La France a un incroyable talent… pour le Metal. En témoigne la qualité des groupes français que j’ai pu apprécier en live ou chroniquer dans ces pages (Bukowski, Los Disidentes Del Sucio Motel). Un constat s’impose. La production hexagonale tient la route et prouve qu’il existe un vivier d’artisans du son, peu connus au delà de la sphère underground, sans qui les fondations du Metal à la française ne seraient pas aussi solides. Je prends donc le relai de Seb On Fire pour ce 2ème portrait de la série « Des Acteurs de l’Ombre ». Rencontre avec Olivier T’Servranx, 35 ans, seul homme à la tête d’Electrik Box, basé à Lille, producteur multi-casquettes, travailleur acharné dont la gentillesse n’a d’égal que la compétence et musicien à ses rares heures perdues.

Salut Olivier. Pour te présenter, peux-tu nous dire avec quels groupes tu as travaillés en citant les plus connus ?
Salut et merci pour l’interview. C’est une première pour moi. Parmi les groupes Metal les plus connus, j’ai travaillé sur Black Bomb A, As They Burn et Darkness Dynamite dont je me suis occupé des prises du dernier album en intégralité. Je peux aussi te citer Insain et Colossus en Death Metal. Au niveau des projets plus rock, j’ai travaillé avec Zoé, Glowsun, Crackmind ou encore The Lumberjack Feedback, groupe de doom instrumental qui a la particularité d’avoir deux batteurs. Enfin, j’ai un faible pour le travail effectué sur Ed Wood Jr. qui donne dans le Math-Rock.

Tu as la réputation d’être un travailleur acharné. Vérifions en regardant de plus près ton actualité…
Je viens de terminer l’album de Zoé (Rock/Hard-Rock) qui part au mastering. Je m’occupe actuellement des prises et du mixage de Netfastcore, du mix et du mastering de Vesper, side-project du guitariste de Darkness Dynamite. Je vais faire aussi toute la production de Bison Bisou, groupe de rock indé et de Fake Off, Hardcore moderne à tendances Post-Rock. Et puis, je vais m’attaquer à un groupe de Rock N’ Roll, Deluxe Renegades.



Tu es également musicien, non ? Quel est ton parcours musical ?
Oui, je suis batteur dans Confusion (Hardcore) avec qui nous avons fait une tournée de 10 dates cet été en Europe Centrale. J’ai également été guitariste au sein de Fast Motion et Carving, connu pour avoir donné naissance à Skip The Use.

Tu fais l’ingé son, les prises, le mixage et parfois le mastering. Comment en arrive-t-on à se lancer dans la production et à créer Electrik Box ?
En fait, quand je jouais dans Carving, j’ai travaillé sur les pré-productions d’un album et avec l’expérience studio qui a suivi, c’est ce qui m’a donné le goût de ce métier. De fil en aiguille, on m’a demandé de faire des pré-prods pour d’autres projets. Je me suis rendu compte que ça me passionnait et on m’a encouragé. J’étais infographiste à l’époque et j’ai profité d’un licenciement économique pour me lancer à fond dans le son. J’ai créé l’association Electrik Box. C’était il y a presque 10 ans, en 2004. J’ai appris à travailler de manière autodidacte et je suis spécialisé dans la prise de son et le mixage même si je peux faire du mastering à la demande pour des petits projets.

Comment travailles-tu concrètement ?
Pour le mixage, je travaille chez moi. Pour les prises, je travaille en partenariat avec des studios d’enregistrement, surtout le studio C&P, ou avec des partenaires. En fonction du projet et du budget du groupe, on définit le meilleur endroit où réaliser les prises. Je trouve ça bien parce que cela permet de répondre précisément aux besoins du groupe, de bénéficier de conditions d’enregistrement optimales, tout en faisant travailler l’économie musicale de la région. Pour certains projets, il m’arrive même de déléguer des prises quand je sais qu’un de mes partenaires est plus pointu que moi pour les réaliser. C’est le cas par exemple pour certaines prises de guitares quand le groupe cherche un son Metal moderne. Inversement, certains collègues viennent me chercher pour leurs productions, notamment pour les prises de batterie.

Et techniquement ?
Je travaille avec Logic Pro sur un Apple Mac. J’ai une table de mixage Studer, des enceintes et amplis NHT.





Qu’est ce qui t’intéresse dans ce métier ?
Plus encore que l’attrait pour un style de musique, même si ça compte, c’est la recherche de son par rapport aux projets des groupes qui me passionne. C’est pourquoi, j’aime m’attaquer à des styles très différents, du Math-Rock façon Ed Wood Jr. au Modern Death Metal de Colossus en passant par le Stoner de Glowsun. Toute la phase de recherche, de la documentation jusqu’à l’expérimentation pendant les prises, est captivante. Cela oblige à se remettre en question de façon permanente pour respecter et trouver ce que cherchent les groupes. Dans cette démarche, je ne me mêle pas de l’aspect artistique, comme un producteur au sens américain du terme, même si je donne parfois des conseils acquis grâce à l’expérience.

As-tu des influences ?
Niveau son moderne, j’aime les productions de As I Lay Dying ou Parkway Drive. En plus old-school, j’apprécie beaucoup Soundgarden, The Bronx et Juliette & The Licks. Et si je devais citer un producteur, ce serait Andy Wallace pour la diversité de ses réalisations. Je l’admire mais ce n’est pas un modèle.

Comment définirais-tu ton style, ta signature ?
L’efficacité, le gros son, la puissance, notamment pour ce qui touche la basse et la batterie. En tout cas, d’après les échos des groupes eux-mêmes, c’est pour ça qu’on vient me chercher !




Abordons un sujet un peu polémique. Que penses-tu de la course au volume le plus fort, la Loud War, qui semble s’être engagée depuis quelques années ? Les compresseurs fonctionnent à plein tube et la dynamique des enregistrements est souvent réduite à peau de chagrin…
C’est vrai, ce phénomène existe même si ce n’est pas ce que je recherche forcément dans mon métier. De mon côté, je commence même à rechercher des productions plus naturelles. Cela dit, je fais très peu de mastering et ne maîtrise donc pas toujours l’aspect final de la production. Et surtout, la demande vient parfois des groupes eux-mêmes. Certains veulent vraiment qu’à l’écoute, on se prenne le mur du son. Difficile de ne pas respecter ce que recherchent ces groupes.

Dans la même idée, y a-t-il encore des batteries non recalées ?
Honnêtement, c’est très rare. Je préfère ne pas mettre de trigg à la prise pour conserver le côté acoustique, mais ensuite on recale souvent avec les logiciels. Ce n’est pas forcément parce que les batteurs sont mauvais. C’est aussi un moyen de gagner en efficacité et en temps d’enregistrement, donc en argent.

Il y a beaucoup de fantasmes sur l’argent et la musique. Peux-tu nous dire si ça rapporte beaucoup ?
Pour être tout à fait honnête, ça me rapporte environ le Smic sur une année complète. Il ne faut pas oublier qu’une partie de l’argent gagné est réinvesti en matériel. Et puis, il faut aussi s’adapter au budget des groupes qui ne croulent pas sous l’or ! Bref, c’est un métier qu’on exerce par passion, pour l’indépendance qu’il apporte aussi, plus que pour l’appât du gain.

N’es-tu pas concurrencé par les home-studios ?
Pas vraiment. C’est même plutôt un avantage car les groupes arrivent en studio en ayant bien préparé le travail en amont. Du coup, on gagne du temps et eux de l’argent.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer dans ce métier ?
Il faut beaucoup travailler, ne pas compter ses heures. Il faut également bien se documenter, faire des recherches mais aussi toujours se remettre en question et ne pas oublier d’expérimenter. Apprendre les bases, les règles puis apprendre à s’en défaire en quelque sorte.

J’ai vu que tu avais poussé un coup de gueule récemment ?
Oui, rien de grave mais disons que j’ai expérimenté la jalousie d’un ou deux « concurrents » qui ne comprennent pas qu’un groupe vient te voir alors qu’il avait enregistré chez eux avant. C’est ridicule, les groupes ont le choix et c’est tant mieux. Disons que je suis plutôt dans le partenariat et l’échange. Ca a pu ne pas plaire.




Un groupe souhaite enregistrer avec toi. Comment ça se passe ? Quels tarifs ? Quelle préparation ?
Il peut me contacter par mail ou via Facebook directement (voir fin de l’article). Niveau tarifs, difficile de donner précisément un montant. Tout est en fait calculé en fonction du projet et du budget initialement prévu par le groupe. Dans tous les cas, il vaut mieux me contacter pour établir un devis. Pour la préparation, je conseille aux groupes de bien travailler rigoureusement et de pré-maquetter si possible. Plus un groupe est prêt et moins c’est cher et meilleur au final.

Quels meilleurs souvenirs gardes-tu de ton travail avec les groupes ? Une anecdote ?
Je garde un excellent souvenir des sessions basse/batterie du 1er album des Darkness Dynamite. Surtout, ça a créé une relation de confiance et je me suis vu confier toutes les prises du dernier album. Ça fait plaisir. Par ailleurs, des groupes étrangers commencent à s’intéresser à mon travail. C’est cool ! Ah, oui, j’ai eu droit à un message personnel de Goran Finnberg (Meshuggah, In Flames) qui masterisait le dernier Glowsun et qui m’a félicité pour le mixage. Un honneur !

Allez, on termine avec des petits quizz. Donne-moi 5 albums incontournables ?
No Fx – Punk In Drublic
Soundgarden – Superunknown
Juliette & The Licks – Four on the Floor
Parkway Drive – Horizons
The Jackson 5.

Et ta dernière claque?
Propagandi, l’album « Supporting Caste ».

Merci pour cet entretien. Je te laisse le mot de la fin.
« Sandalette » ?! Non, je déconne. Merci à toi et à VS pour cette première interview. Ça fait plaisir. Et merci à ceux et surtout à celle qui supporte toutes les heures de travail acharné.

Entretien réalisé au « Carré des Halles » à Lille en novembre 2013. TheUgly.

Contacter, découvrir Olivier T’Servranx :
electrikbox@laposte.net
http://www.facebook.com/electrikboxstudio
http://www.facebook.com/darknessdynamite
http://www.facebook.com/glowsunmusic
http://www.facebook.com/confusion59hc
http://www.facebook.com/ed-wood-jr