Yoann (Basse) - GRORR - TRACK-BY-TRACK par ZESNAKE - 5141 lectures
GRORR a récemment sorti son 3ème album intitulé "The Unknown Citizens", via ViciSolum Records. VS et le groupe vous proposent d'en savoir plus sur cet album, en l'écoutant tout en lisant une interview Track-by-Track.



Titre de l'album :
Le nom de l'album vient d'un poème de W.H. Auden intitulé « The Unknown Citizen ». C'est l'épitaphe d'un citoyen ordinaire dans une société à la « 1984 ». Il a accompli tout ce qu'il fallait pour être qualifié de citoyen modèle et sans histoire. Le poème fini sur cette simple question : « Fut-il libre ? Fut-il heureux ? La question est absurde ; s'il y avait eu quelque chose qui clochait, nous l'aurions certainement su ».
C'était un excellent point de départ pour notre histoire.
Après Anthill on a très vite décidé de repartir sur un album-concept. Mais on voulait des histoires plus courtes afin d'avoir plus de variétés dans les ambiances (et aussi dans la composition). On aime les fables, et on n'avait pas forcément envie d'avoir des héros. Plutôt des gens ordinaires comme nous. Ceux qui ne sont pas dans les livres d'histoire mais qui y ont participé eux aussi.
The Unknown Citizens ce sont les gens ordinaires, les oubliés de l'histoire, ceux qui font que la machine tourne mais dont on ne retient pas le nom. On avait envie de leur rendre hommage car on en fait partie !


Artwork :
L'artwork a été réalisé par Egle Zioma. C'est une talentueuse artiste lituanienne que l'on a trouvé en cherchant sur internet. On a craqué sur son style très personnel avec ce côté « révolution industrielle » qui collait bien à l'époque où se déroule l'histoire. On a hésité à demander 3 artworks très distincts afin de marquer encore plus les différentes parties, mais finalement on lui a laissé de la liberté, et on a bien fait !
Dans le livret on trouve une illustration pour chaque personnage de l'histoire (aucun n'est clairement identifiable si ce n'est par sa « fonction »). La pochette quand à elle représente « le citoyen inconnu ». C'est un peu tout le monde et personne à la fois. Egle lui a flouté le visage et l'a habillé avec des pièces de plusieurs tenues qui se mélangent.



Production / Studio :
Depuis nos débuts nous travaillons avec Gilles Lahonda pour le mixage/mastering. En plus d'être talentueux c'est aussi un ami. Au fil des albums nous avons réussi à créer et parfaire notre son ensemble. Nous sommes très satisfaits du résultat, car le défi du mixage de The Unkown Citizens était de taille :
- Comme sur notre précédent album Anthill, nous voulions un son « organique » se mariant harmonieusement avec tous les instruments ethniques utilisés.
- Mais on voulait aussi quelque chose de plus lourd et plus précis. Du coup on a fait pas mal d'essais en amont. On maquette toujours entièrement nos albums afin d'avoir une vue d'ensemble. C'est indispensable pour ce genre de concept.
Toutes les prises instruments et chants ont été réalisées « à la maison ». On s'est occupé nous-mêmes de l'enregistrement et de l'édition des pistes. Nous n'avions pas les moyens de passer en studio, mais aujourd'hui avec un minimum de matériel et de motivation, on peut tout faire.
On a aussi collaboré sur 1/3 de l'album (la partie « The Worker ») avec un groupe de musiciens traditionnels occitans nommé Artùs. Ils ont joués de la vielle à roue, du violon, du tambourin et on fait des chants polyphoniques. Ils ont leur propre studio donc ils se sont occupés eux-mêmes de leurs prises.
Sur la partie « The Fighter » l'édition midi de la section cuivre et certaines orchestrations ont été assurées par Hugo Tromp, un spécialiste que l'on a déniché via internet.


Musique, Cinema/DVD, livres, jeux ?
Au tout début de la composition, on a lu beaucoup de contes. On cherchait une histoire qui nous donnerait envie d'en faire un album. On a donc lu des contes du monde entier. Mais on a trouvé notre bonheur par hasard sur le net. On voulait écrire les thèmes musicaux des personnages avant le reste, du coup on a écouté pas mal de B.O. de film, musique classique et traditionnelle. On va citer les B.O. de Conan le barbare, Dracula (celui de Coppola), Star Wars et Little Boudha. Le Sacre du Printemps de Stravinski, Nusrat Fateh Ali Khan et les albums de Jonas Hellborg. Dans la voiture c'était aussi l'époque de Koloss (MESHUGGAH), L'enfant sauvage (GOJIRA), Deconstruction (DEVIN TOWNSEND), Weightless (ANIMALS AS LEADERS) et Måsstaden (VILDHJARTA).

Ah oui, l'envie d'avoir des chants occitans pour le « travailleur » vient de « Attention Danger Travail » de Pierre Carles qu'on a vu y'a longtemps. Il y'avait une séquence avec un chant occitan sur des images de travail à la chaîne et ça nous avait marqué à l'époque !



Track-by-Track :

1. The Fighter – "Pandemonium"
L'album est segmenté en 3 parties de 3 morceaux. La première partie narre la vie d'un combattant. On a imaginé un poilu de la première guerre mondiale. Dans ce titre, on le découvre en pleine tranchée juste avant un assaut. On lui a dit d'aller défendre son pays, mais là tout de suite, il a peur, se sent dans la peau d'une proie et ne pense qu'à survivre. Puis doucement les rôles s'inversent et il trouve un moyen de survivre en passant du statut de proie à celui de chasseur. Dans ces instants il libère une « bête » au fond de lui et perd son humanité. Pandemonium est la capitale des enfers, et cela évoque bien ce que l'on doit ressentir quand on court dans la boue sous les obus et le feu ennemi avec tout le monde qui meurt autour de soi.

Les 30 premières secondes sont des ambiances de pré-combats. On a récupéré des sons de respirations, obus etc… dans des films sur la première guerre mondiale. On introduit aussi la section cuivre ainsi que le motif rythmique qui sous-tendra les 2 premiers morceaux. On peut attribuer des motifs rythmiques ou mélodiques à des personnages ou des actions. Comme dans la musique indienne, on va bâtir un morceau (ici 3 morceaux puisque c'est le même personnage) autour d'une même gamme (raga chez eux).

Le morceau est construit autour d'une même boucle rythmique de 32 temps. L'idée était d'évoquer un sentiment de martèlement et de rouleaux-compresseur qui vont finir par provoquer un bouleversement dans la personnalité du combattant. Cela se traduit en musique sur la fin. En modifiant légèrement la boucle rythmique, l'effet produit change pour évoquer le passage de proie à chasseur (soutenu par le thème de cuivre).

Suit un interlude musical qui passe du thème de la guerre à celui de la « paix »


2. The Fighter – "Facing Myself"
Le combattant est ici de retour à la vie civile. Mais le traumatisme subi le rend inadapté à une telle vie. Il se bat constamment contre ses démons et essaie de les cacher aux autres. Il y'a d'ailleurs un dialogue récurrent avant chaque refrain entre sa « bête » intérieure et son moi sociable.

Le morceau débute avec les thèmes de la « paix » et du combattant, toujours soutenu par notre boucle de 32 temps (on est dans le prolongement de l'histoire), qui s'est considérablement simplifiée. On revient au motif rythmique « guerrier » sur les ponts ou la « bête » parle. On finit le morceau sur la question : Comment vivre en société avec ce démon à l'intérieur ?


3. The Fighter – "Oblivion"
Il s'est passé beaucoup de temps et on retrouve notre personnage en fin de vie pour un bilan. On en est à l'épitaphe du poème de W.H. Auden. Il a combattu quand il a fallu, est rentré de la guerre, a fondé une famille, mais a du aussi toujours se battre contre sa « bête » qui s'était réveillée à la guerre. Il s'est « bien » adapté et c'est pourquoi il y'a un fossé encore plus grand (dans la musique) entre ce que l'on perçoit de lui (les couplets calmes) et son vieux combat intérieur (les refrains). Le titre s'appelle Oblivion (oubli). Le personnage finit par perdre la mémoire en vieillissant et finalement trouve la paix en oubliant sa « bête ». Il dit d'ailleurs dans le dernier couplet qu'il « a le sentiment confus d'avoir perdu quelque chose ». Il meurt en paix, c'est pourquoi on finit sur le thème de la paix enrichi. Et puis on n'a pas pu s'empêcher un petit clin d'œil avec les « get out » qui réapparaissent à la fin (parce qu'on aime bien les fins ouvertes dans les histoires).

Sur ce morceau on a invité notre pote Lokx le chanteur de YURAKANE à venir hurler sur le refrain avec Bertrand. Le mélange de leurs voix donne un côté encore plus « monstrueux » à la chose.


4. The Worker – "Don't Try to Fight…"
La deuxième partie est celle du travailleur. C'est la génération suivante, celle qui doit reconstruire ce qui a été détruit par la guerre. Dans ce premier morceau on a un personnage qui subit ce qui lui arrive (comme le combattant), mais là on a affaire au travail dans son sens premier (tripalium = mot latin désignant un instrument de torture). Il ne s'agit pas de s'épanouir dans son travail, mais d'aliénation. En écrivant l'histoire on a entre autre pensé à la génération sacrifiée japonaise qui s'est tuée à reconstruire après la seconde guerre mondiale. Le titre évoque une autorité supérieure qui le contraint.

Sur l'intro on a couplé des bruitages de machine à vapeur avec les instruments d'Artùs. Les sonorités de leurs instruments apportent un côté « grinçant » qui mêlé à des sons de machine recréé bien une ambiance industrielle malsaine. On alterne des passages lents et lourds (comme une grosse usine qui nous écrase), avec des parties mécaniques qui avancent (comme un rouage qui te concasse). Un truc sympa comme une vie passée dans un boulot de merde… La gamme et les thèmes utilisés sont à l'avenant.

La transition reprend le thème principal, mais la façon dont la vielle le joue, fait penser à une machine bancale à moitié cassée.


5. The Worker – "You Know You're Trapped…"
C'est le passage de l'histoire ou il n'en peut plus. Il est épuisé, désespéré et se sent prisonnier de sa condition. C'est sûr il va se tuer à la tâche. On laisse néanmoins une lueur d'espoir en fin de morceau là où la mélodie s'illumine en passant en accord majeur.

La musique est ici majoritairement lente et lourde. On a l'apparition des chants polyphoniques occitans qui amplifient le côté complainte (ils reprennent les textes de Bertrand). mais ils symboliseront aussi l'espoir plus tard… Les instruments trads joués dans « The Worker » sont le tambourin, la vielle à roue et le violon.


6. The Worker – "But Still Hope…"
Le rythme se relance en même temps que le travailleur reprend du poil de la bête. Il taffera jusqu'au bout comme un damné, mais c'est par l'héritage qu'il léguera à ses enfants que sa vie trouvera un sens. On a pensé un temps appeler l'album « héritage » ou « récolte » car chaque génération lègue un monde différent à la suivante. Mais bon ça ne sonnait pas bien en anglais ! Bref le bilan pour le travailleur, c'est qu'il a connu une vie « d'esclavage » mais il meurt serein en pensant que ce n'était pas en vain car ses enfants en profiteront…

Dans la musique ça se traduit par une phase de « machine qui se remet en marche » pour finir par une mécanique bien huilée à la fin. Mais ici c'est différent du premier morceau, l'ambiance est beaucoup moins « glauque ». Avec les voix et les accompagnements des thèmes, tout est « un peu » plus optimiste.


7. The Dreamer - "Unique"
La « dernière » génération de notre histoire, est celle du rêveur. Il naît dans un monde en paix, ou l'économie se porte bien, ne connaît ni la faim ni le besoin. Il a donc d'autres préoccupations. C'est un peu la génération hippie (qui finira comme dans notre histoire trader à Wall Street). Le premier morceau s'appelle "Unique" et raconte comment le personnage passe d'une pensée collective (le bien commun) à quelque chose de plus individuel. Chaque être est précieux (unique). Il refuse de suivre les diktats que le système lui impose et décide de vivre en marge de celui-ci dans sa propre communauté…

On est ici dans une ambiance « spirituelle », on a donc opté pour des instruments indiens (Sitar, Tampura, Tablas) et le titre commence sur un « mantra » qui dit « je ne suis pas un esclave, je vais m'échapper ». La chanson en elle-même est un « mantra », puisque on a une boucle rythmique de 32 temps qui structure l'intégralité du morceau (en musique indienne c'est un Tala).

On est dans un mid tempo qui avance mais sans s'emballer avec des mélodies et un chant en mode cool. Mais il reste toujours des machines dans les parages qui turbinent (il n'a pas encore quitté la ville).


8. The Dreamer - "A New Circle"
Sans transition on retrouve notre personnage dans sa nouvelle communauté. Ils se sont bâti un « monde » avec leurs règles et leurs valeurs. Mais ce cadre idyllique n'empêche pas de connaître le doute. Et comme notre rêveur aime dramatiser, on l'entend dans les refrains tel Moïse en train d'implorer le ciel de l'aider à trouver la vérité.

La musique alterne passage calmes en arpèges avec ces moments de doutes lors de refrains massifs. On retrouve un thème au Sitar déjà présent dans "Unique" ainsi que son prolongement et cela symbolise simplement la progression de la réflexion du personnage.


9. The Dreamer - "Alone at Last"
Dernière partie, on retrouve le rêveur pour son bilan : Tous les membres de sa communauté sont retournés dans la société et œuvrent désormais pour le système. Il reste seul estimant être parti trop longtemps et trop « loin » pour revenir. Il mourra accroché à ses convictions mais en marginal. Sa société alternative à échoué. Ce passage me rappelle « Las Vegas Parano » quand ils parlent de la génération hippie qui a du se confronter à ce dur retour à la réalité auquel leur leader ne les avaient pas préparé. Il récitera ses « mantra » jusqu'à la fin et avec sa mort, mourront les dernières grandes utopies…

On retrouve les ambiances musicales précédentes, mais ce morceau est beaucoup moins « sympa ». Le personnage principal a de la rancœur. Dans la partie finale on reprend les éléments des autres morceaux. Le personnage meurt accroché à ses convictions, ils les ressasse sans cesse pour mieux s'en convaincre.

A ce point de l'histoire, et même si chaque partie peut-être considérée comme indépendante avec une thématique commune, on peut imaginer que si l'on y prend pas garde, la situation se dégrade au point de reproduire une guerre et ainsi une boucle sans fin (y'a plein de boucles dans l'histoire du monde, même si ça ne nous emplit pas de joie, car en général ce n'est pas pour le meilleur). Ce n'était pas dans notre intention première (on l'avait déjà fait pour Anthill), mais c'est une possibilité. Et puis, certains événements actuels peuvent inquiéter.



Auteur
Commentaire
Moulinexxx
Membre enregistré
Posté le: 24/11/2014 à 18h34 - (1410)
Album monstrueux, au moins aussi bon que le précédent (et ce n'est pas peu dire), mais cette fois avec un son vraiment énorme !



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