Dubstep. Un mot pour désigner une musique ultra-tendance du moment, qui sur la base de projets britanniques de qualité a finalement accouché d’un genre commercial, trendy et putassier, vulgairement rebaptisé « Brostep » à cause des types à grosses Ray-Ban, polos rose et bleu moulants et casquette de Douchebag qui jumpent sur le dancefloor de SKRILLEX et co. L’aspect commercial et « trop swag » du genre a poussé un certain nombre de groupes opportunistes à s’y mettre, on citera bien sûr en exemple MUSE mais à divers niveaux d’autres ont également basculé dans la mouvance, INFECTED MUSHROOM par exemple. Plus près de nous, c’est KORN qui a plongé dedans, ainsi que ENGEL et de nombreuses formations de Crabcore. Plus loin de nous (mais pas trop loin), la scène Electro-Indus commence à s’y mettre. C’est ainsi qu’on a récemment pu entendre du « wawawawa wwt wwwwwt » chez des groupes comme IN STRICT CONFIDENCE ou EDEN SYNTHETIC CORPS (honorable groupe portugais de Dark Electro), mais personne n’a encore osé tenter une fusion complète avec le Dubstep. Hélas, trois fois hélas, même un des groupes les plus importants voire même légendaires du genre s’y est mis, à savoir FRONT LINE ASSEMBLY. Heureusement, ce n’était qu’à l’occasion de la BO du jeu vidéo AirMech sortie l’année dernière, ou au détour de ces quelques morceaux instrumentaux on pouvait entendre des sonorités typiques du -step. Rien de bien méchant et on se doutait bien que la bande à Bill Leeb, qui a grandement participé à la création et à l’évolution du genre Electro-Indus depuis 1986, allait se remettre dans le droit chemin et nous livrer un nouvel excellent album, histoire de bien succéder au très bon Improvised.Electronic.Device (2010).

« Et là, c’est le drame » (phrase favorite de la voix off de l’émission « Plein les yeux » diffusée entre 1997 et 2003 sur TF1)

Je n’ose imaginer le true fan qui s’est dit « FLA sort son nouvel album, je le précommande et je n’en écoute aucun extrait jusqu’à ce que je le reçoive », et qui se met le skeud dans le lecteur et tombe sur le début de "Leveled" après l’intro "Resonance" qui n’annonce rien de particulier. BZEUUUT WAWAWAWA WWWWT WWWWWWT. Oui, c’est bel et bien la dure réalité de Echogenetic, le 13ème album (porte poisse ?) full-length de FLA, pardon F7A, ça fait plus branché. Bon ok, dans le pire des cas, on pouvait penser que le groupe allait balancer un album régulier avec quelques incursions de Dubstep ici et là comme AirMech, admettons. Mais non, ils sont allés plus loin. « Yes, yes you do » comme ils disent sur "Killing Grounds". L’Electro-Indus n’est même plus majoritaire, c’est du Dubstep à tous les étages. Le seul truc qui permet d’identifier FLA à coup sûr, c’est la voix typique de Bill Leeb, c’est dire. Pour le reste, c’est montées de basses, subs et gimmicks electro/techno typiques du genre. Misère. Inutile de dire qu’on a plus l’impression d’avoir affaire à un album de remixes façon Dubstep d’un album lambda de FLA, et on a surtout envie de dire « allez Bill on a bien rigolé, elle sort quand la vraie version de l’album, la version Indus ? ». En quelque sorte, Echogenetic est le Illud Divinum Insanus de FRONT LINE ASSEMBLY, mais si MORBID ANGEL proposait quelques vrais morceaux de Death au milieu de ses exagérations électro, là le vrai Electro-Indus de FLA il est difficile à trouver… « Release the shistorm ».

Encore le groupe aurait fait un album 100% expérimental à la manière de FLAvour Of The Weak, on aurait pu apprécier la démarche mais ce n’est pas le cas de Echogenetic. On sent la volonté de F7A de faire des morceaux réguliers, mais avec du Dubstep. C’est simple mais c’est très agaçant. Pour se rassurer, je lis ici et là que l’album aurait quelques influs IDM. C’est pas faux, mais à vrai dire on ne retrouve que des gimmicks IDM/glitch sur "Leveled" et sur "Blood", ce qui est bien peu significatif. Donc dans l’ensemble, c’est du Dubstep avec Bill Leeb qui chante dessus. Quel Dubstep allez-vous me dire, le trve Dubstep ou le Brostep à la con ? Eh bien le pire dans tout ça, c’est que Echogenetic est sans cesse le cul entre deux chaises -step. On sent l’envie de proposer du Dubstep bien lourd reconnu des puristes ("Leveled", "Deadened", "Echogenetic") mais le tout est bien vite parasité par des gimmicks Brostep insupportables (vous savez ce genre de bidouillages techno/noise ou des trucs qui ressemblent au son que vous pouvez faire quand vous retenez de l’air dans vos joues, ou les sons que vous produisez quand vous avez le hoquet). Echogenetic a dans le ventre une pseudo-mixture Dubstep/Electro-Indus qui ne prend absolument pas. Pourtant "Leveled" est convaincant et assez efficace d’emblée grâce à son aura assez sombre, et heureusement les lignes vocales de Leeb sont là pour relever un peu le tout et rendre les morceaux de cet album un minimum accrocheurs. "Killing Grounds" serait un parfait tube, notamment grâce aux couplets explosifs pour le coup purement Electro-Indus, si l’on pouvait en retirer les parties Dubstep et techno inutiles. C’est le meil… le moins pire morceau de Echogenetic, car de toute façon c’est après que ça se gâte.

Vous ne l’avez peut-être pas déjà remarqué, mais je conchie le Dubstep et en particulier sa frange pour bros. Et comme en plus je suis un inconditionnel de FLA ça ne va pas aller de toute façon… mais quoi qu’il en soit, "Blood" ne fait qu’aligner montées Dubstep, refrains plus percutants et breaks éthérés avec tous les gimmicks du -step balancés un à un. Aucun intérêt. "Deadened" propose quelques incursions électroniques intéressantes en plus de vocaux robotisés excellents, mais comme toujours on déplorera l’effet « remix dubstep » avec des wat wwt wwwt putassiers au possible. Même chose pour le morceau-titre, également dans la lignée de "Leveled", qui présente pourtant un refrain très prenant au milieu de rythmiques Dubstep téléphonées. F7A ne perd pas certaines de ses habitudes et propose toujours des plages plus posées, mais en tentant de mixer des trucs dans la lignée de "Angriff" et "Afterlife" avec leur foutu Dubstep de mes deux, c’est la cata. "Ghosts" est une horreur commerciale et niaise avec un abominable refrain vocodé et des ambiances dignes d’un mauvais COVENANT époque Northern Light, "Heartquake" qui clôt l’album n’est pas beaucoup plus glorieuse avec les exagérations Brostep casse-bonbons du refrain. En revanche "Exo" évacue le Dubstep pour nous proposer un morceau plus électro-indus, ENFIN, sauf que ce morceau est archi-poussif et beaucoup trop long, indigne de FLA. Raté ! Reste alors "Prototype", morceau purement Dubstep aux montées très efficaces qui aurait pu faire office de bonne BO à un blockbuster, mais comme c’est une piste instrumentale on se demande bien ce qu’elle fout sur un album de FRONT LINE ASSEMBLY : ça ne ressemble en rien à du FLA, de près ou de loin, c’est totalement hors sujet. Et enfin "Exhale", nom d’une pipe en bois "Exhale" : non franchement Bill dis-moi que c’est une blague parce que là on t’imagine aisément avec la panoplie du bro derrière tes platines en bougeant le bras avec les rythmes Brostep. Sérieusement…

Que s’est-il passé ? J’ai tout de même du mal à croire que Leeb, chantre de la musique industrielle depuis plus de 27 ans, ait subitement découvert le Dubstep, style mononeurone et trendy par excellence, et ait trouvé que c’est trop de la balle pour en foutre partout dans son projet principal. Il aurait pu réserver ça à DELERIUM : tout le monde semble désormais se foutre de ce projet dont les meilleures années sont derrière lui. Parce que salir FLA avec des subs et des basses de la sorte, c’est très moyen. Ou alors Leeb n’est plus aux commandes ? Chris Peterson, qui avait maintenu le son du groupe courant fin 90's/début des années 2000 après le (premier) départ de Rhys Fulber, n’est plus de la partie et ceci pourrait expliquer cela. Mais parmi les autres membres actuels de F7A, aucun ne semble avoir un parcours musical qui justifie de subitement faire du Dubstep. Non, et c’est ça qui est le plus grave finalement, seule la tentation opportuniste semble expliquer ce déplorable virage, et au vu de sa carrière FLA n’a pas franchement besoin de ça, surtout que Improvised.Electronic.Device avec ses grattes inattendues était en marge de toute hype. Et ce n’est pas fini, car quand on lit les réactions des fans et les premières chroniques, tout semble être parfait et cet album est « amazing », du « pure FLA stuff » (???), pire encore le virage stylistique vers du bullshit dub/brostep semble être passé sous silence. Où sont passés les vrais fans de FLA, ceux qui ne jurent que par Tactical Neural Implant et Hard Wired, ceux qui n’avaient même pas trop aimé la période avec Peterson et/ou celle du retour de Fulber ? S’ils se sont barrés en toute discrétion, ça veut dire que les fans actuels de F7A aiment le dubstep aussi, même le plus opportuniste et putassier ? Ah mais oui c’est vrai, « si FRONT LINE ASSEMBLY fait du Dubstep ça sera bien et ça sera mieux que tout le Dubstep actuel », mais bien sûr... le même refrain que pour Illud Divinum Insanus. Putain de groupies...

Soyons honnêtes 5 minutes, il n’y a strictement aucune recherche musicale ou quelconque originalité sur Echogenetic, le Dubstep n’est là que pour faire-valoir et pour qu’on puisse se dire « F7A fait du Dubstep », convenu et horripilant qui plus est. C'est du Dubstep lambda et impersonnel, avec la voix de Bill Leeb, un peu d'Electro/EBM, et emballez c'est pesé pour 58 minutes qui font vibrer les baffles et la piste de danse de la boîte de nuit. Le soi-disant mariage avec l’Electro-Indus n’est pas du tout au point, et pourtant j’espère que le groupe aura la décence d’en rester là et de revenir vers quelque chose de plus classique. « Yes, do it again » : de grâce, non merci. J'aurai sans problème accepté un nouveau Implode ou n'importe quoi d'autre de la disco (sauf FLAvour Of The Weak) tant que ça reste bien (je n'ai aucun doute là-dessus), mais pas ça, pitié. S’il y a 2-3 choses intéressantes à en tirer et que de toute façon je dois avouer que je déteste le Dubstep donc je ne suis absolument pas objectif, Echogenetic est dans l’ensemble un véritable naufrage, inutile, opportuniste, parfois ridicule et pitoyable, et indigne d’un groupe qui vaut bien mieux que de tomber dans les abysses du Dubstep, alors que malgré sa longévité il était toujours en forme il y a de ça 3 ans. Devant l’afflux incompréhensible de critiques positives pour cet Etron Génétique, il est grand temps que quelqu’un ose dire les choses et remette les points sur les i : Bill, ton Dubstep, on en veut pas.


Rédigé par : ZeSnake | 06.5/20 | Nb de lectures : 13352