David Mancilla - OVERCOME RECORDS par VSGREG - 2330 lectures
Overcome est mort, vive Overcome.

L'un des fondateurs du label rennais devenu distributeur avec les années a bien voulu prendre son temps et se motiver à repondre à quelques questions suite au dépot de bilan des activistes bretons.



Comment vas-tu et vis-tu les evenements qui accompagnent le dépôt de bilan d'Overcome ?
Eh bien ce n'est pas la joie… nous sommes tous déçus de cette situation… mais bon, il faut encore travailler et finir cette histoire le plus rapidement et le plus proprement possible… Par ailleurs, il faut aussi qu'on tourne la page rapidement et penser à nos avenirs professionnels, car la vie continue et les factures continuent à arriver…


Ce depot de bilan concerne t-il à la fois le label et les activités de distribution d'Overcome ?
Le dépôt de bilan, concerne toutes les activités de l'association Overcome Records : le label, la distribution pro, la vpc, l'organisation de concerts, tournées, management, conseil, etc. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que depuis 2002 l'activité économique principale de l'association était la distribution, donc sa faillite entraîne aussi les autres activités…


Comment expliques-tu la dégradation de la situation d'Overcome qui a mené à ce depot de bilan ? Qu'avez vous tenté de faire pour rétablir la situation du marché ?
Il y plusieurs explications et un certain nombre de facteurs qui rentrent en jeu. Mais l'évidence est la chute des ventes de disques en France (aussi bien en magasin, qu'en vpc et aux concerts). En ce qui concerne la distribution professionnelle, ce phénomène a engendré des pratiques de plus en plus pénalisantes pour les indépendants et encore pire pour nous, spécialisées dans les musiques extrêmes… la dégradation de la situation a commencé en début 2006…
D'après notre analyse, les principaux facteurs de ce marasme sont :
- Le phénomène de concentration de l'offre dans les réseaux de distribution (magasins) depuis 3 ans (de moins en moins de titres proposés dans les magasins)
- La réduction d'espaces dédiés aux disques dans les GMS (grandes surfaces spécialisées ; Fnac, Virgin, etc.) au profit du DVD, des jeux vidéos et matériel informatique, etc. Cette réduction s'accompagne aussi par une réduction de personnel, qui se traduit souvent par le licenciement du vendeur spécialisé en Metal / Indé…
- Le phénomène encore plus récent de densification des stocks dans les magasins (des commandes plus petites, et une gestion des stocks en flux tendu)
- La course aux retours de la part des magasins. Les disquaires donnent de moins en moins de chances aux disques dans les bacs, s'ils ne se vendent pas aussi rapidement qu'ils le souhaitent ils sont vite retournés au distributeur. Ceci raccourci de façon dramatique la durée de vie d'un disque, qui passe de 2 ans à 3 mois !!! Il faut garder en tête qu'un disque d'un artiste Indé se vend beaucoup plus lentement que celui d'une major matraqué à coups de publicité, marketing et promo… Bref, une méthode de hypermarché a atteint ce secteur…
- Le prix du disque et la TVA à 19,6 (la plupart de magasins margent comme des oufs les disques achetés entre 7 et 9 euros H.T.)
En fait il y a une réelle désolidarisation du disque de la part des magasins et autres acteurs de ce marché. Plus de prise de risque. Certains ont même décrété que le support CD était déjà mort et font donc tout pour vendre le moins de disques possible, et ainsi licencier à tout de bras et vendre à la place d'autres choses, du matériel multimédia notamment.
A cela vous ajoutez une marginalisation de la part des médias de nos sorties au profit des sorties de majors ou de gros Indés, notamment au niveau des médias nationaux (radios, télés, presse), et la situation financière d'Overcome qui a toujours été très fragile, nous n'avons pas pu affronter cette mutation. On s'est fait aspirer par une crise qui ne concerne donc pas seulement la vente des disques, mais les changements du marché et du traitement des flux de stocks… entre autres…
Nous avons mis en place plusieurs choses au niveau marketing, promo (ouverture d'un bureau à Paris), stimulation commerciale, remises, arrangements divers, partenariats, on avait lancé une boutique en ligne en novembre dernier qui avait très bien démarré, bref on a lutté grave pour trouver des parades à chaque nouveau coup bas du marché, mais ce marché a été plus fort que nous…


Cela fait plusieurs années que tout le monde parle de la baisse des ventes du disques. As-tu des exemples concrets ou chiffres à donner a nos lecteurs afin d'illustrer ces baisses de ventes ?
A titre d'exemple, un groupe comme BORN FROM PAIN qui a sorti ses 2 premiers CD sur GSR il y a quelques années, ils se sont vendu aux alentours de 1000 ex chacun en France, tu vois les 2 albums d'après sur Metal Blade (l'un des plus gros labels de Metal) avec plus de moyens et la réputation que le groupe a aujourd'hui, n'ont vendu que quelques centaines, entre 300 et 500 de chaque… Pourtant, aujourd'hui BORN FROM PAIN bénéficie en France d'une bien meilleure réputation qu'à leur débuts, pourtant ils tournent aujourd'hui beaucoup plus en France et dans des salles de plus en plus grandes et il y a de plus en plus de monde aux concerts… C'est un exemple qui est très parlant, un groupe dont le succès a été croissant, mais dont les ventes de disques diminuent… Ceci est un exemple dans la scène Metal Hardcore, mais il est identique dans les scènes proches. Un autre exemple, MORBID ANGEL a vendu plusieurs centaines de milliers de leur premiers albums, aujourd'hui ils ne dépassent plus les 30 000 CD's vendus !


Nombreux sont ceux qui accusent le telechargement et Internet en general pour expliquer cette baisse. Les fans sont-ils entrain de tue l'industrie ?Quelle est ton opinion a ce sujet ?
Eh bien j'ai bien lu tous les commentaires et le débat qui s'en est suivi après l'annonce de notre dépôt de bilan sur votre site… J'ai participé à plusieurs reprises à ce débat dans de nombreux sites web, forums, lors de réunions professionnelles, avec des médias, lors de tables rondes, avec des élus, nous avons même obtenu un rendez-vous avec le ministre de la Culture Donnedieu de Vabres où nous l'avons interpellé sur la situation des labels / distributeurs indépendants en France… Bref, accuser le téléchargement gratuit comme le seul responsable de la baisse des ventes de disques est réducteur. Il est néanmoins indéniable que ce phénomène fait baisser les ventes de disques, c'est un fait. Mais il y a un certain nombre d'autres facteurs, pour certains très profonds et difficiles à expliquer, qui font que les disques se vendent moins… déjà les nouvelles pratiques du secteur énoncés plus haut ont pas mal contribué à cette baise des ventes…
Le téléchargement et le piratage ont pris une telle ampleur aujourd'hui qu'on est arrivé à voir une nouvelle génération de jeunes pour qui le fait d'acheter de la musique est infondé, pourquoi acheter quelque chose qu'on peut se procurer gratuitement ? Il y a aussi le fait qu'aujourd'hui on peut « pirater » de façon beaucoup plus simple et massive… Auparavant quand on piratait un disque, il fallait l'emprunter à quelqu'un (donc quelqu'un qui lui l'avait déjà acheté), puis faire la démarche d'acheter une cassette ou un CD vierge, puis le faire avec du matos convenable… Aujourd'hui c'est beaucoup plus simple et rapide ; on se ballade simplement avec une clé USB ou alors avec son lecteur MP3, puis on pompe l'ordinateur du pote qui vous a invité boire l'apéro, contenu que lui a déjà téléchargé gratos, ou alors il vous pompe depuis votre lecteur MP3… Cela, je pense a fait beaucoup plus de ravages dans la baisse des ventes de disques que le téléchargement en lui-même.
En fait les fans de musique pointus achètent toujours autant de disques (ou presque) et le fait de télécharger leur permet plus de faire un choix que de se servir gratuitement, sauf cette nouvelle génération dont j'ai parlé plus haut… les gens qui appartiennent à la communauté « Indé » sont d'abord passionnés et savent qu'ils participent à une scène musicale de cette façon. Le ravage vient plutôt des gens moins passionnés qui auparavant achetaient un disque parce qu'en allant boire l'apéro chez leur pote ils écoutaient un son qui leur a plus, ils demandaient qui c'était, puis quelques jours plus tard achetaient le disque, situation qu'on a pratiquement tous vécus… Ou alors en écoutant un titre à la radio ou en lisant une chronique dans un magazine ou autre… Maintenant c'est fini, c'est direct téléchargé sur e-mule, dans la clé USB ou sur le lecteur MP3 qu'on a dans la poche… On pirate chez ses potes, au bureau, au bahut… Ce phénomène nous a par contre fait plus mal, car les disques que nous distribuons sont achetés en gros par 60% de gens qui sont « fans » et 40% par des gens moins passionnés mais qui ont justement flashé sur tel ou tel truc pour une raison ou une autre et ce sont ces ventes qui nous font défaut….
Il faut aussi ajouter les changements des modes de consommation des gens, il a 5 ans on ne consommait pas autant de téléphone portable, ni de DVD, ni des jeux vidéos, ni d'Internet, ni de High Tech, etc. Donc le budget CD a aussi diminué…
On peut aussi ajouter le phénomène de surproduction que connaît aujourd'hui le marché du disque, il est à la portée de presque tous les groupes de sortir un album, ou de créer son label. Il y a donc trop de disques sur le marché et ils se vendent mal, car généralement quand un artiste sort un album, il est attendu par ses fans, c'est un accomplissement. Aujourd'hui c'est le contraire, on sort son album et on cherche ses fans pour qu'ils l'achètent… On prend donc de la place dans les magasins et les médias au détriment des bons disques qui pourraient eux bien se vendre, mais comme je l'ai expliqué plus haut, pour rester dans les bacs longtemps il faut vendre beaucoup et vite, sinon on est vite oublié…
Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'en ce qui nous concerne, nous sommes dans une niche et bien que les ventes de disques aient souffert, la crise n'est pas aussi dramatique qu'on voudrait nous le faire croire. Comme je le disais, les passionnés d'une scène achètent toujours presque autant, mais le problème pour un indé comme nous, réside dans la façon dont le marché du disque et les médias marginalisent notre culture. Notre exposition, aussi bien dans les magasins, sur Internet et dans les médias souffre d'une relégation au minimum syndical et d'un désintérêt chronique de leur part… Nous souffrons d'un « délit de sale musique »… A ceci on ajoute le problème des nouvelles générations qui sont intoxiquées par le tout gratuit et le manque de culture « indé », ce qui empêche le renouvellement générationnel des membres de la scène « Rock Indé » au sens large du terme…


Penses-tu que la fin de vie du support/media CD soit proche ?
Non, je pense que le CD survivra à cette crise, il sera, comme le vinyle ou le livre, un support de contenu culturel… L'objectif principal d'un artiste est la réalisation d'un album, cet album se concrétise dans un support CD (et vinyle pour les plus authentiques) et d'une esthétique propre : pochette, livret, visuels…


Quelles vont etre les repercussions pour tous les labels et groupes distribués par Overcome ?
Les labels assez importants, ont pour certains déjà trouvé d'autres distributeurs, ce sont surtout les artistes autoproduits et petits labels qui se retrouvent plus dans la merde… J'espère qu'ils arriveront à rebondir…


Overcome a un peu plus de 10 ans. Te lancerais-tu à nouveau dans l'aventure aujourd'hui . meme en connaissant la fin de l'histoire ?
Oui, à 100% ! Overcome représente l'accomplissement de mes idéaux nés lors de ma jeunesse et de mon évolution idéologique. Quand j'ai commencé à me passionner pour la musique mon rêve était de monter sur scène en jouant de la guitare, je l'ai fait avec STORMCORE, on a tourné et joué avec pas mal de groupes dont nous rêvions de jouer (Madball, Sick Of It All, Neglect, Earth Crisis, Integrity…), puis de sortir un disque, on l'a fait en s'autoproduisant. Cette expérience m'a appris, entre autres, à comprendre combien il était difficile pour un groupe de « musique extrême » d'évoluer dans un pays comme la France, où la culture Rock était quasi inexistante et où il n'existait pratiquement aucune structure appropriée pour le développement de la scène Hardcore. A partir de là, l'envie de monter un label, d'organiser des concerts, des festivals, de faire tourner des groupes, de faire un fanzine, une émission radio, de distribuer des disques d'artistes de la même scène musicale est née et s'est développée au fur et à mesure que je m'investissais dans la scène Hardcore, Metal, Punk, Indé, etc. Overcome est donc l'accomplissement de mon envie de faire partager la musique que j'aime, les idées qu'elle véhicule, et toute la culture qu'elle représente. Pour moi (et tous les gens qui ont travaillé avec moi) il était indispensable d'exister pour monter au créneau et montrer que nous existions, et que nous avions notre place dans le paysage musical / culturel en France. Nous étions une alternative réelle à la culture musicale merdique imposée par les multinationales et les médias.


Un message mot pour nos lecteurs ?
D'abord un grand merci à tous ceux et celles qui nous ont soutenu pendant ces 10 années d'activisme ! Nous avons passé des moments formidables ! Ensuite, il ne faut surtout pas baisser la garde. Notre culture est en danger, et quand je parle de culture il s'agit des scènes Hardcore, Metal, Punk, Rock Indé. Les multinationales se foutent du marché du CD, ce qui les intéresse c'est de vendre de plus en plus d'ordinateurs, des portables, de la FAI, des lecteurs MP3, etc. de mieux vous ficher pour mieux vous faire consommer et ainsi s'enrichir encore plus… la crise que subit le marché du disque en est significative et alarmante… Pour l'instant la majorité d'entre nous ne voit pas ce qui nous attend, beaucoup se disent qu'avec Internet on n'a plus besoin d'intermédiaires… Mais la disparition de magasins spécialisés, distributeurs, labels, aura comme effet à moyen terme de freiner le développement des artistes et de notre scène musicale, puis de notre culture. Ce n'est pas Myspace ni You Tube qui feront fonctionner des milliers de groupes, mais la passion des gens investis dans chaque scène. Votre participation en assistant aux concerts, en achetant les disques des groupes que vous aimez, en diffusant autour de vous les messages divers qui émanent de notre culture, en s'investissant dans les différentes activités de notre scène, etc. Il faut que la flamme continue de brûler…


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