RETRACE MY FRAGMENTS - Ethereal Flux (Autoproduction) - 07/04/2015 @ 07h43
Pour les metalleux frontaliers, le Luxembourg est surtout connu pour ses nombreux concerts avec parfois des affiches croustillantes, notamment aux salles de l’Atelier, de la Rockhal ou encore la Kulturfabrik. Le pays de Chris Philipps (et Jeff Strasser avant lui) est cependant bien moins connu pour ses groupes locaux, il faut dire qu’avec 550 000 habitants il y a moins de possibilités… Mais certaines formations se sont fait remarquer, sur VS ou ailleurs, citons par exemple EX INFERIS, LE GRAND GUIGNOL, KARBONIZED TRAITOR, SCARRED… Voilà un groupe qui devrait s’ajouter à notre petite liste et en devenir un des combos marquants, j’ai nommé RETRACE MY FRAGMENTS. Formé en 2006 par des musiciens ayant déjà fréquenté d’autres formations, le groupe signe une première démo la même année puis un premier EP/album (?), Vertizontal, en 2008. Se situant entre Metalcore et Death progressif, RETRACE MY FRAGMENTS montrera déjà qu’il n’a pas beaucoup de limites et nombre d’influences pour son style bavard et foisonnant. Le groupe, malgré des changements de line-up, en profitera pour tourner un max et deviendra vite un des habitués du No Man’s Land situé à Volmerange-les-Mines (à seulement quelques mètres de la frontière luxembourgeoise), petit bar dont la multiplication de concerts d’obédience Metal depuis quelques années et assez impressionnante… Ce n’est pas encore la Rockhal (ceci dit le groupe y a probablement déjà joué) mais RETRACE MY FRAGMENTS est un groupe en devenir, qui aura encore eu l’occasion de se faire remarquer en première partie de BENIGHTED et ASPHYX à Metz il y a quelques semaines. Auparavant, le groupe a signé en 2011 l’EP Prelude: Assaka Moro Mekka Tekk, prélude (ah bah oui) à leur premier véritable album Ethereal Flux sorti en 2014. Dont il va être question dès à présent mais attention, on s’accroche, car RETRACE MY FRAGMENTS propose un sacré voyage dans les étoiles.

Quand on parle de Death progressif, les concepts ne sont jamais loin et RETRACE MY FRAGMENTS y est allé à fond. Leur chanteur Antonio nous a en effet concocté une histoire de science-fiction assez fouillée pour illustrer les paroles de Etheral Flux. Le livret dépliable contenu dans le digipack de l’album présente même une carte d’un système stellaire, que l’on trouve d’ailleurs représenté sur la pochette de l’album. Pour des planètes bien sûr évoquées dans les paroles mais pas tant que ça, vu que l’histoire de Ethereal Flux fait partie d’un concept bien plus élargi d’Antonio… Les morceaux de l’album sont divisés en chapitres, et les paroles sont contées par une multitude de personnages, une bonne partie est même chantée en français. Une histoire complexe qui parle de technologies, de conquêtes galactiques, de paix et de guerres entre civilisations ainsi que leurs histoires, de destruction de populations et d’écosystèmes… Il faut suivre et d’ores et déjà, des groupes comme KALISIA et SYMBYOSIS ne sont pas loin dans la démarche, ainsi que dans la musique vu que comme dit, RETRACE MY FRAGMENTS donne également dans le Death progressif. Vertizontal, présenté comme « plus hardcore » par le groupe par rapport à ce qu’il fait maintenant, était déjà assez fouillé et Ethereal Flux enfonce le clou dans la continuité.

Concrètement, RETRACE MY FRAGMENTS donne dans un Death-Metal technico-progressif teinté de Metalcore/Deathcore et n’hésitant pas à bien creuser le côté « progressif » suscité, en partant dans des plans jazzy ou des bidouillages électroniques. Le chant est partagé entre growls, cris et chants clairs. Les instrumentistes luxembourgeois multiplient les plans guitaristiques plus ou moins complexes, entre grosses rythmiques à la limite du breakdown, cavalcades metalcoresques et leads/mélodies techniques et progressives. RETRACE MY FRAGMENTS est donc typique d’un Death progressif cérébral qui m’apparaît comme un croisement entre GOROD et BETWEEN THE BURIED AND ME, seconde influence qui semble évidente, citée par le groupe au milieu d’autres grands noms divers et variés comme TOOL, NECROPHAGIST, NILE, CEPHALIC CARNAGE, THE RED CHORD, DEATH, THE DILLINGER ESCAPE PLAN, OBSCURA... Une tambouille pas si éloignée que ça de celle proposée par SLATSHER qui avait foulé les planches de Metz quelques semaines seulement avant eux, et qui ont déjà fréquenté le No Man’s Land aussi (ils ont peut-être même déjà joué ensemble…), le tout dans une version plus prog encore, et plus personnelle. Du BTBAM en plus « Death à growls et gros riffs », ou à l’inverse du NECROPHAGIST en plus « core » et avec moins de tapping/sweeping et autres branlettes de manches. Je pense même à du BLACK CROWN INITIATE en moins moderne et « américain ». Ceci pour un album de 13 titres et 63 minutes pas facile à aborder mais qui ne fera pas peur à tous les amateurs des groupes de Death technique cités plus haut. RETRACE MY FRAGMENTS fait donc son entrée dans ce petit monde de musiciens chevronnés grâce à un beau concept et un bon album, pour un groupe un peu foufou sur les bords, ce qui est presque obligatoire pour pratiquer un genre si bavard musicalement.

Dans pareil genre de Death, inutile de dire que RETRACE MY FRAGMENTS est du genre à ne pas tenir en place, de changer de plans toutes les 10-20 secondes et de rarement faire deux fois la même chose au sein même d’un morceau. Avant la déferlante, on se pose et on rentre dans le système multistellaire d’Ajeytram grâce au beau prologue "Cosmic, The Future", électronique et déjà résolument progressif. Mais RETRACE MY FRAGMENTS balance déjà ses rythmiques et ses leads en bout de course, pour embrayer sur le premier chapitre « The Successor », constitué du seul "Treewe’s End". En quelques dizaines de secondes les luxembourgeois passent déjà par un tas de styles de riffs death différents (death gras, death brutal, techno-death, deathcore… on aura même le droit à un solo thrashy ensuite !) et montrent qu’ils n’ont pas vraiment de limites, tandis que Antonio beugle en français avec classe. Un court break de basse et on est parti pour des chants plus hurlés, avant que le groupe ne reprenne ses multiples schémas « death ». Avec l’excellent "Rime of the Instant Space Traveller" qui ouvre le deuxième chapitre (« Evolution Is the Path ») de manière assez puissante, RETRACE MY FRAGMENTS continue à poser son style, en faisant notamment apparaître des chants clairs et des mélodies plus léchées. Et à partir de là, les éléments musicaux de Ethereal Flux sont quasiment posés à 100%, le groupe ne va pas dévier de sa ligne et c’est plutôt le cœur même des morceaux qui est varié, avec cette remarquable faculté de passer d’un style rythmique à un autre avec des breaks, des solos, des départs et re-départs et autres assauts plus ou moins death, plus ou moins core et plus ou moins mélodiques, le tout accompagné de variations de chant ; plutôt que l’album dans son ensemble vu que chaque morceau applique presque la même recette à chaque fois. Ethereal Flux est donc plus à prendre comme un tout plutôt que de chercher des morceaux singuliers, qui ne se distinguent pas trop entre eux dans l’absolu, malgré quelques particularités ici et là (l’intro de "Llaskapp", l’instrumental "Quiescence", le break presque oriental (!) de "Deusillusion (The Deomatrians)" où le chant clair en français ressemble presque à celui de Cornelius de SOLEFALD sur Neonism) ainsi que la séparation de l’album en six chapitres (plus un prologue et un épilogue).

C’est donc un peu dommage car les séparations dans l’histoire ne trouvent pas vraiment d’écho dans la musique et le concept se situe avant tout dans les paroles et l’emballage. Ethereal Flux est donc légèrement répétitif, mais pas vraiment linéaire, car on se laisse prendre au jeu sans se lasser et ce malgré la durée de l’album. Et surtout, RETRACE MY FRAGMENTS est tout de même inspiré dans son Death technico-progressif qui regorge de moments forts. "The T-Gene" est une grosse tuerie, les rythmiques sont percutantes à souhait et les divers enchaînements sont géniaux, le côté imprévisible du groupe qui change d’humeur musicale toutes les 15 secondes fait ici mouche, sans partir dans le gros bordel, ce qui reste une performance en soi. "Llaskapp" assure niveau assauts brutal-death et passages deathcore/metalcore (oui, les deux à la fois !). Les grosses rythmiques de "A Wormhole Fed by Hatred" cartonnent. "The Blue Failure" se lâche au niveau des leads et autres sweepings. Le départ de "Deusillusion (The Deomatrians)" est particulièrement croustillant. Les riffs de "Gaia Interion" sont excellents. Et le fleuve "Universal Ties" (9 minutes) avec un peu avant lui "The Wise Fear Widsom (The Kkreys)" résume bien tout ce que les retraceurs de fragments ont à nous proposer pour leur premier album ambitieux, album qui se termine par l’instrumental "Quantic Spacetime Distortion" on ne peut plus « progressif » entre solos et électronique.

Au-delà de son côté un peu redondant, Ethereal Flux montre que sur la forme, RETRACE MY FRAGMENTS est encore capable de mieux. La production est déjà bien efficace, mais elle reste à améliorer, notamment pour le grain des leads, et l’ensemble sonne parfois un peu trop rêche pour le genre. Le chant clair n’est pas encore totalement maîtrisé, mais les growls bien plus présents sont eux très convaincants. Le groupe doit encore mieux construire ses morceaux, plus varier ses arrangements pour pondre des morceaux plus remarquables, et il ne fait nul doute qu’il pourra rivaliser avec les grands noms du Death progressif sans trop de mal. Surtout avec pareil fond et cette histoire cosmique « space opéra » qui pourrait faire office de base à un jeu vidéo de type 4X style Endless Space. Le groupe devrait d’ailleurs incessamment sous peu creuser ce concept et le présenter à l’aide de vidéos. Pour le moment, la musique est là et cartonne un minimum dans ce genre de Death-Metal multi-cartes très réussi, entre technique débridée et efficacité rythmique, sans trop en foutre partout même si on a vu plus digeste. Les indécrottables amateurs de tous les groupes qui triturent le Death-Metal à l’aide de technique et de progressivité pourront trouver ce groupe excellent dans son registre, ou alors trouver qu’il n’apporte vraiment rien de neuf, quoi qu’il en soit il y a ici un gros potentiel et si Ethereal Flux n’est pas une réussite totale, il possède déjà de belles qualités surtout pour un groupe qui sort son premier full-length en autoproduction (tout en recherchant un label, au passage, je fais un appel), avec un beau concept en sus. Qui n’a pas été entièrement marié à la musique mais pour la forme et pour les compositions, Ethereal Flux est un très bon album et en attendant de savoir si RETRACE MY FRAGMENTS pourra devenir un groupe singulier de Death technico-progressif, espérons que ce genre d’album peut servir de locomotive à la scène luxembourgeoise qui possède quelques formations très intéressantes.




Rédigé par : ZeSnake | 15/20 | Nb de lectures : 9568




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