Comment parler objectivement d’un groupe que l’on vénère et que l’on écoute pratiquement tous les jours ? Pas possible, rien à faire j’y arrive pas et ce serait écrire quelque chose d’encore plus mauvais que d’être objectif !

Acte I : Le groupe

A l’époque où Death sort son puissant et cultissime "Scream Bloody Gore", et Kreator son grandiose "Terrible Certainty" une bande de 4 jeunes chevelus se réunissent afin de mettre à feu et à sang le monde. L’année 87 sera marqué à tout jamais par la naissance à Mulhouse d’un groupe culte, sous-estimé, méconnu, trop souvent confondu avec son homonyme suédois, je veux parler bien sûr de Mercyless, fleuron du Death bien de chez nous. Rendons à Mercyless la part de gâteau qui lui appartient et arrêtons cette guéguerre stérile et sans intérêt pour la course du groupe le plus mieux que le tien ! De toute façon le groupe culte de chacun est obligatoirement meilleur que celui du gars d’en face. Louons-les donc pour le bonheur sonore qu’ils continuent à nous prodiguer 15 ans après.

Mercyless se compose donc à l’époque de ce chef d’œuvre (tout est relatif, il ne s’agit ici que de mon humble avis !) de notre Max Otero national à la guitare et au grognement si plaisant et puissant nous rappelant Obituary, Gerald Guenzi à la batterie, Stéphane Viard à la lead guitare et enfin Rade Radojcic nouvellement promu bassiste. A l’époque de leur formation, ils pratiquent un Thrash simpliste influencé par Slayer (dixit Max dans un Metal Hammer de 92) et basculent vers 90 dans un Death Metal plus influencé par Obituary et Morbid Angel.

Pour récapituler leur discographie, en 1988 première démo intitulée "Immortal Harmonies", en 1989 nouvelle démo nommée "Visions from the Past" et la dernière "Vomiting Nausea" en 1990. Cette dernière leur ouvrira les portes des labels et Mercyless signera sur le label français Virulence qui appartient à Jungle Hop. De là tout s’enchaîne assez vite puisque le label sort un vinyle avec les titres "Vomiting Nausea" et "No theory". Un autre titre "Without Christ" (mon préféré) se retrouve sur la compil "Total Virulence" et Mercyless se retrouve bien vite en studio pour enregistrer leur premier album.

Nous voilà donc en studio à la mi-91 où nos chevelus sous la houlette d’un homme dont le nom vous dira peut-être quelque chose, enregistrent le sujet de cette chronique. Ce ptit bonhomme qui ne paye pas de mine n’est autre que Colin Richardson. Et bordel de merde, il a bien fait de passer par-là, car il leur fera un son pas piqué des hannetons !

Il faut vite déchanter car septembre 91 est un mois funeste, le label Jungle Hop se casse la gueule avant même la sortie du premier méfait de nos chevelus. Mais il faut croire que la bonne fée du Métal s’est penchée sur le groupe car ils sont récupérés par le label World In Flames, filiale de Vinyl Solution qui sort "Abject Offerings" dans le monde entier (ou presque !), plus d’un an après son enregistrement. Après cet album, Mercyless sortira "Coloured Funeral" en 93, culte aussi, "Cold" en 96, là j’ai lâché l’affaire, et enfin "Sure To Be Pure" en 2000.

Acte II : L’album

Que ce passe-t-il donc entre 91 et 92 dans le Death français ?
Hum, "Contamination Rises" de No Return (92), "Disincarnate" de Loudblast (91), "Corporal Punishment" de Crusher (92) et "Enjoy The Violence" (91) / "Signs Of The Decline" (92) de Massacra, ceci pour les plus connus. Donc à cette époque la scène française est en pleine ébullition et tout le monde y va de son grain de sel dans l’espoir de décrocher un ticket vers la reconnaissance mondiale (Death Power, Aleister ça vous cause ?), chose pas si facile que ça en France, c’est d’ailleurs pour cette raison que certains groupes iront se faire une réputation en acier trempé chez nos voisins Allemands qui seront moins cons que nous !

"Abject Offerings" sort donc dans un contexte français pas tellement favorable malgré le support de la scène Underground et locale qui est à cette époque assez prolifique (Crusher, Mestema et autre Penetrator). Pourtant ce disque a tous les atouts pour percer les hautes sphères de notre style favori. Une pochette qui tue, un producteur et une production béton et des titres d’une puissance ravageuse. Mais difficile de lutter contre les productions d’outre-Manche et américaines, surtout que le Hardos français ne jure de manière générale que par les productions étrangères et c’est pas avec le soutien de la presse et des maisons de disque de chez nous que ça va faire avancer les choses, quoique, quelques bonnes chros dans Metal Hammer ou HRM auraient dû faire avancer le bordel ! Intéressons-nous de plus près au disque.

On pourra dire ce que l’on veut mais dès le premier regard sur la couverture, on sait à quoi on va avoir affaire. Une reproduction fidèle du "Christ of St John of the Cross" de Salvator Dali. C’est sombre, malsain, ça respire la douleur et la souffrance, ça me rappelle d’ailleurs sans aucun rapport le "Blessed Are The Sick" de qui vous savez. On sait que l’on va devoir affronter un monstre de Death.

Livret intérieur sobre et soigné avec photos des membres, paroles et remerciements, j’aime particulièrement la dernière photo d’ensemble du groupe. On dirait qu’elle a été prise sur une écluse. Jeans troués aux genoux, Adidas et tee-shirts Sepultura ou encore Morbid Angel, ça c’est du look qui terrasse, bien loin de tout ce qui se fait maintenant, pas de prise de tête, on joue du Death et on vous emmerde !

Mettons la rondelle dans le lecteur et laissons-nous bercer par la douce et agréable musique de Mercyless. 8 titres dont une intro se partagent la vedette. Il faut remarquer que tout s’enchaîne admirablement bien, je ne sais pas si c’est voulu, mais pour moi, dans un autre ordre, ça aurait été différent. Dès la courte intro, "Nyarlathotep", on sent l’influence de Morbid Angel, ce qui n’est absolument pas déplaisant, au contraire, avec une référence pareille on se dit que ça ne peut que bien se passer non ? Puis sans aucun avertissement déboule "Abject Offerings" et paf! une grande claque dans la gueule, prenez une pincée de Slayer et d’Obituary, saupoudrez avec un peu de Morbid Angel, rajoutez une pointe de Mercyless, mixez bien le tout et vous obtenez ce que peut être la zik de ce groupe. Deuxième claque le chant, Max ne peut pas renier son admiration pour Obituary, sa voix sonne comme celle de John, sans toutefois l’imiter, c’est jouissif à souhait, notons au passage que sur ce coup-là les paroles on les comprend, c’est intelligible, ça fait plaisir ! Des passages dignes d’un grand Slayer, des soli à la Kerry King, pas forcement toujours de bonne facture mais dans l’ensemble plus qu’acceptables, des ambiances "Morbidiennes", des riffs entêtants, des refrains ultimes, un je ne sais quoi qui me fait penser à Morgoth (avis perso !), bref un orgasme auditif !

Je ne dissèquerai pas chaque titre, n’ayant pas la prétention d’être un pro de la double ou du break assassin mais il faut savoir que chaque titre est unique, une ambiance différente à chaque morceau mais collant tellement bien avec le précédent et le suivant. C’est particulièrement homogène, rien à jeter. La production est irréprochable et le son concocté par Colin Richardson est particulièrement monstrueux pour un groupe français ! Des titres comme "Abject Offerings", "A Message For All Those Who Died" (magnifique titre posthume), "Flesh Divine", "Without Christ" (un hymne celui-là), "Unformed Tumours", sortent à peine du lot, tellement le niveau du disque est élevé. L’anti-christianisme, le cancer, la mort, la drogue, que de gais sujets pour un album de Death !

Une chose est sûre, les influences "Slayeresques" et "Morbidiennes sont omniprésentes sur chaque titre, mais le groupe a su les digérer pour nous les régurgiter et les mélanger à son Death si reconnaissable entre tous, ce qui nous fait le meilleur album de Death Metal français à sa sortie. Nos chevelus auront une renommée en dehors des frontières, bien plus importante que celle acquise sur le territoire national. Dommage que le public n’ait pas donné sa chance à ce groupe qui le méritait à mon avis plus que certains autres, qui eux ont été portés aux nues un peu vite ! Mais ceci est une autre histoire.

Acte III : La conclusion

En espérant vous avoir donné envie d’écouter ce petit bijou, sachez qu’il est trouvable sur le net en cassette, CD et avec un peu de chance en vinyle. Jusqu'à il n’y a pas si longtemps que ça, je ne savais même pas qu’une version CD existait… ! Ne passez pas à côté des choses "simples" comme ils disent dans la pub !

Autrement, ayant eu l’occasion de voir Mercyless sur scène à plusieurs reprises au début des 90’, c’était à chaque fois le feu dans le public et ça restera pour moi une des premières expériences Death Métalliques de ma jeunesse, mes premiers traumas sonores ! Je ne connais malheureusement pas beaucoup de fans de ce groupe mais si c’est votre cas, manifestez-vous, on ne sait jamais, si le groupe passe par là, ça lui donnera peut-être envie de nous faire une petite tournée de dernière les fagots ?
Comme le dirait un obscur groupe de je sais pas où, "Other Bands play, Mercyless Kill". Passer à côté de ce joyau, c’est passer à côté d’une pierre angulaire du Death français. Cet album est aussi indispensable que ceux cités plus haut, il est plus qu’utile à la compréhension de la scène de l’époque et à son évolution.

Acte IV : Les sources

Outre mon cerveau ravagé par l’abus de houblon et autres substances illicites, j’avais ressorti de la cave pour les besoins de cette chro quelques magazines de l’époque, histoire de se replonger dans l’ambiance des années folles. Donc merci à HRM, Metal Hammer et Hard Force.


Rédigé par : Elsass chris | 1992 | Nb de lectures : 3083