faux semblant lorsqu’il parlait de la vie de « bohème ».
Pas de faux semblant non plus en ce qui concerne les textes à portée « mystiques ». Mustaine montrera en effet dans le futur que la religion et la spiritualité ne sont définitivement pas une lubbie chez lui.
« Elysian fields » ou encore « I though I knew it all » montraient une percée de « lumière » chez le bonhomme qui au fur et à mesure des années se montrera de plus en plus hardcore dans ses principes religieux. Le zigue refusera même de partager l’affiche avec certains groupes trop satanique à son goût.
« Blood of heroes » était un très bon titre assez accrocheur et plutôt bien construit.
« Youthanasia », le titre éponyme de l’album était une pure baffe (détesté aussi par de très nombreux fans).
L’introduction en power chord mettait en orbite un riff très groovy où Mustaine « s’amusait » à poser sa voix avant un refrain très bien senti qui servait de tremplin à un sublime solo de Marty Friedman.
Pour parler du sympathique frisé, on ne pouvait que constater qu’il était très forme sur cet opus.
On le savait, d’une part sur des albums comme « Rust in peace » ou encore lorsqu’il jouait dans « Cacophonic » avec Jason Becker, Marty était un véritable Shredder.
Ce gars était (il l’est toujours d’ailleurs) capable de jouer des plans très complexes puis de sonner plus sensible et mélodique.
Sur cet album et dans des titres comme « A tout le monde », « Reckoning day » ou « Train of Consequences », il donnait pleine mesure de son grand talent en revoyant bien des gratteux à leurs gammes.
D’ailleurs, vous noterez la position très étrange qu’il prenait avec sa main droite lorsqu’il jouait.
Je connais un guitariste professionnel qui me disait que lorsqu’il faisait ses études, il avait vu des six cordistes se « forcer » à adopter la même position croyant que cela allait les aider à jouer plus vite.
Cela n’a pas vraiment marché sauf pour l’un d’entre eux qui s’était payé une belle tendinite (problème chronique chez les Shreddeurs de choc et de charme). Bref, pas si facile de se la « jouer » à la Friedman.
« Black curtains » avec son rythme écrasant continuait à enfoncer le clou de façon magistrale avant que ne déboule le dernier morceau « Victory » véritable bombe à retardement qui démarrait très fort pour ne jamais retomber.
Ce morceau avait une pêche incroyable et était tout simplement imparable pour tous les fans de Megadeth puisque le père David s’était amusé à construire le texte à base de titre de chansons du groupe.
Le moment des solos était aussi un grand moment puisque Dave et Marty semblaient se défier en rivalisant de vélocité et de finesse pour tracer leurs races et exploser le compteur de leurs six cordes.

Au final, si le côté plus « calme » de cet album ne rebutait pas, on ne pouvait qu’être conquis. Pour les autres en revanche, point de speed à se mettre sous la dent et point de décharge d’énergie brute. Quoi qu’il en soit, cet album restera une incroyable démonstration de maîtrise menée en main de maître par un groupe qui en voulait.

On peut pas terminer autrement qu’avec les lyrics d’«A tout le monde » et cette introduction voix/guitare tout simplement inoubliable :

« Dont remember where I was
I realized life was a game
The more seriously I took things
The harder the rules became
I had no idea what itd cost
My life passed before my eyes
I found out how little I accomplished
All my plans denied »





Rédigé par : pamalach 77 | 1994 | Nb de lectures : 2417