Dans la famille des albums très attendus de la rentrée, Temple Of Shadows, la nouvelle création des Brésiliens d’Angra, fait figure d’aîné. Comme dirait l’autre, tout le monde en parle, nous avons donc profité du passage à Paris du groupe entier (car venu jouer au festival de Raismes) pour faire le point avec Eduardo Falaschi, Felipe Andreoli et Aquiles Priester.

Quelles nouvelles depuis votre dernière visite en France en avril 2002 (Edu est revenu plus tard avec les deux guitaristes pour la promotion de Hunters And Prey mais bon, vous n’allez pas chipoter !) ?
Edu Falaschi : Après ces concerts, nous avons continué la tournée dans le monde entier. Nous nous sommes rendus compte que Rebirth marchait vraiment bien. Après la sortie de Hunters And Prey, nous avons commencé à travailler sur ce nouvel album, Temple Of Shadows. L'enregistrement a débuté en décembre 2003, une partie au Brésil et l'autre en Allemagne. En mai, Rafael et moi sommes allés au studio de Dennis Ward (qui a déjà produit Rebirth) pour enregistrer le chant et les chœurs.

Lorsque vous avez entamé les discussions sur ce nouvel album, quelles idées ressortaient ?
Comme il s'ennuie ferme en attendant de prochaines interviews, Felipe Andreoli se joint à nous pour répondre à cette question : Pour l'album précédent, nous avions dû préserver l'image et le style d'Angra pour que les fans ne soient pas trop déboussolés après notre arrivée (Edu Falaschi, Aquiles Priester et Felipe Andreoli ont rejoint le groupe en 2001 après le départ d'Andre Matos, Ricardo Confessori et Luis Mariutti). Pour Temple Of Shadows, nous avons souhaité nous défaire de ces chaînes qui limitaient notre créativité. Il fallait que le résultat soit une rélle avancée tout en étant connecté avec le passé musical d'Angra. Bref, le mot principal des premières discussions était le mot liberté.

Liberté y compris pour vous trois ?
Aquiles Priester : Oui, beaucoup plus que sur Rebirth et Hunters And Prey. Edu s'est vraiment lâché au niveau du chant, je me sens plus à l'aise avec les fûts et Felipe a créé des lignes de basse fantastiques. De leur côté, Kiko (Loureiro) et Rafael (Bittencourt) ont mis plus de heavy dans leurs parties de guitare. Nous avons tous eu la liberté d'être nous-mêmes, tout simplement.

Kiko et Rafael vous ont-ils encouragé ou avez-vous composé naturellement sans savoir ce que vos idées deviendraient ?
Felipe : Ils ne nous ont jamais limités de toute façon. Il est certain que ce sont les deux compositeurs principaux et que nos idées ne pouvaient être utilisées que dans la mesure où elles leur plaisaient et où elles convenaient à l'album.

Edu : Il ne faut pas oublier que nous avons déjà composé des morceaux sur Rebirth ! J'ai écrit seul « Nova Era » et « Heroes Of Sand » et avec les autres « Judgement Day » et « Bleeding Heart », le titre bonus pour le Japon.

Felipe : Quand une chanson est bonne, peu importe qui l'a composée.

Edu : A vrai dire, c'est Dennis qui décide quelle chanson doit figurer ou non sur l'album.

N’est-ce pas lui laisser une trop lourde responsabilité ?
On peut ne pas être d'accord avec ses choix, ne pas aimer son travail. Je sais qu'en France, la production de Rebirth n'a pas été très appréciée, mais nous ne pouvons pas raisonner en ne pensant qu'à la France. Les fans français sont plus exigeants que ceux des autres pays. Il reste que les choses ont changé pour cet album, tant au niveau de la production que de nos interprétations respectives. Ma voix est très différente sur Temple Of Shadows. Elle est plus forte, plus puissante, égale à ce qu'elle était avant Angra. Sur Rebirth, je devais contrôler ma voix, ce n'était pas totalement moi.

Felipe : Dennis nous connaît mieux aujourd'hui qu'à l'époque de Rebirth. Il a mieux cerné nos envies et les nécessités de l'album. Aquiles a eu beaucoup de choses à lui demander ! Très honnêtement, nous n'étions pas non plus satisfaits avec tout l'album. Nous avons pu, cette fois, changer des points qui ne nous convenaient pas.

Aquiles : Durant l'enregistrement, j'ai voulu jouer comme sur scène. Dennis m'a laissé plus de d'espace pour ce faire. J'ai par exemple choisi la position des micros comme je le fais sur scène. Il nous a tous laissés faire comme nous l'entendions. Je suis très satisfait du résultat car on peut entendre tout ce que je joue.

Edu, tu dis que ta voix sur Temple Of Shadows est très différente, mais plus proche de ce qu’elle est en réalité. Pour le coup, on la reconnaît à peine !
Edu : Je n'irais pas jusque-là ! Sur Rebirth, je devais chanter de façon plus douce, mais j'ai quand même laissé pointer ce que j'étais capable de faire. Sur Temple Of Shadows, je confirme et je signe !

Tu dis chanter comme tu chantais avant, mais est-ce un progrès dans ce cas ?
Oui, bien sûr, car je ne cesse d'apprendre. Ma performance sur cet album est la meilleure de ma carrière. Et cet album est le plus sophistiqué d'Angra.

Ce mot semble important car les arrangements sont recherchés. On peut supposer que vous avez sué sang et eau sur ce point !
Felipe : Tu m'étonnes !

Edu : Nous avons énormément répété pour ça. Nous avons voulu vous en mettre plein les oreilles ! Angra n'est pas qu'un groupe de speed-metal, nous avons bien d'autres choses à montrer.

Felipe : Nous avions la responsabilité de faire mieux que jamais et c'est, je crois, ce que nous avons fait.

Edu : Rafael a conduit un quatuor à cordes, Kiko a joué du piano, j'ai joué de la guitare acoustique, nous avons reçu des invités. On ne s'est pas moqué de vous ! D'ailleurs, l'album s'est déjà vendu à plus de 20 000 exemplaires au Japon.

Quels sont ces invités ?
Du monde du metal, il y a Sabine Edelsbacher de Edenbridge sur le titre « Spread Your Fire », Kai Hansen (Gamma Ray) sur « Temple Of Hate » et Hansi Kursch (Blind Guardian) sur « Winds Of Destination ». De plus, Milton Nascimento, un chanteur brésilien très connu, a chanté sur « Late Redemption ». C'était important pour nous de montrer ces différentes facettes.

Qu’en est-il des textes de Temple Of Shadows ?
Felipe : Rafael a écrit un concept assez polémique sur la religion et la phislosophie. Il s'est servi de l'histoire d'un chevalier qui, pendant une croisade au XIe siècle, finit par se poser des questions sur la pertinence de son combat, sur l'Eglise. Il parvient à se faire sa propre opinion sur la religion, mais il est tué car il ne pense plus comme il faut. Donc nous avons utilisé cette histoire pour établir un parallèle avec les événements d'aujourd'hui.

Avez-vous aidé Rafael à écrire cette histoire ?
Non, mais nous avons tous beaucoup discuté de ce sujets. Le Brésil est un pays très catholique, nous avions tous forcément une idée sur la question. Les Brésiliens sont pour la plupart très croyants et pas vraiment indépendants d'esprit. Les pauvres acceptent leur condition, personne ne rechigne car Dieu est bon, etc.

Mais ne vous cachez-vous pas derrière cette histoire au lieu de vous exprimer directement sur la religion aujourd’hui, dans votre pays et d’autres ?
C'est un parallèle évident. En lisant les textes, on comprend tout de suite, il ne faut pas chercher un sens caché, c'est lumineux ! Il y a beaucoup de passages de la Bible dans les textes et des parties explicatives aussi. Et nous ne sommes pas là pour donner une façon de penser. Nous avons chacun notre façon de voir les choses et voulons juste inciter les gens à se poser des questions. En quoi croyons-nous ? Comment ? Que faisons-nous pour changer ce qui est mal ?Acceptons-nous les différences ?

A quand la tournée ?
Felipe : Nous avons déjà joué au Brésil deux fois, mais les choses sérieuses vont débuter en octobre. L'année prochaine, nous irons en Europe et au Japon, en Corée, à Taïwan, en Australie peut-être. Nous aimerions aller dans de nouveaux endroits. Nous serons en France en janvier.

Edu, parle-nous de ta collaboration au projet Genius de Daniele Liverani.
Et bien Daniele m'a appelé et m'a proposé de chanter sur l'une des chansons du deuxième volet. J'ai d'abord voulu écouter la chanson, qui est une ballade. J'ai enregistré au Brésil pendant deux jours. Je suis heureux et fier de faire partie d'un projet aux côtés d'artistes vraiment prestigieux comme Eric Martin (Mr. Big) ou Russell Allen (Symphony X). L'album est excellent.

Aquiles, où en est Hangar ?
Nous avons dix-huit chansons et espérons que l'album sortira en janvier ou février 2005. Nous avons récemment joué quelques fois au Brésil et je sens que le groupe a grandi.

Grâce à toi ?
Oui (rires) !