Jeff « Mantas » Dunn - M:PIRE OF EVIL par LAURENT BENDAHAN - 5392 lectures
Il est certain que les chances de revoir un jour Cronos, Mantas et Abaddon sur une même scène restent très minces. Mais cela n’a pas empêché le grand Mantas de relancer la machine à riffs avec M:Pire Of Evil, aux côtés de son ami de toujours, Tony « Demolition Man » Dolan (Basse / Chant, également ex-venom). Bien plus heureux qu’avec ses anciens acolytes, notre guitariste mène sa barque en toute liberté, avec une féroce volonté d’aller de l’avant, sans pour autant renier son héritage musical. Place à ce vrai créateur, reconnu comme l’un des pères fondateurs du metal extrême…




Jeff, il y a eu un changement majeur dans le groupe, votre Batteur Marc Jackson étant parti. Que s’est-il passé ?
Hum, c’est juste que Tony et moi voulions que les choses se déroulent selon notre conception. Marc est très jeune et je pense qu’il y avait un décalage entre nous. Ce que je regrette, c’est que nous n’ayons pas été plus clairs dès son arrivée sur ce que nous attendions de lui. J’ai réalisé avec le temps que nous avions besoin d’un membre de notre génération. Mais ce split s’est fait sans heurts. Il n’y a pas eu de grandes disputes. D’ailleurs, nous continuons à communiquer par téléphone et par email. Il reste un ami et nous lui souhaitons le meilleur pour ses futurs projets.

Et vous avez recruté Francesco La Rosa…
Oui, c’est Tony qui est entré en contact avec lui par l’intérimaire de Peso, batteur de Necrodeath, qui nous l’a fortement recommandé. Nous avons donc décidé de tenter le coup avec lui pour une date de festival, sans aucune répétition, moi vivant au Portugal, Tony à Londres et Francesco en Italie. Tout s’est super bien déroulé. Il connaissait les morceaux sur le bout des doigts. Il est un grand professionnel. Nous avions même inclus dans la set list des nouveaux titres de Venom datant de l’ère « Tony Dolan », comme « Black legions » que nous n’avions jamais joué sur scène.

Avez-vous déjà commencé à travailler sur le successeur de Hell To The Holy (2012) ?
Oui, nous avons écrit quatorze nouveaux titres. A présent, nous devons prendre le temps de tout mettre à plat et d’entrer en studio ; mais ce n’est pas pour tout de suite car cette année, nous sommes occupés à faire des concerts. J’ai déjà repéré un super studio en Allemagne, et je compte co-produire le disque avec un ami. Tout ce que je peux dire pour le moment, c’est que je suis très fier du matériel composé.

Actuellement, es-tu plus branché par le speed ou le heavy ?
Un peu des deux. Dans ce groupe, nous n’avons pas envie de nous restreindre en quoi que ce soit. Si nous voulons jouer un bon vieux thrash, nous le faisons. Si nous voulons explorer des registres plus groovy, c’est idem. Tant que nous restons heavy avec de bons riffs, notre objectif est rempli. Je n’aime pas toutes ces classifications des styles de metal. Venom a créé le black metal et tout le monde s’est engouffré dans la brèche. M:pire Of Evil veut se démarquer de tout cela et se place sous la bannière du heavy metal au sens large.

Comprends-tu que des festivals comme le Keep IT True te demandent de jouer des shows exclusivement dédiés à Venom ?
Oui, et je sais que ce genre de requête ne cessera d’affluer. Ce groupe est quand même composé de deux ex-Venom ayant sorti trois albums ensemble. Les fans veulent légitimement entendre ces chansons. Les morceaux d’M:pire bénéficient également de bonnes réactions, mais nous sommes conscients de ne pas pouvoir échapper à une partie de set list consacrée à Venom. Ce serait comme si Ace Frehley ne jouait pas « Cold Gin ». C’est notre héritage. Et puis musicalement, en dehors des conflits d’ordre personnel, je reste très fier de tout ce que j’ai fait avec Venom. Il faut aussi savoir que la plupart du matériel figurant sur les premiers albums a été composé par moi, avant même que Cronos ne rejoigne le groupe. Je n’ai donc aucune raison de renier cette période. Si je veux jouer ces morceaux, je le ferai, c’est aussi simple que ça !

Quelles relations entretiens-tu avec tes fans ?
Je dois avouer que dans les années 80, je refusais de venir à leur rencontre. Signer des autographes me gonflait au plus haut point. A l’époque, pour me faire signer des discographies complètes, il fallait se lever tôt ! Mais j’ai changé, et je ne le regrette pas car j’ai appris à apprécier ces échanges. A chaque fois que je rencontre les fans, il y en a toujours pour me dire :
« Tu es Venom ! Sans toi, Venom n’existerait pas. Sans toi, il n’y aurait pas de metal extrême. »
Je suis honoré par une telle sollicitude. Ainsi, lorsque je quitte la scène, je quitte mon statut d’artiste, je redescends sur terre, et je me joins au public pour discuter, prendre des photos et signer des autographes. Ces jeunes fans n’étaient même pas nés quand Welcome To Hell (1981) est paru. Je prends un immense plaisir à échanger avec eux. Et eux me le rendent en me disant :
« Merci pour cette musique, merci d’avoir changé la face du heavy metal ».

As-tu une idée du nombre de copies de Welcome To Hell et Black Metal que vous avez vendu dans le monde ?
Absolument pas ! Cela doit faire un sacré paquet d’exemplaires ; mais jusqu’à ce jour, je n’ai jamais reçu de royalties de Neat records. Je n’ai donc aucune idée du nombre de copies.

De plus, Neat a été maintes fois racheté. Cela ne doit pas être une tâche facile…
Tu as raison. Sanctuary qui a racheté Neat, a fini par se casser la figure, et a été repris par Universal, lui-même géré par BMG. Je crois que nous ne saurons jamais combien Venom a vendu de disques. J’ai pu parler à des gens du business qui m’ont affirmé que nous devrions largement être disque d’or. Nous étions très jeunes lorsque nous avons commencé, et ces questions ne nous préoccupaient pas. Tout ce qui nous intéressait était de partir en tournée et de voir nos albums dans les bacs.

De plus, Neat s’en est donné à cœur joie en éditant vos disques sous de très nombreux formats...
Oui j’ai vu ça… Tout cela fait peut-être plaisir aux collectionneurs, mais à mes yeux, il ne s’agit que de repackaging des mêmes albums. J’ai eu l’occasion de rencontrer des tas de collectionneurs. Encore aujourd’hui, je signe des centaines et des centaines d’albums de Venom. Je pense que toutes ces versions, ces coffrets, font partie d’une machine à fric bien huilée ne profitant qu’aux maisons de disques. Jamais je ne verrai un centime de ces versions dérivées. Combien de fois je signe des pièces que je n’ai jamais vues de ma vie. Un jour, j’ai repéré sur ebay une version de Black Metal en vinyl vert, soit disant authentique, vendue par un grand collectionneur pour 3500 euros ! Mais en y repensant, je suis quasi-persuadé qu’aucun vinyl vert n’a été édité par Neat Records. Tu sais, à l’ère de la technologie, il est très facile pour n’importe qui de faire presser vingt vinyls de telle couleur ; quant à la pochette, avec Photoshop, reproduire l’artwork est un jeu d’enfant. Tout est possible de nos jours. C’est pourquoi je doute de l’authenticité de certains produits.



M:Pire Of Evil est annoncé au Keep it true d’avril prochain, pour un show avec invité spécial. Des rumeurs parlent d’Abaddon. Peux-tu confirmer ?
Pour le moment je ne dirai rien (sourire). Effectivement, tout le monde me parle de lui. Peut-être que oui ? Peut-être que non ? Ce que je peux dire, c’est qu’il y aura bientôt une annonce officielle qui fera plaisir aux « true fans » de venom.

Abaddon a perdu pas mal de son audition au cours des ans. Peut-il vraiment jouer de la batterie ?
Je n’en sais rien. A ma connaissance, il n’a rien fait de notable depuis 1997, pour l’album Cast In Stone (Ndlr : Dernier album studio de Venom avec la formation d’origine Cronos, Mantas et Abaddon ». Et encore, il avait complètement foiré sa session. Figure toi qu’il avait enregistré une première fois ses parties de batteries. Puis je suis venu pour enregistrer les guitares, mais j’ai vite remarqué que quelque chose clochait. Tous ses rythmes étaient bancals et le tempo ne cessait de fluctuer. Je me suis donc tourné vers le producteur en lui disant : « Qu’est-ce que c’est que cette merde ? » ; et ce dernier de répondre : « Désolé, mais c’est ainsi qu’Abaddon a joué et il m’est impossible de rattraper ça ! ». Nous l’avons donc fait revenir pour tout réenregistrer, mais cette fois au métronome. Le résultat était moins catastrophique, mais le producteur a dû recaler tous ses coups avec Pro Tools. Au final, ce n’est plus vraiment Abaddon que vous entendez. Le plus drôle, c’est que je suis persuadé qu’il ne sait toujours pas aperçu de notre bidouillage en studio pour rattraper ses bourdes.

Il semblerait qu’il soit encore en activité, ayant donné quelques shows avec Tyson Dogs il y a trois ans…
Hum, je connais bien les gars de Tyson Dogs. Je les ai même produits. Ces shows n’était pas fantastiques. Je crois qu’Abaddon a actuellement un groupe sous son propre nom, mais j’ignore ce que cela donne.

Est-ce que tu penses que votre producteur originel Keith Nichols comprenait le son de Venom ?
Personne ne comprenait notre son, ni Keith, ni nous-mêmes. Si tu entends un jour Cronos ou Abaddon prétendre « Nous avons fait ceci ou cela pour créer notre son », soyez certains que ce ne sont que des conneries. Nous n’avions aucune idée de ce que nous produisions en studio. Nous n’étions que des jeunes gars jouant le plus fort possible. Keith a depuis été sollicité par des tas de groupes voulant exactement le son de Venom, mais il leur répondait :
« Je n’ai aucune idée de la manière de procéder. »
Ce n’étaient que des captures de situations à un moment donné. Je n’avais aucun son spécifique de guitare. Tout ce que vous entendez vient directement des enceintes. C’est tout ce que je peux dire….

Comment perçois-tu Welcome To Hell et Black Metal aujourd’hui ?
Ces disques ont certes été enregistrés il y a trente ans, mais ils passent toujours l’épreuve tu temps. Ils ont un son sale laissant à désirer ; mais les chansons, elles, on su toucher le cœur des gens ; et c’est ce qui compte. Tout comme je l’ai fait pour Judas Priest ou Kiss, ce que je retiens des albums n’est pas la production mais les morceaux. Si une chanson me touche et me donne envie de secouer la tête, il ne m’en faut pas plus pour me rendre heureux.

En 1988, tu quittes Venom et tu sors dans la foulée Winds Of Change, ton premier album solo, dans un trip « heavy / hard FM ». Quel souvenir en gardes-tu ?
Oh man, cet album a fait l’effet d’une bouffée d’air frais ! Qu’est ce que j’ai pris mon pied ! Il m’a permis d’aborder différents styles en toute liberté. Je suis conscient de représenter pour beaucoup de gens LE guitariste de Venom, celui qui a créé toutes ces riffs extrêmes ; mais j’aime aussi la guitare et la musique dans son ensemble.



Est-ce que tu penses que tes successeurs dans Venom Comme Mike Hickey, Jimmy Clare ou Rage respectent ton héritage ?
Je l’espère, mais d’un autre côté je m‘en fiche un peu. Ceci dit, je sais qu’il y a un morceau que Venom ne joue plus du tout. C’est le cas de « Die Hard », dont aucun de mes successeurs n’a pu comprendre le fonctionnement. Ce sont mes riffs joués avec un style qui m’est propre, et malgré leur talent, ils ont tous été confrontés au même problème. Même Mike, qui est un excellent guitariste m’a demandé comment je jouais « Die Hard ». Je lui ai simplement répondu que je ne savais pas, ne m’étant jamais posé la question. Je joue ce qui sonne bien à mes oreilles, c’est tout.

Peux-tu à présent parler de quelqu’un que peu de gens connaissent, Clive Archer (Ndlr : Premier chanteur de Venom de 1979 à 1980) ?
Clive nous a rejoints en même temps qu’Abaddon. Je me suis tout de suite bien entendu avec lui car il aimait Judas priest tout autant que moi. Et c’est naturellement qu’il s’est installé au poste de chanteur. La seule et unique raison pour laquelle il n’est pas resté était son goût pour le rock théâtrale, avec cette tendance à changer de costume entre les morceaux. Il n’arrêtait pas de se maquiller le visage en blanc, ce qui lui donnait un air blafard. Je voulais autre chose pour le groupe, ne désirant pas copier Kiss ou Alice Cooper. Ironie, du sort, dix ans après, une flopée de formations apparaissait en « corps paint », dans un style très proche de celui de Clive. Cronos n’était à l’époque que bassiste, mais un jour, je lui ai demandé de chanter « Live Like An Angel », et la sauce a pris de suite. C’est ainsi que nous sommes devenus un trio.

As-tu des nouvelles de Clive ?
Je l’ai rencontré récemment à un concert de Judas Priest et nous avons parlé du bon vieux temps. Il a toujours ses cheveux très longs. Il continue à jouer de la musique, mais plus dans le domaine du blues.

As-tu des enregistrements datant de cette époque « quartet » ?
Oui, j’ai à la maison une démo répétition de 1979 complètement inédite avec Clive chantant « Buried Alive », « Raise the dead », « Angel Dust » et « Red Light Fever ». Mais elle ne sera probablement jamais diffusée car Cronos garde le contrôle du groupe.

Comment Cronos a-t-il pu mettre la main sur Venom, qui était pourtant ton groupe ?
C’est une triste histoire que je qualifierais d’abus de faiblesse. En 2005, après trois ans d’inactivité, il m’a téléphoné pour me demander s’il pouvait réactiver Venom tout seul avec d’autres membres. A l’époque, ma mère était mourante. J’étais littéralement dévasté, et certainement pas en état de parler musique ou business. Je lui ai alors dit :
« Fais ce que tu veux ! Je n’en ai plus rien à foutre. Ma mère va mourir ».
Voilà toute l’histoire…

As-tu quand même gardé un contact avec lui ?
Non, aucun ! A un moment, il était question de « reunion show ». Nous avions alors échangé des emails très cordiaux ; mais quelques jours plus tard, il accordait une interview où il m’insultait de la manière la plus enfantine. J’ai trouvé cela pathétique. Après ce coup là, plus aucune communication n’est possible…
Auteur
Commentaire
ZeitGeist777
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2015 à 22h42 - (1581)
Ça fait plaisir de voir des questions intéressantes (sur le premier album solo, sur le premier chanteur...). Merci.



david110869
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2015 à 10h36 - (1582)
le groupe jouera au Klub le dimanche 24 mai prochain avec THRASHBACK et DEATHRONED. :)



jo
IP:78.221.98.52
Invité
Posté le: 08/04/2015 à 12h35 - (1583)
MPIRE OF EVIL & GRAZED qui reprennent Manitou de VENOM en studio www.youtube.com/watch?v=DI-osKr4mLc

Dispo en Cd sous le titre "Double Jeopardy"

Fred / INHUMATE
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2015 à 13h47 - (1584)
Excellente interview pour en savoir un peu sur VENOM, par contre le pauvre Mantas doit quand même se dire, à l'issue d'icelle, que M:PIRE EVIL, tout le monde s'en fout....



Arioch91
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2015 à 13h57 - (1585)
Chouette interview !

Ca m'a donné envie d'écouter les premiers VENOM, chose que je n'ai jamais faite.

Et M:Pire, j'y jetterais bien un oeil aussi par la même occasion.



Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2015 à 23h37 - (1586)
MANTAS s'en tire bien en comparaison des récents VENOM qui sont nul à chier.

Arioch91
Membre enregistré
Posté le: 09/04/2015 à 09h44 - (1587)
J'ai posé une oreille sur Youtube hier soir pour écouter le dernier M:Pire Of Evil.

Ben je trouve que ça l'fait drôlement bien !

Juste après, j'ai écouté un titre du dernier Thrashback et du dernier Ultra-Violence. J'ai trouvé ça fade en comparaison.

phil
IP:148.163.88.66
Invité
Posté le: 09/04/2015 à 10h30 - (1588)
Morbid Tankard le dernier Venom est excellent. Tu es d'un ridicule...

Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 09/04/2015 à 12h51 - (1589)
D'la merde, le dernier VENOM mais quand même moins pourri que ceux d'avant. Après, à chacun ses goûts de chiotte, n'est-ce-pas ?

Humungus
Membre enregistré
Posté le: 11/04/2015 à 11h02 - (1590)
De très bons albums et superbe groupe en live. Juste une patate énorme le sieur Demolition Man.
Je serai même tenté de dire qu'ils sont plus jouissifs sur scène que VENOM.

PS : Au passage, assez bien vu Fred/INHUMATE... Mais est-ce que Mantas n'est lui-même pas plus intéressé par VENOM que par M:PIRE OF EVIL ? Vaste question.

Beck
IP:108.61.223.157
Invité
Posté le: 11/04/2015 à 17h59 - (1591)
Le dernier Venom est excellent. Leur meilleur depuis le grandiose Resurection.

SABBAT71
Membre enregistré
Posté le: 18/04/2015 à 07h17 - (1594)
Le dernier Venom est effectivement très bien. Interview très intéressante, bonnes questions et pas de langue de bois, super !

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