DEARLY BEHEADED - Chamber of One (Music For Nations) - 20/05/2007 @ 11h03
La mode déclinante du "MetalCore" nous ramène à l'époque pas si lointaine où le Power Metal connaissait la même dépression. Dans la lignée du succès de PanterA, Machine Head, voire Sepultura, tout une vague déferla au milieu des années 90. Héritier du Thrash de la génération antérieure, le style était moins difficile d'accès que le Death, autre rejeton plus extrême. Le Power Metal se voulait plus accrocheur, plus direct et ouvert à des influences extérieures. Le HardCore était la plus sensible d'entre elles (rien de nouveau), notamment du point de vue vestimentaire ce qui tranchait pas mal en ces temps-là. Tous les labels voulaient profiter de la vague et jetaient sur le marché un maximum de groupes. Les pages publicitaires de la presse spécialisée dégorgeaient tous les mois d'encarts annonçant "le nouveau Machine Head" ou "la réponse à PanterA". Neuf fois sur dix on ne parlait plus du groupe le mois d'après, d'autres sosies avaient de toute façon déjà pris la place – par exemple, qui se souvient de Pulkas ou Driven by Hate ? La saturation arriva inexorablement, avec tous ces groupes qui se ressemblaient autour d'une formule non renouvelée. En octobre 1997, quand les Anglais de Dearly Beheaded publièrent leur second album, le mouvement s'asphyxiait entre la progression du Néo-Metal au créneau proche et l'avènement du Black Metal qui détournait le public du Thrash et de ses deux descendants. Même la critique commençait à le lâcher.

Sur le papier, l'histoire de Dearly Beheaded est emblématique de celle de l'ensemble du courant. Tout s'était passé très vite : ce groupe mancunien (de Manchester) s'était formé en 93. Une première démo leur avait permis d'être aussitôt signé par Music for Nations, chez qui ils sortirent presque dans la foulée un premier mini puis un premier album en juin 96. "Temptation" jouissait d'une excellente production de Colin Richardson l'incontournable, mais se démarquait surtout dans le genre par son approche mélodique. Le chant d'Alex Creamer était très majoritairement clair et parfois rauque, les titres étaient lourds mais la rondeur des riffs adoucissait même les passages de double grosse caisse. Cela renvoyait carrément à Black Sabbath ou à Testament pour les passages les plus agressifs. Malgré cette fraîcheur et un certain succès d'estime (le titre bonus de l'édition limitée, "Wrench", était repris dans la compilation Metalorgy), le groupe fut trahi par le système. Dearly Beheaded ne trouva aucune opportunité de tournée de promotion. Mécontent de ne pas rafler sa mise sur un coup apparemment très facile, le label renvoya aussitôt son poulain en studio avec ordre de se rattraper en vitesse à l'aide d'un budget divisé par deux ! Prévenu qu'il ne serait probablement pas payé honorablement, Richardson accepta pourtant de collaborer à nouveau.

La colère éprouvée allait être le moteur d'une évolution surprenante. D'un seul coup, D.B. va connaître l'évolution vécue par PanterA entre "Cowboys from Hell" et "Far Beyond Driven". "Chamber of One" comporte dix titres, comme son prédécesseur, mais la radicalisation choisie rend le groupe méconnaissable. Les guitares sont plus sèches et le riffing beaucoup plus direct, compact et lourd. Très présentes, elles ne jouent quasiment qu'en rythmiques et aucun leader ne se détache entre les deux préposés. Cette simplicité confère une réelle efficacité car la puissance des grattes n'écrase pas le reste des instruments. Sans partir complètement en growls, les vocaux deviennent nettement plus graves par le même mouvement. Ils sont parfois soulignés par de discrets chœurs. C'est surtout du côté du batteur qu'il faut s'arrêter, car ce qui était le point faible chez beaucoup de groupes devient ici un gros point fort. Il se passe toujours quelque chose. Sa performance apporte beaucoup à l'album car ses parties sont très denses, c'est de loin l'instrument qui offre le plus de variété dans son jeu en transperçant le mur de guitares. Grâce à quoi l'album bonifie sa puissance. Pour prendre une métaphore culinaire, le corps du rôti de guitares (fort bon mais cela ne constitue tout de même que la base minimum pour bien réussir le plat) est savoureusement relevé par la richesse corsée de la sauce rythmique. C'est donc bien Simon Dawson à la batterie qui mène le collectif derrière Creamer, ce sont les guitares qui l'accompagnent et non l'inverse comme d'habitude. Et c'est cela qui explique que leur jeu soit presque uniquement en rythmiques. La basse pour sa part est mieux mise en avant et lance sobrement quelques montées annonçant la batterie, selon une complémentarité bien comprise.
Malgré les circonstances, Colin Richardson donna au groupe un son remarquablement pur pour l'époque. La production demeure évidemment proche de celle de Machine Head, mais moins distordue dans les – rares – aigus et laissant les vocaux sonner naturellement.

Il faut aussi signaler la reprise en huitième position d'un groupe qu'on aime beaucoup par ici : Voivod avec "Tribal Convictions". Elle se détache un peu par une complexité légèrement supérieure dans sa structure mais son accélération progressive correspond à l'esprit de l'album et elle se coule parfaitement dans l'ensemble en y apportant l'unique vrai solo.
Au bout du compte, il était très difficile de reconnaître à l'aveugle le même groupe de "Temptation". Un lien troublant était cependant posé discrètement en interlude entre "Giving Up the Lies" et "Faceless", avec la boîte à musique pour enfants qui rappelle instantanément l'intro de réveil à horloge mécanique de "Between Night and Day" sur l'album précédent.

Les choix bénéfiques et la confirmation du potentiel ne seront toutefois pas accueillis sans réserve. Au milieu des années 90, les différentes chapelles de la musique extrême sont particulièrement refermées sur elles-mêmes et il était aussi mal vu de tenter une ouverture cohérente sur un autre style que de commettre une trahison putassière vers des genres à la mode. Pour Dearly Beheaded, le virage sera critiqué par certains pour trop se rapprocher du HardCore, en des temps où celui-ci connaissait également une singulière méforme et qu'il était de bon ton chez les métalleux de s'en démarquer nettement – en dépit de l'Histoire.

Cette fois, le groupe pourra tourner et fera sur six dates françaises la première partie de Loudblast qui promeut alors "Fragments". Les temps étant durs pour le Métal hors Néo et Black, le public était bien clairsemé par rapport à aujourd'hui. Le set était très axé sur "Chamber of One" et les rares titres tirés de l'album précédent n'étaient même pas joués en entier. Mais le chanteur extirpait vraiment sa rage sur scène, se contorsionnant et sautant partout, communiquant du mieux qu'il pouvait malgré la barrière de la langue (je le revois s'excusant à genoux : "I don't speak français…" à peine entré sur scène, comme s'il avait cassé le vase du salon !). Derrière, le groupe assurait, tellement à l'aise que le bassiste s'amusait à cracher en l'air et à courir rattraper ses glaviots pour les ravaler tout en jouant. C'est l'une des rares fois où j'ai vu une première partie revenir pour un rappel après une longue ovation. Hélas, le succès de cette tournée française ne débouchera sur rien.

Les tensions entre un chanteur à forte personnalité (seul Londonien de surcroît) et le reste du groupe vont provoquer quelques mois plus tard sa séparation, en termes violents et pour des raisons définitivement obscures. Par la suite, le guitariste soliste et le bassiste fondèrent le groupe Sleath, dont on attend toujours des nouvelles (si ce n'est que le bassiste serait finalement reparti dans un autre groupe). Le guitariste compositeur Steve Owens et Alex Creamer se recasèrent dans le projet I Remain qui a enregistré un EP, mais Creamer est aussi signalé parmi plusieurs autres formations au destin confidentiel.
Indépendamment de la destinée globale du Power Metal, le groupe n'avait peut-être pas les moyens de durer en raison des problèmes humains. N'empêche, l'alchimie avait fonctionné. Avec deux albums de qualité Dearly Beheaded avait su faire carrière, montrer une progression crédible et incontestablement sincère vers un bourrinage qui soutient toujours la comparaison avec les meneurs. Il fallait en faire mémoire, pour l'honneur d'un combo qui valait mieux que beaucoup de ses congénères.


Rédigé par : RBD | 1997 | Nb de lectures : 2056


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Commentaire
Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2007 à 11h22 - (4399)
Un album qui n'a pas eu le succès mérité malgré la pub de l'époque qui passait dans les magazines: "en 94, j'ai fait Demanufacture de FF, en 95, j'ai fait Burn my eyes de MH et en 96, je fais Dearly Behaeded" Colin Richardson, j'aimais bien ce type d'accroche, on sentait le "next big thing" et puis hop un coup dans l'eau !
Je crois que Charly, le batteur de Crusher a joué avec eux un peu plus tard.

cava76
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2007 à 11h28 - (4400)
excellent album, je regrette que ce style de metal "gros son" ne soit plus aussi présent actuellement :s

masterkiller
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 11h49 - (4402)
oui je me souient de pulkas,autre coup dans l eau un groupe exellent des early 90's j ai nommé.....SIMPLE AGRESSION avec leur exellent FORMULATIONS IN BLACK ou bien encore MORDRED.... ah nostalgie quand tu nous tiens.snif

masterkiller
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 11h50 - (4403)
FALLING AWAY ....ARGHHHHH QUEL MORCEAU

MADTRASH
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2007 à 12h54 - (4407)
putain de groupe que ce DB .
Temptation et Chamber of one reviennent souvent dans ma platine .

Yohm
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 13h48 - (4412)
Putain que ça m'a plus quand j'ai entendu ce groupe!

damien luce
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 13h59 - (4413)
du gros power qui tache !!! enorme squeud merci pour la chro ca fait plaisir !!!


tortu(r)e geni(t)ale
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 14h17 - (4415)
putain comme ca massait bien ce dearly , comme cava 76 , je regrette le "gros son" de l'epoque .la patte de colin richardson y est pour beaucoup , quand on ecoute le EP et les albums ( qui ont des titres en communs ) et ben ca sonne pas pareil .
pour I REMAIN ( nouveau groupe d'owen )l'album est pret , mais aucun label ne veut les signer , pourtant c'est une grosse bombe !!!...mais bon c'est pas hype alors .....allez comprendre ( a ecouter sur myspace , pour les fans )

jerome
Invité
Posté le: 20/05/2007 à 19h03 - (4421)
@youpimatin. effectivement CHARLY le batteur de feu Frayeurs/crusher à bien joué avec eux quelques temps.

vic
Invité
Posté le: 21/05/2007 à 14h01 - (4443)
qui se souvient de Ultraspank? Quelques groupes comme ça sont passés à côté d'une reconnaissance méritée (j'ai l'impression que des groupes comme krugger ou dog fashion disco prennent le même chemin)

XtranbertX
Invité
Posté le: 21/10/2008 à 20h02 - (26322)
C'est clair qu'il est énorme cet album, le premier est très bon aussi, même s'il est plus dans la veine de Down.

Sinon le son tue, l'ambiance est monstrueuse.
MY WORLD WAS CREATED BY PAIN, I AM AN ARCHITECT!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

senior canardo
Invité
Posté le: 24/10/2008 à 19h08 - (26324)
l'expression "c'est du lourd" a été inventée pour eux !!

jamais retrouvé un autre album de cette trempe...

par contre le premier je peu pas peut etre parceque je l'ai écouté après le second.

a dead issue.....

rapace
Invité
Posté le: 01/06/2009 à 16h04 - (26764)
excellent album,acheté à sa sortie, il m'a impressionné par sa rage et sa haine.je regrette bien que ce groupe n'est pas eu le succes merité.

thrash or be thrashed
Invité
Posté le: 28/11/2009 à 15h08 - (26921)
J'ai un cd d'un groupe suédois qui s'appelait Raise Cain et c'était excellent aussi dans le style power métal de l'époque

Specky
IP:92.141.240.204
Invité
Posté le: 28/07/2013 à 09h35 - (29630)
Vu en tete d'affiche à la laiterie en 97. La 'tite salle était pleine. Excellent concert...

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