Quel plaisir de revoir les bourrins de ZAPRUDER de retour après le cinq titres "Straight From Horse's Mouth" ! Des bourrins ? Genre comme des gorets qui jouent de la mule ou genre comme un homme a tête de cheval qui scrute avec attention ce qui se passe au bout du tunnel ? Tout ce que tu veux mon gars, car les ZAPRUDER sont de retour et, selon toute vraisemblance au vu de leur énergie, ils l'ont tout mangé le canasson !

C'est bien simple, tout est mieux dans ce premier album ! Les petits crachotements techniques du premier E.p ont laissé place à un groupe vorace, affirmé dans ses choix stylistiques et solidement ancré sur ses appuis techniques. Les explosions chaotiques sont vrombissantes, les accélérations véritablement furibondes et les changements d'humeurs drivés par une envie irrésistible de créer des paysages et des architectures nouvelles, modernes et innovantes. Tantôt interprétées en anglais, tantôt en français, les compositions de "Fall in line" nous invitent à un voyage inquiétant et mouvementé où se mêlent avec rage les plaisirs d'une sombre poésie à la douleur d'une déflagration de chevrotine. Je vous conseille d'ailleurs à ce propos, et pour comprendre pleinement "Fall In line", de lire le passionnant "Track by track" que Vs a récemment consacré au groupe. Ils y expliquent la genèse de l'album, l'explication étrange du titre, les process de composition des morceaux... bref le petit guide idéal pour se frayer un chemin dans le labyrinthe complexe de cet album passionnant.
Personnellement, ce qui me plait le plus dans "Fall in line", c'est ce groove rock n'roll très énergique que l'on retrouve sur des morceaux comme "Cyclops" ou "Modern idiot". Malgré ce que l'on pourrait croire, taper un "Poum ta" basique qui sonne la mort n'est pas donné à tout le monde... et c'est justement parce qu'il n'y a pas de difficulté technique apparente que ça rend l'exercice complexe.
Dans l'intro de "Cyclops" par exemple, le groupe débute sur un Blast fulgurant avant d'enchaîner sur un bon vieux rythme bien retro qu'ils ne tardent pas à "bourrinifier" à grands renforts de double pédale survitaminée (dommage d'ailleurs qu'on ne l'entende pas plus). Malgré l'aspect crado du son général, les riffs respirent, s'étouffent et s'évaporent au fur et à mesure que le groupe vide ses douilles sur les chansons complexes qu'il proposent tout au long de cet album. Des arpèges ambiants de "Je ferais de ma peau une terre où creuser" (sublime morceau progressif où ZAPRUDER mêle étrangeté à exaltation) au funk bipolaire de "Modern Idiot", ZAPRUDER ose, s'aventure et s'égare dans un fatras de hurlements et de mélodies tout aussi terrifiantes qu'incroyablement charpentées.
Impossible de passer sous silence le superbe solo de Sax sur "Delusion Junction" qui apporte un véritable plus à la chanson sans paraitre une seule seconde incongru ou capillotracté. C'est certainement là, la force de "Fall in line" car on n'est ni surpris par la violence brutale de certaines chansons ni étonné par certaines envolées très musicales, très mélodiques et au final très réussies. Et si ce que je vous dis vous parait un peu abstrait, allez écouter "Monkey on my back" ci dessous. Muni d'un texte très réussi et d'une belle succession de montagnes russes, il est la tête de proue de cet album, la synthèse d'une énergie qui se veut la fois immédiate et réfléchie, et la personnification musicale d'un groupe qui pilonne les murs en essayant d'y dessiner des œuvres d'arts. En clair, ce sont des hallucinations de bûcherons sauvages exécutés par des mains d’ébénistes confirmés... à moins que ce soit l'inverse. L'espoir en tout cas d'une belle aventure musicale qu'on espère pérenne.




Rédigé par : Pamalach | 15,5/20 | Nb de lectures : 10963